This is a digital copy of a book that was preserved for générations on library shelves before it was carefully scanned by Google as part of a project
to make the world's books discoverable online.
It has survived long enough for the copyright to expire and the book to enter the public domain. A public domain book is one that was never subject
to copyright or whose légal copyright term has expired. Whether a book is in the public domain may vary country to country. Public domain books
are our gateways to the past, representing a wealth of history, culture and knowledge that 's often difficult to discover.
Marks, notations and other marginalia présent in the original volume will appear in this file - a reminder of this book' s long journey from the
publisher to a library and finally to y ou.
Usage guidelines
Google is proud to partner with libraries to digitize public domain materials and make them widely accessible. Public domain books belong to the
public and we are merely their custodians. Nevertheless, this work is expensive, so in order to keep providing this resource, we hâve taken steps to
prevent abuse by commercial parties, including placing technical restrictions on automated querying.
We also ask that y ou:
+ Make non-commercial use of the files We designed Google Book Search for use by individuals, and we request that you use thèse files for
Personal, non-commercial purposes.
+ Refrain from automated querying Do not send automated queries of any sort to Google's System: If you are conducting research on machine
translation, optical character récognition or other areas where access to a large amount of text is helpful, please contact us. We encourage the
use of public domain materials for thèse purposes and may be able to help.
+ Maintain attribution The Google "watermark" you see on each file is essential for informing people about this project and helping them find
additional materials through Google Book Search. Please do not remove it.
+ Keep it légal Whatever your use, remember that you are responsible for ensuring that what you are doing is légal. Do not assume that just
because we believe a book is in the public domain for users in the United States, that the work is also in the public domain for users in other
countries. Whether a book is still in copyright varies from country to country, and we can't offer guidance on whether any spécifie use of
any spécifie book is allowed. Please do not assume that a book's appearance in Google Book Search means it can be used in any manner
any where in the world. Copyright infringement liability can be quite severe.
About Google Book Search
Google's mission is to organize the world's information and to make it universally accessible and useful. Google Book Search helps readers
discover the world's books while helping authors and publishers reach new audiences. You can search through the full text of this book on the web
at |http : //books . google . corn/
r
"ÎEC '
TKfîOLOGKALlJBKAKY
y Google
\
DU MEME AUTEUR
Des Partis qui divisent le Catholicisme contemporain.
Conférence. Prix 5o c.
LiviNGSTONE, histoire abrégée de sa vie, volume in-12'
(Grassart). Prix i fr.
L'Afrique Centrale, région des grands lacs. Étude
géographique, (Bonhoure). Prix 60 c.
Les Taxes de la Pénitencerie apostolique, d'après
l'édition publiée à Paris en i520, par Toussains Denis,
Traduction nouvelle en regard du texte latin, avec une
introduction. (Fischbachef). Deuxième édition. Prix i fr.
Quelques exemplaires sur papier de Hollande. Prix 3 fr
Le Mexique aujourd'hui, impressions et souvenirs de
voyage. Vol. in-12. Pion, Paris, 1884. Prix... 3 fr. 5o
y Google
HISTOIRE ^-^f^
7/
DU
PROTESTANTISME
EN TOURAINE
PAR
A. DUPIN DE SAINT-ANDRÉ
Pasteur
« Je l'ai écrit le plus près de la
vérité que j'ai pu. »
COMMINES.
PARIS
GRASSART
Libraire-Éditeur
2, rue de la Paix
FISCHBACHER
Libraire- Editeur
33, rue de Seine
i885
Digitized byCjOOQlC
y Google
.3r ■
A MESSIEURS
DEVILAINE, FOLTZ,
GRAND d'ESNON, RENAUDET, et baron
DE WALDNER,
Membres du Conseil presbytéral de Tours
Messieurs.
Nous allons célébrer le deuxième centenaire
de la révocation de l'édit de Nantes, et rendre
à la mémoire de nos pères le pieux hommage
qui leur est dû. Il est bon qu'on sache ce
qu'ils ont été et ce qu'ils ont souffert : Je suis
donc heureux de pouvoir offrir cette année à
l'église, dont vous êtes avec moi les représen-
tants officiels, une histoire de son passé. Per-
mettez-moi de vous dédier ce petit volume.
Tours, i885.
A. DuPiN DE Saint-André.
y Google
y Google
PRÉFACE
Personne jusquici na écrit V Histoire du Trotestan--
tisme en Touraine. Nous avons essayé de combler cette
lacune; mais nous n avons trouvé de renseignements
abondants et suffisamment complets que sur V Église
réformée de Tours, Cest donc plutôt une monographie
de cette Église que nous publions; cependant les noms
de Saint'Avertin, de Loches, de F Ile-'Bouchard, de
Chinon, d'Amboise, de Saint-Christophe et de Châ-
tillon-sur-Indre, reviennent asseï souvent dans ces
, pages, pour nous donner le dioit d'intituler notre
Essai ; Histoire du Protestantisme en Touraine,
Nous connaissons mieux que personne les lacunes de
ce travail, et nous espérons que d'autres plus heureux
que nous, le corrigeront et le compléteront.
En 1882, nous avons inséré dans T Encyclopédie
de M. Lichtenberger une étude sur le protestantisme
tourangeau.
Des documents découverts depuis nous ont fait modi-
fier quelques-unes de nos conclusions. Nous abandon-
y Google
nons par conséquent tout ce qui, dans l' article en
question, pourrait n'être pas d'accord avec le récit que
nous publions aujourd'hui. D'ailleurs, corriger une
erreur est chose douce pour un homme qui a pris pour
devise le mot de Commines : « Je l'ai écrit le plus près
de la vérité que j'ai pu. >
Nous sommes heureux d^inscrire ici les noms des
personnes qui ont bien voulu nous aider dans nos
longues recherches. Nous devons à M. le D^ Giraudet^
à M. D orange, ancien conservateur de la Bibliothèque
de Tours, à M. Brouillard, à M. Bouchot, de la
Bibliothèque nationale, à M. O. de Grenier, de Gaus-
sa de ; à M, Weiss, de la Bibliothèque du Protestan-
tisme français, à M. Lièvre, d' Angoulême, et surtout
à M. Paul de Félice, pasteur à Chartres, la connais-
sance de quelques documents fort précieux. Qu'ils
veuillent bien agréer l'expression de notre gratitude
la plus sincère et la plus vive.
y Google
HISTOIRE
DU
PROTESTANTISME
EN TOURAINE
CHAPITRE PREMIER
LES ORIGINES
« La peste luthérienne va croissant outre
mesure et répand partout son venin, » écrivait
en i523, l'Évêque de Meaux, Guillaume Bri-
çonnet. En effet, depuis quelques années la
Réforme, qui a été un élan de liberté et une
affirmation des droits de la conscience et de la
pensée, avait fait de nombreuses conquêtes
dans toutes les classes de la société française.
Des savants et des" littérateurs, des seigneurs
et des artisans avaient adopté les idées nouvel-
les et saluaient l'avenir avec joie. « Dieu re-
nouvellera le monde, » disait Farel à Le Fèvre
d'Etaples ; « La vérité revient de l'exil, » écrî-
y Google
vaît à Erasme Guillaume Budé, et d'autres
ajoutaient : « Elle illuminera nos ténèbres. »
La Touraine, avec ses grands seigneurs indé-
pendants et lettrés, avec sa population scepti-
que et railleuse, ses savants, dont Rabelais est
resté le joyeux repjrésentant, ne devait pas re-
pousser la Réforme. On respirait sur les bords
de la Loire un air trop libre pour se laisser
effrayer par les hardiesses des novateurs (i).
Elles eurent d'ailleurs de bonne heure tout
l'attrait du fruit défendu.
Nous aimerions savoir comment et par qui
la doctrine luthérienne a été introduite en
Touraine. Malheureusement, les origines pre-
mières du mouvement religieux, qui se pro-
duisit au xvie siècle dans notre province, sont,
enveloppées de ténèbres profondes. On peut
affirmer cependant que la Réforme a eu des par-
tisans à Tours dès 1 525 .
Nous en avons trouvé la preuve dans un
manuscrit latin, que nous citerons plus d'une
fois, dans V Histoire de la très célèbre église de
St-oMartin de Tours^ par Rodolphe Monsnîer,
prêtre de cette église. L'auteur devait être bien
y Google
re ne saurait être suspect. Or voici ce qu'il
dit :
< Jusqu'ici la S*e-Basilique de S*-Martin avait
conservé intacte la foi catholique des anciens.
Aucun des siens n'avait été souillé, que nous
sachions, par l'une des hérésies, qui au cours
des siècles ont paru dans l'Eglise, quand, au
mois de décembre i525y par un juste jugement
de Dieu^ elle fut déchirée par l'hérésie luthé-
rienne qui était alors pleine de force. Quelques
prêtres habitués^ ayant plus de goût pour ces
nouveautés, quHl ne Vaurait fallu, prêchèrent
certains dogmes luthériens au grand dommage
de. V église et de la foi catholique (i). » — Les
premiers prédicateurs de la Réforme en Tou-
raine sotit donc sortis de l'abbaye de St-Martin.
D'ailleurs, il n'y a rien dans ce fait qui doive
nous surprendre. La bibliothèque de la collé-
giale possédait les Bibles les plus rares et les
commentaires les plus précieux (2). On y trou-
vait en particulier plusieurs exemplaires des
(i) Voir le texte tout entier un peu plus loin. Cf.
St'Afartittf t. m. Extrait du registre capitulaire 1374 à
i562, £i» 265 (BibU de Tours).
(2) L'un deâ traducteurs de la Bible les plus connus,
Jeban de Rely, « grand annonciateur de la parole de
Dieu, » dit Le Fèvre d'É tapies avait été doyen de St-Martin
de Tours. Voir Herminjard, op. c, t. I*', p. 160; cf.
Pétavel^ La Bible en France, p. 64 et 8s«
y Google
- 4 —
œuvres de Nicolas de Lyra, le précurseur de
Luther, et peut-être quelques prêtres, loin
de suivre l'exemple d'oisiveté et de liber-
tinage que donnaient la plupart des moines,
avaient-ils passé leur temps à étudier les
épîtres de saint Paul, source première de
la théologie réformée. D'un autre côté, les
livres venus de Suisse, de Hollande ou d'Al-
lemagne n'étaient pas rares. On lisait un peu
partout les écrits d'Erasme et de Luther (i). Les
habitués de la basilique de St-Martin avaient
donc pu s'éclairer facilement sur les grandes
questions qui passionnaient les esprits. Ils
avaient pris parti pour la Réforme, et en i525
ils en prêchaient les doctrines. Ce zèle pouvait
les mener loin. Marguerite d'Angoulême « la
princesse très chrétienne » , leur protectrice
naturelle, était alors en Espagne auprès de
François h^^ prisonnier de Charles-Quint de-
puis la bataille de Pavie. La France était gou-
vernée par la régente, Louise de Savoie, femme
superstitieuse et de mœurs dissolues, qui vou-
(i) Lambert d'Avignon avait traduit quelques livres
d'Érasme ( Herminjard, op. c, t. 1er p. 3^3 )^ et il est per-
mis de croire qu'il existait des traductions en langue
française de plusieurs écrits de Luther ( Herminjard^ op.
c, 1. 1", p. i55, note d), écrits dont le succès était prodigieux.
« Nulli libri avidius emuntur » écrivait le i" nov. ibao
Glareanus à Zwingle. (Herminjard, op. c., t. I«r, p. 62).
y Google
lant être agréable au pape, avait nommé des
commissaires < pour informer, vacquer et en-
tendre à la répréhension, correction et pugni-
tion» des novateurs. Un souffle d'intolérance
passait sur le pays tout entier, et tandis que
des luthériens étaient jetés dans les cachots dç
la Conciergerie, la Sorbonne triomphait. Les
prêtres habitués de St-Martin durent trembler
quand, au mois de décembre, le chapitre de la
collégiale les fit sommer de comparaître devant
lui. Hérétiques, ils Tétaient. Membres « de
ceste damnée secte de Luther » que le pape
Clément VII avait déclaré dans sa bulle du 17
mai de cette année là, vouloir c extirper, étein-
dre et abolir », pouvaient-ils attendre quelque
pitié ? Allaient- ils être traités comme Jean
Leclerc, le cardeur de laine de Meaux, qui
après avoir été fouetté publiquement, avait été
marqué d'un fer rouge et chassé du royaume ?
Ou bien devaient-ils avoir le sort de maître
Jacques, le libraire de Metz, qui naguère, avait
été mis au carcan dans une fosse, et avait eu
les deux oreilles arrachées ? — Evidemment
le chapitre pouvait les perdre. Il se contenta
de leur infliger une verte réprimande et les
menaça, s'ils ne cessaient immédiatement leurs
prédications hérétiques, de les chasser de la
Ste-Basilique. — Quel dommage que le clergé
de France tout entier n'ait pas eu le bon sens
y Google
— 6 —
et la modération de celui de St-Martin I Que
de larmes et que de sang de moins dans 'notre
histoire (i)!
€ Les hommes veulent être conduits et non
traînés, > écrivait un jour Œcolampade à Farel.
Belle pensée, que les lutteurs du xvi® siècle
n'étaient pas en général capables de compren-
dre I La violence leur allait mieux que la per-
suasion, et dans ce temps d'intolérance univer-
selle, le clergé qui se sentait directement
menacé, avait moins que personne le goût de
la discussion libre, d'où naissent les convic-
tions raisonnées et raisonnables. L'hérésie
l'effrayait et il avait juré de la poursuivre sans
(i) Httctenua Sta-Basilica Martiana Majorum sqorum
fîdem catholicam inconcusse servayerat, nullos ex suis,
quod sciamus, supervenientes in ecclesia catholica decur-
su teraporum haereses ad hoc terapus fœdaverant, mense
tamen Decembri insequentis anni i525, justo Det judicio
adoritur et lacessitur ab haeresi lutherana tune vigente^
Cum enim quidam ex habituatis ejusdenî novitatis plus
quam opertet studiosores dogmata quœdam lutherana
disséminassent in perniciem ecclesiae et catholicae fidei
confestim acriter increpantur a D. D. Decano, Canonicis
'^""^ î'*. oui. nisi cessent illico ab huiusinodi docma-
y Google
trêve ni merci. Jamais serment n'a été plus
fidèlement tenu.
Les menaces que le chapitre de St-Martin
avait adressées aux prêtres habitués de la basi-
lique, n'avaient pas empêché le mouvement
réformateur de .s'étendre dans le pays. Les
procès-verbaux du concile provincial, qui se
réunit à Tours en iSsS, nous en fournissent
la preuve. Nous nous y arrêterons un instant.
— Il n'est peut être pas inutile de rappeler que
l'année précédente, au mois de décembre,
François l^f avait tenu un lit de justice et de-
mandé aux notables réunis de lui aider à payer
la rançon de ses fils, prisonniers de Charles-
Quint. Le cardinal de Bourbon avait promis
I 3oo ooo livres au nom du. clergé de France,
en suppliant le roi de travailler de tout son
pouvoir à l'extermination des luthériens. C'est
pour ratifier ce marché, que les conciles pro-
vinciaux furent convoqués en i528. L'assem-
blée de Tours n'eut pas d'autre origine (i).
Le roi, qui cependant n'était pas fanatique, —
il était trop léger et trop peu convaincu pour
être un ardent défenseur de la messe, — vou-
lant gagner les bonnes grâces du clergé, avait
écrit au chapitre de Tours pour rappeler qu'on
lui avait déjà demandé « de chasser la damnée
(i) Henri Martin, Histoire de France, t. VIII, p. io5.
y Google
— 8 —
secte des luthériens » et déclarer qu'il était
tout disposé à le faire... Il ajoutait même,
qu'il avait ; « comme roy très chrestien » cette
chose < très à cœur ... et disait qu'il y tien-
droit la main et s'y emploieroit par tous les
moiens à luy possibles (i) », — Les prélats
ne demandaient pas autre chose ; mais leur
joie ne fut pas généreuse. Suivant le conseil
qoe leur avait donné le pape, ils refusèrent au
roi le subside qu'il réclamait : ils résolurent
en revanche, comme les pères du concile de
Sens, d'extirper le « cancer » de l'hérésie. Les
procès-verbaux de l'assemblée de Tours, sont
malheureusement très sobres de détails. On n'y
trouve le nom d'aucun des chefs du mouve-
ment réformateur. Tout ce qu'ils nous appren-
nent, c'est que le nombre des luthériens était
déjà fort considérable en Touraine, aussi bien
que dans les provinces voisines. — « Ils pullu-
lent de tous côtés^ » s'écrie le chanoine Bontan,
au cours de la discussion, et il supplie les
Evêques, « d'accord avec ses collègues chargés
de ce soin et députés pour cela, » de s'occu-
per activement de l'extirpation des idées nou-
velles. C'était le conseil qu'avait déjà donné le
/.\ ir-î-
y Google
— 9 —
président en disant : € que les Evêques suffra-^
gants et autres^ autant que cela les regarde et
leur appartient^ aient soin d'arracher avec
diligence les hérésies qui pullulent dans cette
province de Tours et dans les diocèses voisins^ >
et le chanoine Bontan d'§jouter : < il faut chan-
tier les luthériens (i) >.
Paris avait donné l'exemple. Déjà, en i526,
Jacques Pavannes, homme intègre et lettré,
coupable d'avoir nié l'existence du purgatoire,
la vertu de Teau bénite et la puissance de la
Vierge et des saints, avait été brûlé vif en place
de Grève; Termite de. Livry avait eu même
sort pour avoir prêché aux paysans la doctrine
des gens de Meaux, et Louis de Berquin, qui
plus tard paya de sa vie son attachement à
l'Évangile, convaincu d'avoir traduit en fran-
çais quelques opuscules de Luther, avait été
mis deux fois en prison et n'avait dû son salut
qu'à l'intervention de François I«r. Ces actes
d'intolérance avaient excité les esprits, et les
(i) « Dominus vicarius, praesidens, amicabiliter admo-
nuit et exhortalus fuit praefatos Dominos suffraganeos et
alios ut ipsi et eorum quilibat respective in quantum ad
y Google
— lO —
membres du concile de Tours qui ne vou-
laient pas 'être accusés de faiblesse, persuadés
d'ailleurs qu'il était conforme au droit et par-
faitement raisonnable de châtier les hérétiques,
se séparèrent bien décidés à rechercher les
coupables et à frapper impitoyablement les
audacieux qui menaçaient l'église d'une réfor-
me.
Ces résolutions une fois connues suffirent-
elles pour intimider les luthériens de .Tou-
raine et les réduire momentanément au silence ?
Peut-être ; mais les violences exercées ailleurs
contre les novateurs, le supplice de Louis de
Berquin (i), la mort de Jean de Caturce, con-
damné à Toulouse pour avoir prêché l'Évan-
gile, et proposé la veille des Rois, de substituer
aux danses accoutumées la lecture de la Bible,
devaient enflammer les passions religieuses.
Comme toutes les causes persécutées , la
Réforme allait trouver une force nouvelle
dans les supplices de ses enfants. Le sang des
martyrs est une semence qui germe toujours.
Tant que vécut la reine-mère, Louise de
Savoie, les luthériens de France se sentirent
menacés par le fanatisme de cette femme, qui
y Google
— II —
»
croyait racheter les désordres de sa jeunesse en
persécutant les novateurs. Elle mourut le 21
septembre i53i. Les réformés respirèrent •
Protégés par Marguerite de Navarre, qui fit
prêcher au Louvre son aumônier, Gérard
Roussel, ils espéraient pouvoir vivre en paix.
Un instant l'avenir leur sourit, et cependant de
temps en temps on brûlait encore un hérétique
pour la plus grande gloire de Dieu. A Tours,
Catherine Mareschal fut mise à mort en 1 5 3 2 ( i ),
et sa fortune fut réclamée par les religieux de
St-Julien. Il est vrai que le roi ne leur aban-
donna cette proie qu'après qu'ils eurent établi
leur droit de haute justice et prouvé que les
biens de la malheureuse femme leur apparte-
naient, < comme ayant esté bruslée et exécutée
dans le plein fief de Vabbaye pour crime
d'hérésie {2). »
L'entrevue que François !«' eut à Marseille
(1) Nous n'avons pas trouvé la date du supplice, mais
nous pouvons affirmer qu'il eut lieu en tout cas, avant
le 4 février i533; car ce jour- là, le sieur de la Porte,
conseiller au parlement, fut chargé d'ordonner à tous les
tribunaux « d'adinumAr à la barre du Dallais tous ceux
y Google
— 12 —
au mois d'octobre i533 avec le Pape, dont il
désirait ardemment l'alliance, fit trembler les
novateurs. SoUicité par Clément VII de com-
battre l'hérésie, le roi enjoignit au Parlement
de poursuivre les luthériens; il écrivit à
l'évêque de la capitale de commettre deux con-
seillers royaux < pour faire et parfaire procez
d'iceulx hérétiques; » et il lui envoya deux
bulles « qu'il a pieu, dit-il, à nostre St Père
le Pape nous octroyer pour extirper icelle
secte luthérienne de nostre royaulme » (i). La
persécution semblait devoir recommencer plus
violente que jamais ; il n'en fut rien cepen-
dant. Les prêtres eurent beau tonner du haut
de la chaire contre les hérétiques (2) ; le roi
fit la sourde oreille. Des raisons politiques
avaient changé ses dispositions, quand éclata
la malheureuse affaire des placards.
Le 1 8 oct. 1 5 34, sur les murs d' Amboise (3),
(et c'est ainsi que cette affaire nous intéresse
directement), on put lire une affiche qui devait
(i) Herminjard, op. cit., t, III, p. ii5 et ss.
(2) A Tours, pendant le Carême de Tannée i534, on
y Google
— i3 —
soulever bien des colères. C'était les < Articles
véritables sur les horribles^ gratis et impor^
tables abus de la messe papale^ inventée direc-
tement contre la Saincte Cène de Nostre Sei-
gneur^ seul médiateur et Sauveur Jésus Christ. >
— Ce factum, dont le titre seul nous indique
la violence, était l'œuvre non pas de Farel,
comme on l'a souvent répété, mais du Neu-
châtelois Antoine de Marcourt (i). Le texte
nous en a été conservé dans le martyrologe de
Crespin.
€ J'invoque le ciel et la terre en tesmoignage
de vérité, contre ceste pompeuse et orgueil-
leuse messe papale, dit l'auteur en commen-
çant, par laquelle le monde (si Dieu bien tost
n'y remédie), est et sera totalement désolé,
ruiné, perdu et abysmé : quand en icelle nostre
Seigneur est si outrageusement blasphémé et
le peuple séduit et aveuglé. Ce que plus on ne
doit souffrir ni endurer. » — Puis, dans les
quatre paragraphes dont se compose ce pam-
phlet, l'auteur affirme: i® que Jésus-Christ € a
baillé son corps, son âme, sa vie et son sang
pour nostre sanctification en sacrifice très par-
(i) Voir la savante note de M. Herminjard {Corresp.
des RéJorm.f t. III, p, 225), sur l'auteur des placards, à
propos du Petit Traité très utile et salutaire de la
Saincte Eucharistie de Nostre Seigneur Jésus Christ^
par Antoine de Marcourt*
y Google
— 14 —
fait; » et que « ce sacrifice ne peut et ne doit
iamais estre réitéré » ; — 2« que € ceste malheu-
reuse messe a plongé et du tout abysmé quasi
l'universel monde en idolâtrie publique, quand
faussement on a donné à entendre que sous les
espèces de pain et de vin Jésus Christ est con-
tenu et caché corporellement, réellement et
personnellement en chair et en os : — 3^ que
« c'est doctrine de diables contre toute vérité
et apertement contre toute l'Escriture » que la
doctrine de la transsubstantiation, d'après la-
quelle, quand « ces sacrificateurs aveugles » ont
soufflé ou parlé sur le pain et sur le vin, « il
ny demeure ne pain ne vin; » — 4® que « le
fruict et l'usage de la messe est bien contraire
au fruict et à l'usage de la Saincte Cène de
Jésus Christ... » Celle-ci réjouit l'âme du fidèle
et la remplit de consolation, d'humilité, de foi
et de charité ; mais « le fruict de la messe est
bien autre; car par icelle, dit le pamphlétaire,
dont la plume ne respecte rien, toute cognois-
sance de Jésus Christ est effacée, la prédica-
tion de l'évangile est reiettée et empeschée, le
temps est occupé en sonneries, hurlements,
chanteries, vaines cérémonies, luminaires, en-
censemens, desguisemens et telles manières de
sorceleries, par lesquelles le povre monde est
(comme brebis ou moutons), misérablement
trompé, entretenu et pourtnené, et par ces loups
y Google
— i5 —
ravissants mangé, rongé et dévoré... » En
sonfime, s'écrie-t-il en terminant, emporté par
sa colère, « vérité leur défaut, vérité les me-
nace, vérité les pourchasse, vérité les espou-
vante : par laquelle en brief leur règne sera
détruit à iamais (i). »
François I^r était à Amboise, quand parurent
ces placards (2). Un exemplaire en fut apposé
sur la porte même de sa chambre à coucher.
On devine sa colère. Attaquer la messe était
déjà une faute à ses yeux ; mais qu'on eût osé
venir dans son château, malgré murailles,
grilles et sentinelles, afficher à l'entrée de ses
appartements privés un audacieux factum,
voilà ce qui l'irritait le plus. C'était la majesté
royale qu'on avait insultée. Il jura de se venger.
L'événement prouva que François I^"^ savait
quelquefois tenir un serment. Un chantre de
la chapelle du roi, particulièrement compro-
mis dans cette affaire, fut arrêté ; les cachots
se remplirent et les exécutions commencè-
(.1) Histoire des tesmoins de la vérité de l'Evangile
(Crespin). ib7o, f> yg b, g^ gs. — Ces placards ont été
réimprimés dans la France protestante, pièces justifica-
tives, et dans les Chroniques du Roy François, i^^de ce
nom, publiés par Giffrey, Paris 1860, p, 464 et ss.
Digitized by LjOOQIC
— i6 -
rent(i). Une procession expiatoire eut lieu à
Paris le 29 janvier suivant. Le roi y assistait.
Dans sa fureur il affirma que si < ses propres
enfants étaient si malheurfeux que de tomber
en telle exécrable et maudite opinion, il les
voudrait bailler pour en faire sacrifice à Dieu. »
Dix luthériens furent brûlés ce jour-là et les
supplices continuèrent jusqu'en mai.
On jetait dans les flammes avec les con-
damnés les pièces de leur procès. Anéantir le
corps des hérétiques ne suffisait pas à leurs
bourreaux. Il fallait faire disparaître jusqu'aux
documents qui contenaient les preuves de leur
foi et de leur inébranlable courage. Aussi,
bien qu'à cette époque on ait brûlé beaucoup
de luthériens, ne connaît-on les noms que de
quelques-uns d'entre eux.
Ces supplices multipliés émurent les prin-
ces allemands, « de l'amitié desquels, dit un
chroniqueur, le roy avoit lors à faire. « Ils se
plaignirent, et François I«% sentant le besoin
de s'appuyer sur eux pour lutter contre
Charles-Quint, s'excusa dans un manifeste
adressé le i«r février i535 aux Etats de l'Em-
pire, se disant calomnié et affirmant n'avoir
/»\ Ua*.»^:^: — j r* — - j— T>xr^.
y Google
— 17 —
frappé que gens séditieux, voulant bouleverser
le royaume.
C'est ainsi du reste que les religionnaires ont
été dès le début jugés par la royauté. Celle-ci
n'a jamais compris ce qu'il y avait de profon-
dément religieux dans la Réforme naissante.
L'indépendance des novateurs, proclamant
les droits de la conscience envers et contre
tous, semblait menacer l'autorité suprême.
Les luthériens parlaient trop de liberté pour
que les rois ne vissent pas dans leur triomphe
le prélude d'une véritable révolution. Le pou-
voir absolu aurait sombré, si la ^Réforme eût
promené son drapeau victorieux à travers
les provinces. C'est là ce qui explique, en
partie du moins, les persécutions'du xvi* siècle.
La royauté n'a pas d'autre excuse devant l'his-
toire. Si elle a écouté avec une bienveillance
extrême les conseils intéressés que lui donnait
le clergé, menacé lui-même dans son exis-
tence, si elle a livré au bourreau ceux que
l'Église appelait de damnés hérétiques^ des
cancers sociaux, des pestes publiques^ elle l'a
fait parce qu'elle les regardait comme des sédi-
tieux.
Ceux-ci, animés de sentiments bien différents
de ceux qu'on leur supposait, ne mesurant pas
d'ailleurs la portée de leurs revendications,
incapables de se rendre compte des consé-
y Google
— i8 —
quences lointaipes que devait produire la
reconnaissance du droit qu'ils réclamaient
d'adorer Dieu selon leur conscience, ne pou-
vaient comprendre qu'on les regardât comme
des révoltés. Chaque fois qu'ils en eurent l'oc-
casion, ils protestèrent avec une grande éner-
gie et une loyauté parfaite de leur respect
pour la royauté. Ils entendaient conquérir la
liberté de l'âme, mais ils n'en demandaient
pas davantage. Calvin a exprimé cette pensée
dans une lettre à François !«% qui sert de pré-
face à V Institution chrétienne. Après avoir
supplié le roi d'examiner sérieusement la doc-
trine nouvelle, il déclare que les accusations
lancées contre les luthériens « de ne tendre à
autre fin, sinon que tous règnes et polices
soyent ruinées, la paix troublée, les lois abo-
lies, les' seigneuries et possessions dissipées,
bref que toutes choses soyent renversées en
confusion, », ne sont que pures calomnies.
Les luthériens de cette époque ne voulaient en
effet ni se révolter, ni bouleverser l'ordre éta-
bli; ils ne demandaient qu'à jouir de leurs
droits, et ils oubliaient que le vin nouveau fait
éclater les vieilles outres. La société de cette
époque ne pouvait les tolérer qu'en se trans-
formant elle-même : elle essaya de les écraser.
Quelques mois avant la publication du
grand ouvrage de Calvin, deux rubaniers de
y Google
- 19 —
Tours avaient été arrêtés à Paris pour cause
de religion. Ces jeunes gens, qui revenaient
des Flandres et d'Allemagne, avaient introduit ^
en France des livres luthériens. Ce crime les
conduisit au bûcher. Le i8 septembre i535,
ils eurent la langue coupée et furent brûlés
vifs (i).
Sur ces entrefaites, François !««• déclara la
guerre à Charles-Quint; mais quel que fût
son désir de ménager les princes allemands, il
n'en laissa pas moins les Parlements con-
damner les hérétiques de France. Dans un
certain nombre de villes, dçs luthériens subi-
rent le dernier supplice et l'exode du peuple
réformé commença, La Suisse ouvrit ses
portes aux proscrits. Un Tourangeau, qui
s'appelait Pierre Pineau ou Bineau, était
en i538 étudiant à l'Université de Baie (2) ;
en 1543 Jean Chappron de Tours, habitait
depuis quelques années les rives du lac Lé-
man (3), et en 1544 (le lundi 4 août) Pierre
Nynault, de Preuilly, fut nommé pasteur de
Genève (4;. Pendant les [années suivantes, le
nombre des luthériens ne fit que croître sur les
bords de la Loire. Nous savons que ceux de
Digitized by LjOOQIC
20 —
Tours eurent à souffrir pour leur foi : un re-
gistre des comptes de la ville, de i545, nous
en fournit la preuve (i). Il est vrai que ce
document ne renferme aucun détail. Nous ne
connaissons ni le nom des victimes, ni leur
nombre. Rien n'est resté de ces martyrs. Le
vent, qui dispersa leurs cendres emporta jus-
qu'à leur souvenir.
Un an plus tard, le massacre des Vaudois,
l'attentat le plus odieux qui pèse sur la mé-
moire de François I^r, fit naître d'ardentes
sympathies pour la cause persécutée. Les con-
versions se multiplièrent tellement à Tours,
qu'en 1547 ^^ ^^^ envoya dans cette ville plu-
sieurs compagnies de gens d'armes pour inti-
mider les réformés. Il n'y réussit qu'à demi ;
car peu de temps après sa mort, quelques
exaltés croyant faire œuvre pie, brisèrent dans
le faubourg Saint-Éloi les statuettes de saints
et de saintes que les gens bien pensants avaient
placées au-dessus de leurs portes. C'était une
faute grave. Les luthériens auraient dû respec-
ter les symboles du culte catholique. Ces excès
d'ailleurs étaient bien faits pour irriter leurs
y Google
— 21 —
tier saisis de terreur, n'avaient couru tout
tremblants se mettre sous la protection du
corps de ville. Le maire fit jeter les émeutîers
en prison (i).
Quel fut le sort de ces malheureux ? Recou-
vrèrent-ils leur liberté? — Peut-être ; mais ri^n
ne prouve qu'ils n'aient pas été condamnés au
feu, comme le fut en 1548 un marchand lapi-
daire de Tours.
C'est une triste histoire que celle A^Octavien
Blondel. Arrôcé à Lyon, sur la dénonciation
d'un hôtelier dont il avait blâmé « les façons
superstitieuses, » il fut jeté dans un cachot.
Les sollicitations de ses parents l'ébranlèrent,
et il renia l'Évangile ; mais sa conscience lui
fit de tels reproches, qu'il revint sur ses pre-
mières déclarations. On le condamna à mort,
et il monta sur le bûcher « avec une singulière
allégresse (2). » Ses cendres furent jetées au
vent.
Ce supplice ne pouvait laisser indifférente la
(i) Cf. Giraudet, Histoire de la ville de Tours, t. I,
p. 337. Les Réformés se rendirent plus d'une fois cou-
pables d'actes semblables. Témoin la procession qui eut
lieu en oct. 1 647 pendant les -grands jours, et qui devait
venger Phonneur d'une statue de la Vierge insultée dans
Digitized by LjOOQIC
— 22 —
population de Tours ; car la Réforme avait'
fait de rapides conquêtes dans celte ville depuis
quelques années. La bourgeoisie indépendante
et riche avait adopté les idées nouvelles ; une
partie de la noblesse était entrée dans le mou-
vement ; le peuple seul restait fidèle à ses an-
ciennes croyances. Un moine essaya de l'en
détac]ier. Comme Luther il appartenait à
l'ordre des Augustins. On le nommait Ger-
bault (i). Il était prieur de son couvent et de
plus, homme de décision et d'énergie. Il prouva
d'ailleurs qu'il méprisait le danger. Cependant,
s'il faut en croire une tradition qui pourrait
bien avoir quelque fondement historique, il
s'enveloppa d'abord d'un certain "mystère et
réunit les fidèles dans les excavations des co-
teaux de Saint-Georges et de Rochecorbon (2).
La mort tragique de Blondel avait pu lui in-
spirer quelque prudence; mais il n'était pas
homme à se cacher longtemps. Persuadé que
son devoir l'obligeait à combattre ouvertement
l'Église des Papes, il quitta son habit de moine,
et le manteau court sur l'épaule, à la mode des
y Google
— 23 —
ministres de Genève, il se mit à expliquer la
Bible au peuple sur les places et dans les rues.
Cela se passait vers i55o.
A la même époque vivait à Tours un moine
augustin, qui avait un grand renom de savoir
et d'éloquence et qui s'appelait Jean de
VEspine (i). Les historiens de Touraine
disent qu'il fut le compagnon d'œuvre et
l'émule de Gerbault. Cette affirmation est-elle
absolument exacte? On peut en douter. En
tout cas, la question vaut qu'on l'examine :
nous nous y arrêterons un instant.
A quelle époque remonte la conversion au
protestantisme de Jean de L'Espine? Elle n'eut
lieu qu'en i56i. Th. de Bèze l'affirme dans
une lettre qu'il écrivit à Calvin au moment où
se réunissait le colloque de Poissy (2). Ce n'est
pas que depuis longtemps Jean de L'Espine
ne fit ses réserves sur la valeur de certaines
cérémonies catholiques et n'eût adopté une
partie des idées nouvelles, mais il cherchait
encore sa voie. Une lettre qu'il écrivit à Calvin
pour lui annoncer sa décision de rompre défi-
(0 Voir Bulletin de VBistoire du Protest., 90 année,
P.3i.
y Google
— 24 —
nitivement avec l'Eglise de Rome, nous révèle
ses scrupules et nous explique ses hésitations.
Nous en citerons quelques lignes : il est inté-
ressant de connaître les pensées intimes de
l'un de ces moines du xvi« siècle, que leur
conscience poussait hors de l'Égli&e, mais que
leurs goûts, leurs habitudes et le soin de leur
tranquillité, retenaient dans le sanctuaire. 4; Je
te supplie, écrivait de L'Espine à son illustre
correspondant, de ne pas attribuer ma lenteur
à l'astuce ni à quelque dessein mauvais et
caché. Je te dirai en effet devant Dieu, en toute
vérité, eî du fond du cœur, que si j'ai tellement
différé à entrer dans vos églises, je l'ai fait
d'abord pour ne pas disperser par ma présence
ces saintes assemblées, et en second lieu parce
que je n'étais pas encore sûr que je dusse
abandonner tout à fait l'Église des Papes pour
fonder de nouveaux groupes... J'ai toujours
pensé que l'on devait réprouver ouvertement
et fortement toutes les choses qui, dans cette
stupide religion humaine, sont contraires à la
parole de Dieu ou bien y ont été introduites
par un autre conseil (que celui de Dieu), mais
de façon cependant à conserver tout ce qui de
l'institution de Christ y est demeuré intact (i). »
y Google
— 25 —
— De là ces hésitations sans fin, naissant m des
longues et âpres batailles de ses pensées (i). »
Calvin, dont la volonté n'eut jamais de défail-
lances, ne pouvait comprendre les tergiversa-
tions d'un esprit qui ne savait prendre une
résolution. Aussj, lui écrivait-il quelque temps
avant sa conversion : < En tout cela, tu ne
prends conseil que de la peur (2). » Jugement
trop sévère peut-être, mais un peu mérité.
Depuis longtemps en ^effet, de L'Espîne, s'il
avait eu plus de courage, aurait rompu avec le
catholicisme. C'est en 1546 qu'il avait fait la
connaissance de Calvin. En revenant d'Italie,
il était allé le voir à Genève et depuis lors,
séduit par la noblesse de sentiments et la puis-
sance intellectuelle du Réformateur, il lui avait
voué une affection profonde. < Je ne trouverai
de repos, lui écrivaît-il, à son retour, que
lorsque le Seigneur m'aura uni à toi par une
amitié éternelle. En attendant je te prie de
hominum religione aut alîo consilio introducta essent ;
sed ita tamen ut quae in illaadhuc'superessent ex institu-
tione Christi retineantur. » Corpus Reformatorum, CaU
vint Opera^ t. XX, Spina Calvino, n» 4202, — Cette lettre
est probablement de i56x.
(i] « Longas et acres cogitationum conâictationes. >
Calvini Opéra, t. XVIII, Spina Cahino^ mars i56i,
no336i. *
(2) « Solus tibi metus hac in parte consiliarius est. »
Galvini Opéra, t. XVIII, Calvini Spincë, n© 35o5.
y Google
— 26 —
m'écrire et (ce qui t'est facile), de m'instruîre
des choses qui regardent mon salut ou qui
touchent à mon devoir. Demandez en outre,
dans les prières solennelles de vos églises, que
Dieu nous aide à chasser de nos esprits cette
torpeur, qui nous prive de la constance et de
la grandeur d'âme nécessaire pour le prêcher
sincèrement (i). > — Cette dernière phrase
contient un aveu de faiblesse et de timidité.
C'est en vain que le Réformateur dira : « les
circonstances exigent que nous combattions
jusqu'au sang, » de L'Espine essaiera de se
dérober le plus longtemps possible aux péril-
leux devoirs que lui eût imposés une rupture
publique avec son église. Il avouera bien par
exemple en 1548 que les idées de Calvin sur la
communion sont vraies ; qu'il les approuve
toutes et qu'il est même nécessaire de faire de
ces idées une < confession extérieure ; » mais
il se demande si cette confession doit être faite
devant les impies (autrement dit publiquement),
à moins de nécessité absolue (2). On sent qu'il
iw\ Orn nrfleterea ut nobis in solemnibus ecdesiarum
y Google
— 27 —
préfère ne parler que devant des initiés. Au
fond, c'est la peur qui l'empêche de voir son
chemin. < Je ne sais, écrivait-il en 1549, com-
ment il se fait que nous n'ayons pas assez de
courage pour dépasser les bornes que la crainte
nous a imposées (i). > Voilà l'homme qui, reve-
nant un peu plus tard à ses vieilles croyances,
essaya en i552 de convertir au catholicisme
le pasteur Jean Rabec. Est-il possible d'admettre
qu'entre ces deux dates, c'est-à-dire entre 1549
et i552, il ait présidé des réunions publiques
à Tours en compagnie de Gerbault? — Je
réponds non, sans hésiter ; mais en relisant ce
qu'il écrivait en i55o, au moment où Anne
Dubourg venait d'être mis en prison : « Qu'im-
porte que nous périssions cent fois, nous et nos
biens, pourvu que la gloire de Dieu demeure
sauve (2), » -— je ne puis m'empêcher de penser
que l'auteur de ces lignes a dû répandre ses
principes autour de lui au moins à cette
époque-là. Il l'a fait sans doute avec une pru-
coram impiis fieri debeat, si tes non postulet. » Calvini
Opéra {Corp, Réf.), t. XIII, Spina Galvino, n© 1070.
y Google
— 28 —
dence extrême, mais il l'a fait certainement;
car s'il était trop craintif pour parler haut, il
était déjà trop croyant pour se taire, er son
influence, bien que s'exerçant en secret, n'eii
fut ni moins profonde, ni moins réelle (i).
Cependant les idées nouvelles s'étaient ré-
pandues dans les environs de Tours, Un habi-
tant de Chinon,' Jean Godeau^ qui les avait
adoptées et s'était établi à Genève, eut le mal-
heur de rentrer en France avec un de ses amis,
Gabriel Béraudin, de Loudun. Arrêtés à Cham-
béry et accusés d'avoir « reprins et admonesté
un prestre qui blasphemoit le nom de Dieu, »
ils furent condamnés au supplice du feu. Go-
deau fut brûlé vif au mois d'avril i55o, « après
avoir purement confessé la doctrine de l'Evan-
gile (2), » C'est ainsi que mouraient les Ré-
(i) Jean de L'Espine (Joannes a Spina, Spina, Spinaeus,
Acanthius, lo atro Tq; axavSi^c), naquit à Daon, vers 1 5o6.
11 devint moine dominicain selon de Thou; d'autres
disent qu'il fût carme ; nous croyons qu'il fut augustin.
Il était à Toiirs en ii>5o. Il fut envoyé à Angers par ses
supérieurs en 1 552; mais en i56i il abandonna le catho-
licisme et fut successivehient pasteur de Fontenay-le-
y Google
— 29 —
formés, sans faiblesse ni regrets. Henri II ne
voyait dans leur constance qu'une obstinaiion
coupable. Il résolut de les en punir. C'est dans
ce but qu'il détacha des attributions générales
de la chambre criminelle du Parlement de
Paris la connaissance? des cas d'hérésie et créa,
au sein de ce même Parlement, une chambre
particulière devant laquelle ne devaient com-
paraître que des hérétiques. Cette chambre,
dont les membres reçurent de bonne heure le
surnom de Brusleurs, s'appela bientôt la
Chambre ardente, parce qu'elle envoyait sans
miséricorde les novateurs au bûcher. Henri II
applaudissait à ces supplices. Aussi, quand les
bourgeois de Tours, qui étaient presque tous
hérétiques, apprirent en 1 55 1 que ce monarque i
allait faire son entrée dans leur bonne ville,
refusèrent-ils « de se mettre en armes, chacun
dans sa compagnie », pour aller au devant de
Sa Majesté. Il fallut un ordre exprès du roi
pour les y contraindre (i).
Depuis quelque temps, Henri II était en
lutte avec le Pape. Il allait s'allier contre
Charles-Quint avec les Suisses et les princes
protestants d'Allemagne; mais il n'en f^^
y Google
— 3o —
L'Edit de Chateaubriand, qui fut rendu le
27 juin i55i, attribua aux juges présidiaux
aussi bien qu'aux cours souveraines le juge-
ment sans appel et le châtiment des crimes
d'hérésie; il prescrivit des mesures sévères
contre l'introduction des livres venant de
Genève, interdit les imprimeries clandestines,
et n'admit dans les écoles et dans les tribu-
naux que ceux qui produisaient un certificat
d'orthodoxie; confisqua les biens des luthé-
riens fugitifs; décréta des peines contre ceux
qui correspondraient par lettre avec eux à
l'étranger ou les défendraient en justice, et
assura aux délateurs le tiers des biens des pros-
crits et des condamnés. — C'était le triomphe
de l'intolérance. Les documents qui nous ont
été conservés, ne nous disent pas comment cet
édit de funeste mémoire fut exécuté en Tou-
raine ; mais ce que nous savons, c'est que des
réformés de notre province passèrent la fron-
tière en i552 et allèrent demander à la Suisse
la liberté qu'on leur refusait dans leur pa-
trie (i).
A cette époque, cinq jeunes Français, qui
avaient étudié la théologie à l'Académie de
Lausanne et qui rentraient dans leur pays
Digitized by LjOOQIC
— 3i —
pour y prêcher l'Evangile, furent arrêtés et
livrés à la justice. C'était Martial Alba,
Pierre Scribe, Charles Faure, Pierre Navi-
hères et Bernard Séguin. On les connaît sous
le nom des cinq écoliers de Lyon, ville où ils
furent longtemps prisonniers avant de subir
le dernier supplice. La Suisse ne put les voir
mourir sans essayer de les arracher au bour-
reau. Elle envoya une ambassade à Tours, où
se trouvait alors Henri II, pour le supplier de
faire grâce et de traiter moins durement les
luthériens de France. Les délégués des can-
tons helvétiques furent mal reçus par le roi.
« J'ai de votre part été plus d'une fois déjà
en butte à des instigations semblables, leur
dit-il, mais je vous prie de ne vouloir
m'inquiéter et induire en erreur dans mon.
royaume, car je ne vous empêche pas dans
votre gouvernement ; et en somme dans mon
royaume tous ceux de la religion sont sujets
rebelles et vilaines gens dont je ne veux
pas (i) ».
L'émigration continua les années suivantes.
y Google
— 32 —
Etienne Poncher, réclamât l'organisation
d'une chambre ardente (i .) Les Réformés étaient
trop nombreux dans le pays pour ne pas ins-
pirer quelque respect à leurs ennemis.
(3) Archevêché de Tours, Copies et Extraits, t. III,
p. 410. (Bibl. de Tours).
— i<?«=tai3ï^:»=<P^*^
y Google
— 33 —
CHAPITRE II
DE l'organisation DE l'eGLISE DE TOURS
A LA CONSPIRATION d'aMBOISE.
i556-i56o
En i554, il n'y avait pas encore d'églises
complètement organisées sur le territoire fran-
çais. Les fidèles, à cette époque, étaient seule-
ment enseignés, dit un chroniqueur, < par la
lecture de bons livres et selon qu'il plaisoit à
Dieu de les instruire ; quelquesïois par exhor-
tations particulières, sans qu'il y eust adminis-
tration ordinaire de la parole ou des sacremens,
jiy consistoire establi : ains (mais), l'un con-
soloit l'autre comme faire se pouvoit, s'assem-
blans selon l'opportunité pour faire des prières
sans qu'il y eust proprement autres prescheurs
que les martyrs, horsmis quelque petit nombre
de moines, preschajis moins impurement
que les autres : tellement qu'il se peut dire
y Google
-34-
ritage du seigneur commença d'estre rangé et
mis en ordre à bon escient (i). »
C'est en i556 que l'église de Tours fut
organisée , Un riche bourgeois de la ville,
nommé Bedoire, < homme de grand zèle, mais
extrêmement présomptueux, fut le premier qui
n'épargna, dit Th. de Bèze, ni sa personne, ni
son bien pour dresser forme d'église entre ceux
de la religion. » Simon Brossier, qui venait
d'établir un consistoire à Bourges, aida de ses
conseils les réformés de Tours. Des anciens et
desdiacres furent élus. Un pasteur, qui s'appelait
Poterat, prit la direction de l'église, et quelques
mois plus tard Jacques Haron (ou Hazon),
écrivait à CoUadon la lettre suivante :
« Monsieur et bon amy, je me recommande
à votre bonne grâce de tout mon cœur, faisant
savoir de mes nouvelles, c'est assavoir comme
je m'en retournois à Genève, après avoir visité
mon père et ma mère, je passé (sic) par la ville
de Tours, là où j'é si longtemps esté persécuté.
Plusieurs gens du lieu m'ont (ait arrester,
tellement que l'église m'a fait proposer (prê-
y Google
— 35 —
veillans et autres. Lesquels après m'avoir ouï,
ont regardé que je pouvois servir à la gloire
de Dieu, et par ce moien ils m'ont fait demou-
rer de par deçà, voiant aussy la grande néces-
sité de gens qu'il y a aux églises. Toutefois
aians mis en avant ceste raison et après avoir
remonstré à l'église que j'avois promis de re-
tourner les prians de m'assister pour entretenir
mon étude, ils m'ont dit que je m'exercerois
depardeçaetestudierois et que m'assisteroient.
Ce considéré, j'é bien voulu vous rescrire ces
choses et vous advertir de mes nouvelles . . .
Escript à Tours le 2® de novembre 1 556, de par
vostre Jacques Hazon (i). »
Il n'est pas probable que le signataire de
cette lettre soit resté longtemps à Tours, dont
l'église était déjà ou allait être divisée, grâce
à Bedoire, le riche bourgeois que nous avons
nommé plus haut. Ce personnage, n'écoutant
que son zèle, fit prêcher sans consulter person-
ne, m environ l'an i556, » François de Beaupas,
dit Chassebœuf. C'était une faute. Il était inu-
tile d'établir un consistoire, d'organiser l'église
en un mot, si chacun devait rester libre de la
mener à son gré. Les fidèles ne l'entendaient
y Google
— 36 —
un schisme, ils démandèrent aux ministres de
Genève de leur envoyer deux pasteurs.
Plus d'un an s'était écoulé, quand au mois
de mai i558, on leur adressa un vieillard nom-
mé Lancelot (i) et un jeune homme qui s'ap-
pelait Rouvière {2). Deux camps se formèrent
aussitôt. D'un côté Bedoire et ses amis, de
l'autre les deux pasteurs de Genève et une par-»
tie des réformés de la ville (3) . « Et creust ceste
division si avant, dit Th. de Bèze, que peu à
peu les Ministres perdirent la plus part de leurs
auditeurs, et La Bedoire d'autre costé, amena
de Poitiers un nommé Jacques Langlois, le
faisant prescher à Tours tant à luy qu'à ceux
qu'il lui plaisoit. Lancelot et Rouvière sur
(i) Lancelot d'Albeau, gentilhomme angevin.
(2) D'après M. Archinard^ [Bullet. du prot,^ VIII 72),
le pasteur qui fut envoyé à Tours avec Lancelot le 3i
mai i558^ se serait appelé Jacques Bouvier^ et d'après le
Corpus Rejormatorum (XXI, col. 695), Jacques Bonnier.
Th. de Bèze lui donne le nom de Rouvière, que nous
adoptons. Nous n'avons trouvé aucune trace d'un pasteur
nommé Jacques Bouille, que la vénérable Compagnie
aurait adressé à l'église de Tours, le 6 juillet i558 [Bullet,
y Google
-37-
cela feirent tout devoir de remonstrer aux
schismatîques le mal qu'ils faisoient, mais ce
fut en vain. Quoy voiant Lancelot, homme
doux et paisible, demanda et obtint son congé
et de là fut receu ministre à Montoire, où il
dressa l'église, tirant par ce moien le Seigneur
grand bien d'un grand mal. Rouvière ne feit
pas ainsi, mais déclaira que tandis qu'il auroit
une brebis, il demeureroit pasteur, sinon qu'il
fust démis avec bonne cognoissance de cause.
Langlois d'autre part voiant qu'on s'opposait
à sa vocation ne voulut plus prescher. Cela
esmeut La Bedoire de le mener luy-mesme à
Genève, espérant faire trouver sa cause bonne
et de l'en ramener ou quelque autre à son ap-
. petit, pour succéder à Lancelot. Mais les
Ministres de Genève aians remonstré tant à
La Bedoire qu'à Langlois la faute qu'ils avoient
faite contre l'ordre de l'église et refusans d'en-
trer plus avant en la cognoissance de ceste
cause, veu qu'ils n'avoient authorité aucune
sur les églises de France, renvoièrent à vuide
La Bedoire, aiant voulu Langlois s'arrester à
Genève, en intention d'y continuer ses estudes
jusques à ce qu'il fust légitimement appelé au
ministère. Quelque temps après ceux de Tours
s'estans ralliés avec Rouvière, au moins la
meilleure partie, et aians prié les ministres de
Genève de leur envoler un ministre, Charles
2
Digitized byCjOOQlC
— 38 -
d'Albîac, dit du Plessîs, leur fut adressé (i),
lequel y estant arrivé et receu par l'église et
La Bedoîre appelé en consistoire, il ne fut
iamais possible de le reconcilier et faire reve-
nir, quoy qu'il n'alléguast raison aucune de
son fait. Il fut donques excommunié, dont
il tint si peu de compte qu'il demeura tousiours
opiniastre quelques remonstrances qu'on luy
feist et de quelque affliction que luy et sa
maison fussent visités (2). »
Ces tristes divisions n'avaient pas empêché
l'église de Tours de se développer ; et cepen-
dant la persécution redoublait de violence.
Deux Tourangeaux furent brûlés en i557.
Le premier s'appelait ^Philibert Hamelin,
C'était un ancien prêtre ; il fut arrêté en Sain-
tonge et transféré à Bordeaux, où il subit le
dernier supplice (3).
(i) D'après le Registre de la vénérable compagnie^ B
f* 33, c'est le Mercredi 6 juin i5b8 que « Charles du
Plessis (fut) élu pour pasteur de Tours, pour y estre avec
Jacques Roville (Rouvière), au lieu de M. Lancelot d'Al-
beau, qui iroit à Montoire ». Opéra Calvini (corp. Réf.),
t. XXI, col. 607. — Dans le courant de Tannée, Du Ples-
sis fut envoyé à Blois et Antoine Chanorrier, dit Desme-
range, qui exerçait le ministère dans cette ville, le rempla-
ça- à Tours oendant 3 mois. Ce laos de temos oassé. les
y Google
-39-
Le second était un habitant de Tours,
nommé Jean Caillou^ brodeur de son état, qui
avait commis le crime d'aller prier Dieu dans
un bois des environs de la ville avec cinq ou
six de ses amis. Conduit devant ses juges « il
requit, dit un de ses contemporains, qu'il luy
fust permis de prier Dieu avant de respondre
de sa foy, afin qu'il luy donnast force et cou-
rage pour ce faire, » On n'osa rejeter sa re-
quête. Il fit donc confession de ses péchés et
invoqua la grâce du St-Esprit. Puis il pro-
nonça « les prières qui se font ordinairement
es Eglises françoises pour tous estats, pour le
Roy, pour la conservation de son Royaume,
pour les Magistrats, pour toutes les nécessitez
des povres affligez, et ce d'une ardeur singu-
lière. Et puis ayant récité pour confession de
foy le Symbole des Apostres, se leva et res-
pondit aux demandes qui lui furent faites avec
une telle grâce et modestie que les cœurs de
plusieurs furent rompus iusques à îester lar-
mes et monstrer signes qu'ils ne demandoyent
que sa délivrance. » Jean Caillou aurait pu
sauver sa vie en abjurant ; il aima mieux mou-
rir (i).
De tous côtés d'ailleurs ce n'était que sup-
y Google
— 40 -
plices, et cependant la cour de Rome n'était
pas satisfaite. Une lettre adressée au conné-
table de Montmorency par Babou de la Bour-
daisière, alors ambassadeur de France auprès
du Saint-Siège, en fait foi. Qu'on en juge.
« Dernièrement le Pape me déclara, écrit
l'ambassadeur, qu'il s'ébayssoit grandement
comme Sa Majesté ne faisoit aucun compte
de punir les hérétiques de son royaulme,
et que l'impunité de M. D'Andelot (il s'agit
ici de François D'Andelot, l'un des hé-
roïques défenseurs de St-Quentin, qui venait
d'être jeté en prison pour crime d'hérésie),
donnoit une très mauvaise réputation à Sa
Majesté devant laquelle ledit sieur D'Andelot
avoit confessé estre sacramentaire (i), et que 5/
on Veust mené tout droict au feu, comme, il mé-
ritoity oultre que Von eust faict chose très
agréable à Nostre Seigneur, le royaulme de
France fut demeuré longtemps nect dhéré--
sie. » (2) Voilà les conseils que pendant le
cours du XVI® siècle, la papauté n'a cessé un
instant de donner à nos rois. Mener les sacra-
memaires tout droict au feu était pour elle le
comble de la sagesse et même de la piété.
(i) Un des noms que l'on donnait aux réformés.
(2) Bibl. nationale, F. fr. 3i32, 44, cité par J. Dela-
borde, Encyclopédie des sciences religieuses, au mot
Andelot.
y Google
— 41 —
Cependant les réformés de Tours s'agi-
taient. Leur nombre leur donnait de l'audace.
Effrayés, les commissaires du roi se concer-
tèrent avec le clergé et prirent les mesures sui-
vantes :
jo Ordre fut donné à la municipalité de
faire garder les portes de la ville jour et
nuit;
2« On enjoignit à 14 compagnies des pa-
roisses d'armer i5o hommes, qui devraient
obéir au commissaire d'Hauterive. Une invi-
tation du même genre fut adressée aux habi-
tants les plus connus des bourgs voisins;
30 Commandement fut fait aux bourgeois et
manants de Tours de placer chaque nuit de-
vant leurs maisons « des lanternes et lumières
ardentes ; >
40 Furent expulsés de la ville par les ser-
gents et les clercs tous les vagabonds, gens
sans aveu, bélîtres, etc.
Enfin l'on décida que les meneurs du parti
réformé seraient enfermés dans les prisons de
l'archevêché. — « Cette mesure arbitraire
ayant été mise à exécution, dit un historien
auquel nous empruntons ces détails, une com-
pagnie de fervents catholiques eut pendant
trois mois la triste mission de servir de geô-
liers à ces prisonniers coupables d'avoir reven-
diqué les. armes à la main ce grand principe
y Google
— 42 —
de la société moderne : la liberté de cons-
cience. » (i).
Quelques mois plus tard, le 8 mars iSSg,
Morellanus écrivait à Calvin : « Les affaires
des Tourangeaux semblent aller mieux que
dernièrement » (2) . Ce n'était pas beaucoup
dire, car la tempête qui s'était abattue sur
l'Église de Tours, ne s'était pas encore calmée.
Un commissaire, dont nous ignorons le
nom (3), en poursuivait les membres avec
acharnement, et ceux-ci commençaient à per-
dre patience. De sourdes colères grondaient.
Une grande imprudence allait être commise.
Voici comment l'un des pasteurs de Tours,
qui signe Riseus (4), raconte à Calvin, dans
une longue lettre datée du 16 mai, les événe-
ments auxquels nous venons de faire allusion.
Cette épître pleine de détails nous révèle les
agitations et les violences de cette époque
troublée. Nous la résumerons en la tradui-
(1) Giraudet, Hist de la ville de Tours, t. II, p. 4. Il
est bon de faire observer que les réformés de Tours
n^avaient pas encore pris les armes.
(2) Opéra Calvini (Corp, Réf.), t. XV, n- 8045.
(3) t Praefectus inimicus » Opéra talvini (Corp, Réf.],
t. XVII, no 3o54, Riseus Calvino.
Ia\ T1 e:».%^ /^ T»: î« .-»__^ i\ •-_i-i ^
Digitized by LjOOQIC
-43-
sant, sans nous croire obligé d'être bref. <c Tu
sais, dit Fauteur, que le Seigneur nous a visi-
tés pour éprouver cette foule que nous avions
réunie en quelques mois. Il nous a mis dans
la fournaise et, j'ai honte de le dire, il s'y est
trouvé plus de foin et de paille que d'argent et
d'or... et ce qui m'afflige le plus, c'est qu'il y
a (parmi les malheureux dont je me plains),
non-seulement des gens du bas peuple, mais
aussi des hommes sur lesquels je croyais pou-
voir compter pour censurer et punir. Relever
l'Eglise sera difficile... Au surplus, douze des
nôtres, pas davantage, ont été mis en prison.
La plupart d'entre eux ont pu éviter, en don-
nant de l'argent, de passer en jugement; les
autres n'ont pas encore recouvré la liberté. >
Riseus raconte ensuite que plusieurs membres
de son troupeau sont venus le trouver dans la
maison où il se cachait, et ont insisté auprès
de lui pour qu'il écrivît aux églises voisines et
leur demandât du secours. < J'ai refusé, dit-il,
et leur ai déclaré que je ne suis pas ici pour
réunir une armée, mais pour prêcher la pa-
y Google
- 44 —
les chefs du parti réformé se décidèrent à con-
voquer une grande assemblée sur Tune des
places publiques de la ville et à faire parler
leur pasteur devant le peuple pour essayer
d^émouvoir le commissaire chargé des affaires
religieuses et Tempêcher de frapper les prison-
niers. C'était hardi, et encore plus imprudent.
Riseus fit des objections. < Si la foule (qui se
réunira sur la place), est armée, disait-il, nous
ne pourrons empêcher qu'on nous accuse de
sédition ; si elle est sans armes, le loup, quel
que soit le nombre des brebis, enlèvera toutes
celles qu'il voudra prendre. » Il n'y avait rien
à répondre à ce dilemme; mais comment arrê-
ter des gens qui sont décidés à faire une folie ?
Ils insistèrent, et Riseus, entraîné malgré lui,
écrivit aux églises voisines la lettre sui-
vante :
4 Les calamités qui ont fondu sur nous depuis
Tarrivée du commissaire chargé des affaires
religieuses, vous les connaissez, mes Frères.
Et cependant, ce qui est arrivé est peu de chose
en comparaison des coups dont on nous me-
nace. Pour les éviter, nos anciens réunis n^ont
rien trouvé de mieux que de nous assembler
en très grand nombre sur une place de la ville
et d'y confesser notre foi. Si vous le trouvez
bon, nous vous supplions de vous joindre à
nous. Nous vous rendrons la pareille au be-
y Google
-45-
soin. Salut en Christ.» — On fixa le jour de la
réunion, et des copies de cette lettre furent
adressées immédiatement aux églises. Malheu-
reusement les anciens de Tours, désirant av©ir
l'avis du roi de Navarre, décidèrent sans
prévenir leur pasteur ni les gens qu'ils
avaient invités à venir en ville, de ne pas
s'assembler à la date fixée • La réunion fut
retardée d'une quinzaine. Cependant au jour
dit, les membres des églises des environs se
rendirent à Tours. Ils étaient fort nombreux ;
mais apprenant ce qui se passait, ils reparti-
rent. On les laissa faire pour les mieux frap-
per.
« Je reçus bientôt un fort triste message,
écrit Riseus dans la lettre que nous analysons.
L'on vint m'annoncer que pJusieurs d'entre
eux avaient été arrêtés sur la route et jetés en
prison... Je ne sais comment finira cette tra-
gédie. Notre ennemi est parti laissant dans les
cachots plus de 40 personnes (je parle de
ceux des villages voisins...). Il a promis une
grande récompense à celui qui me livrerait, et
je suis connu dans ce pays-ci plus qu'il ne
faudrait... Dans ces conditions-là il est diffi-
Digitized by LjOOQIC
^46-
peux voîr par là dans quel état sont nos affai-
res (i). »
Calvin, qui avait été informé de cet événe-
ment, écrivait le 1 7 mai à l'un de ses corres-
pondants : < Les Tourangeaux ont joué du
clairon avec témérité et cela pour leur malheur.
Cette leçon les rendra moins ardents (2). »
L'événement devait prouver que le réfor-
mateur de Genève connaissait mal les habi-
tants de Tours. Ecrasés pendant plus de trente
ans, ils vont prendre une part active aux luttes
qui se préparent. Bientôt en effet la guerre
civile déchaînera ses fureurs sur les provinces
et les Réformés, qui ont vu leurs frères empri-
sonnés, martyrisés, roués, brûlés, et qui déjà
n'écoutant que leur colère, ont publié des
libelles violents contre la messe, brisé des
statues vénérées par le peuple des villes et des
campagnes, essayé de fomenter des émeutes,
n'hésiteront plus à attaquer leurs ennemis.
La patience fort relative, dont ils ont fait preu-
ve et qu'explique peut-être leur faiblesse numé-
rique, n'est plus de leur goût. Avec la conju-
ration d'Amboise, ils vont ouvrir une ère
y Google
— 47 —
sanglante, dont l'édit de Nantes marquera la
fin et pendant laquelle les deux partis se heur-
teront sur les champs de bataille. Ces combats
fratricides n'empêcheront ni les luttes dans les
rues, ni les pillages, ni les massacres. En
Touraine le sang coulera, des sanctuaires
seront dévastés et la Loire roulera des cadavres
dans ses flots. Triste temps que celui-là ! Nous
n'essaierions pas d'en écrire l'histoire, si nous
n'étions persuadé que, raconter les lugubres
exploits de l'intolérance religieuse est le plus
sûr moyen de la frapper au cœur.
y Google
-48-
CHAPITRE III
le protestantisme en touraine,
d'ambc
VASSY.
i56o-i562
Malgré les violences exercées contre elle, la
Réforme avait pénétré dans toutes les villes du
royaume et dans les campagnes les plus recu-
lées. Paysans, ouvriers, capitaines, artistes (i),
grands seigneurs, chantaient les psaumes et
lisaient la Bible. Les églises se multipliaient,
mais ne formaient pas encore une fédération,
ayant des lois, une discipline, un drapeau.
Le synode, qui se réunit à Paris en iSSg, leur
(i) La Touraine a produit plusieurs artistes protestants.
Citons François Bunel, peintre distingué, qui vivait au
milieu du xyi» siècle ; le graveur Abraham Bosse, né à
Tours en 1602, le peintre Antoine Bahuche et sa fille
Marguerite, qui épousa Jacob Bunel (fils de François),
conservateur du musée du Louvre et des Tuileries, et qui
devenue veuve dut à son talent pour la peinture de suc-
céder à son mari et de toucher un traitement de 600 livres.
y Google
— 49 —
donna ce qui leur manquait. Tandis que les
bûchers flambaient sur les places publiques,
environ cinquante pasteurs et anciens, assem-
blés dans une humble maison du faubourg
St-Germain, rédigèrent une confession de foi
et un code ou discipline^ contenant les lois
qui devaient régir les jeunes églises. Cette con-
fession de foi et ce code, avec les modifications
qu'il a subies depuis lors, ont joui d'une auto-
rité absolue au sein du protestantisme, jusqu'à
la fin du siècle dernier.
L'un des pasteurs de Tours assistait à ce
synode. Il semble y avoir joué un rôle assez
important; ce qui nous fait croire que ce
devait être Charles d'Albiac, homme actif,
remuant et d'une intelligence peu commune.
Pendant que les ministres et les anciens
réunis à Paris délibéraient, on persécutait les
hérétiques sur les bords de la Lobc^. Le nom-
bre des Tourangeaux qui émigrèrent à Genève
en 1 559, en est la preuve (i) ; mais ces brutali-
tés ne devaient pas empêcher la Réforme de
conquérir de nouvelles positions dans le pays.
C'est en iSSg en effet que furent dressées les
églises de St-Avertin et de Chinon. Il serait
intéressant de savoir s'il y en avait d'autres
dans les environs de Tours et d'en connaître
(i) Voir Appendice^ n* IV.
y Google
— So-
les noms. Les documents que nous avons pu
consulter, sont muets à cet égard ; maïs la let-
tre de Rîseus à Calvin, dont nous avons donné
un extrait dans le chapitre précédent, nous
permet de croire qu'il y avait en Touraine des
groupes importants de réformés. L'organisa-
tion des églises de Cormery, d'Azay, de St-
Christophe et de Ligueil, qui étaient pleines
de vie en i56i, remonte sans doute à cette
époque-là (i). Malheureusement, à mesure que
les novateurs devenaient plus nombreux, leur
patience diminuait. La persécution avait exas-
péré les plus calmes, et d'un autre côté les
seigneurs, qui avaient embrassé la Réforme,
en avaient changé le caractère. Dans les églises,
on parlait moins de mourir pour sa foi et
beaucoup plus de se défendre. Un ambitieux,
sachant profiter de ces dispositions nouvelles,
pouvait jeter dans les aventures le parti tout
entier. Le prince de Condé le comprit et
résolut de combattre les Guises avec les
forces protestantes. La conjuration d'Amboise
fut le premier acte de cette lutte sans merci
entre les Bourbons et les Lorrains.
Depuis la mort de Henri II, les Guises
y Google
— 5i —
commandaient au Louvre. François II, jeune
et sans caractère, subissait leur influence et
leur avait abandonné le pouvoir (i). Pour bri-
ser leur puissance, il fallait leur arracher le
roi et les traduire devant les Etats comme
des criminels. L'entreprise était périlleuse;
elle faillit réussir. Voici les faits :
Il faut dire avant tout que les réformés n'é-
taient pas les seuls ennemis des Guises. Des
hommes politiques faisaient circuler des pam-
phlets contre les princes étrangers, et d'un
autre côté des officiers, que la paix avait réduits
à la misère, se plaignaient amèrement de l'in-
solence avec laquelle le Cardinal de Lorraine
avait refusé d'écouter leurs doléances. Cçs
mal-contents étaient nombreux et devaient
fournir des soldats pour le coup de main qui
se préparait.
Nous avons déjà nommé le chef de l'entre-
prise, l'homme qui espérait renverser les
Guises et prendre leur place ; maïs ce n'est pas
lui qui allait engager le combat. Godefroi de
Barri, sieur de la Renaudie, esprit violent,
hardi, inventif, se chargea de recruter les
troupes et de les mener à l'ennemi. Il parcou-
y Google
- 52 —
mit en relations avec les Réformés de Suisse(i)
et de Strasbourg. Dans ses voyages, il répan-
dait des libelles contre les Guises. Il distribuait
aussi deux consultations, écrites l'une par des
ministres de la Réforme, l'autre par des juris-
consultes de France et ^d'Allemagne, affirmant
la légitimité d'une prise d'armes, pourvu qu'il
ne fût rien entrepris ni contre le roi, ni contre
l'ordre de succession des Valois, et que l'insur-
rection fût dirigée par un prince du sang {2).
Parlant au nom de Condé, qui lui avait donné
« pouvoir de comparoir en son nom, où il
apartiendroit, pour adviser à ce qui estoit de
faire en telle nécessité (3), » La Renaudie fut
bientôt entouré de fidèles, qui partageaient ses
haines et ses espérances.
Le pr février i56o, il réunit à Nantes une
partie des conjurés, qui prétendaient repré-
senter les Etats généraux « pour si extrême
nécessité; » et après un discours violent, il leur
fit jurer par le Dieu vivant de combattre les
Guises, « violateurs des consciences, bourreaux
des calvinistes, dilapidateurs de la fortune
(i) Calvin désapprouvait la conjuration. Voir Lettres
françaises^ Paris 1854, t. Il, p. 382 etsq. Cf. Mœrikofer,.
Hist, des Réfugiés de la Réforme en Suisse^ p. 76.
(2) Voir Dargaud, Histoire de la liberté religieuse en
France, t. !•', p. 286.
(3) Th. de Bèze, Hist, Ecclésiastique^ i58o, 1. 1", p. 261.
y Google
— 53 -
publique, étrangers insolents, maîtres impies
du roi et delà France et dictateurs parjures (i). »
Puis il leur annonça qu'il serait leur chef,
jusqu'à ce que le prince de Condé se mît à leur
tête. Le plan d'exécution fut alors arrêté. On
convint de faire venir à Blois,au commencement
de mars, un grand nombre de personnes, qui
demanderaient à voir le roi, pour lui présenter
une requête en faveur des réformés. Pendant ce
temps, cinq cents gentilshommes attaqueraient
la ville et se saisiraient de la personne de
Guise et du cardinal de Lorraine, son frère,
afin de punir ces tyrans « par justice pour ser-
vir d'exemple à la postérité. »
Cette entreprise, bien conçue, aurait pu
réussir, si le secret eût été gardé jusqu'au bout.
Mais les Guises furent informés de ce qui .se
tramait contre eux par Avenelles, avocat de
Paris, et ils amenèrent le roi à Amboise, dont
le château était facile à défendre. Là, ils atten-
dirent les conjurés. Coligny et son frère d'An-
delot, qui n'étaient pas mêlés au complot, y
vinrent mandés en toute hâte par la reine-mère.
Requis de lui donner conseil, l'amiral, qui
était homme « sincère et ouvert (2), » parla du
(i\ r^or»rrailH rtllV _ rt*-a *■ Tor i-» t^ f\r\ t%t en
y Google
-54-
mécontentement de tous les sujets du roi et
demanda qu'un édit fût immédiatement pro-
mulgué < par lequel il fust permis à chacun
de la religion de vivre en repos et seureté en sa
maison. > C'était, à son avis, le seul moyen
d'avoir la paix dans le royaume. Les Guises
espérant « destourner ceste tempeste, qui les
menaçoit de si près, > ne combattirent pas en
conseil cette proposition; et le 1 1 mars, le Par-
lement enregistra une déclaration royale par-
donnant « tous les crimes concernant le faict
delà religion, » à condition que les délinquants
< vescussent de là en avant selon les institutions
et commandements de l'église romaine.» Seuls,
les prédicants et les personnes qui avaient
conspiré contre les membres de la famille
royale ou leurs principaux serviteurs, étaient
exclus des bénéfices de l'amnistie. Des réserves
secrètes enlevaient d'ailleurs toute valeur à
cet édit. Il ne devait pas arrêter les conjurés.
Bien qu'il sût que l'entreprise était décou-
verte, k prince de Gondé était venu à Am-
boise. C'était faire preuve d'audace. Son lieu-
tenant, La Renaudie, montra qu'il était digne
de malwher sous les ordres de ce chef muet.
Ayant appris près de Blois que les Guises
y Google
— 55 —
ville par petites bandes. Les conjurés pou-
vaient encore enlever le château. Mais un des
capitaines de La Renaudie, nommé Lignères,
' fit connaître à la reine-mère les lieux de ren-
dez-vous, et le duc de Guise, toujours prompt
à saisir l'occasion, envoya ses gentilshommes
envelopper les rebelles. Les prisons de la for-
teresse furent bientôt pleines.
Cependant le baron de Castelnau, qui com-
mandait une bande de Gascons et de Béarnais,
traversa Tours (i) et entra dans le château de
Noizay le i5 mars i56o. La Renaudie devait
y arriver le i6 et marcher sur Amboise le 17.
Le duc de Guise le prévint en ordonnant au
duc de Nemours d'enlever le château de Noi-
zay. Le baron de Castelnau pouvait se défen-
dre : il parlementa et consentit à venir à Am-
boise avec ses gens pour présenter au roi les
griets du parti ; mais il fut jeté dans un cachot,
d^où il ne sortit que pour mourir.
Le 16, nouveaux combats isolés. Les soldats
des Guises égorgeaient les prisonniers et sus-
pendaient leurs corps aux arbres voisins. Ce-
pendant La Renaudie, toujours plein de réso-
lution et décidé à vendre chèrement sa vie,
s'avançait vers Amboise. Le 17, en débouchant
y Google
- 56 —
du bois de Châteaurenault, il aperçut un es-
cadron de cavalerie que commandait Pardail-
lan, l'un de ses cousins, son ami d'enfance,
devenu son ennemi. Les deux chefs se recon-
nurent et se précipitèrent l'un sur l'autre avec
une égale fureur. Leurs troupes se mêlèrent et
tandis qu'autour d'eux leurs hommes s'égor-
geaient, les deux cousins croisèrent le fer. La
Renaudie, qui était déjà blessé, tomba de
cheval. Pardaillan démonté, comme lui, vou-
lut l'achever ; mais son adversaire le tua en lui
plongeant son épée dans le corps. Quelques
secondes plus tard La Renaudie, frappé d'un
coup d'arquebuse, tombait mort à côté de son
cousin. Ainsi finit ce conspirateur, qui fut l'un
des hommes les plus vaillants de son siècle.
Ses soldats se dispersèrent, tandis que les
troupes de Pardaillan rapportaient à Amboise
le corps de leur ennemi. Le lendemain, on se
battit encore jusque dans la ville (i); mais la
cour était rassurée : les conjurés étaient bien
vaincus.
Les Guises déshonorèrent leur victoire par
la façon cruelle dont ils en usèrent. Les pri-
sonniers de Noizay eux-mêmes, qui s'étaient
1 V J».» Jï^ -î 1 • z*
y Google
-57-
qu'un vaste charnier. A l'entrée du pont et sur
la place, des potences portant les corps de
quelques chefs; aux grilles du château, des
têtes coupées, des cadavres nus et sanglants :
partout des lambeaux de chair humaine. La
cour trouvait ce spectacle fort beau. Les
jeunes princes et les dames elles-mêmes assis-
taient aux exécutions. Le cardinal de Lorraine
était particulièrement joyeux. Il avait eu peur,
car il était lâche, et il éprouvait une volupté
sauvage à voir mourir ceux qui l'avaient fait
trembler. Il variait du reste ses plaisirs. Après
avoir fait couper des têtes, il ordonna de jeter
dans la Loire un certain nombre de prison-
niers.
On fit peu de procès. A quoi bon ? Tous les
conjurés devaient mourir. Les chefs cepen-
dant furent interrogés par le chancelier Oli-
vier, qui au fond du cîœur, était calviniste.
Pas un n'eut une défaillance. Jusqu'au der-
nier moment ils gardèrent leur fière attitude.
Le baron de Castelnau fit plus. Après avoir
protesté d'avoir « entrepris contre le Roy », il
apostropha le chancelier qu'il avait connu
autrefois : « Quelle honte, lui dit-il! Vous,
qui devriez mourir avec nous, c'est vous qui
nous faites mourir I Mais Dieu vous punira,
et soyez assuré qu'il ne tardera pas. Car c'est
devant lui, devant le Dieu des opprimés, que
y Google
— 58 -
Je vous ajourne avant que l'année soit révo-
lue (i). > Il faut citer aussi les paroles d'un
gentilhomme < de bonne marque », nommé
Villemongis, qui, sur le lieu du supplice,'
trempa les mains dans le sang de ses compa-
gnons et les élevant vers le ciel s'écria : < Sei-
gneur, vois le sang de tes enfants injustement
espandu; tu en feras vengeance (2). » Le car-
dinal de Lorraine le trouva insolent; mais le
chancelier Olivier ne put résister aux émo-
tions violentes qu'il ressentit. Il tomba ma-
lade et comme son état inspirait de vives
inquiétudes, le cardinal vint le visiter; mais
Olivier lui tourna le dos. « Puis le sentant
esloigné, il s'écria : Maudit cardinal, tu te
damnes et tu nous fais aussi damner. » Deux
jours plus tard il était mort, sans avoir con-
senti à se confesser. Le duc de Guise le fit
enterrer < comme un chien (3). >
Le prince de Condé fut assez habile pour
sortir d'Amboise vivant. Quand il sut que la
conjuration était découverte, il ne fit aucune
difficulté de garder l'une des portes de la ville;
il n'essaya pas de sauver ses amis et il resta
y Google
-59-
nay, mis à la torture, le dénoncèrent comme
le chef muet de la conspiration. Il est vrai
qu'on n'avait contre lui aucune preuve écrite ;
il le savait et il paya d'audace. Ayant obtenu
du roi l'autorisation de comparaître devant
lui, Condé, loin de se justifier, déclara que
« ses accusateurs en avaient menti par la
gorge faussement et impudemment », et regar-
dant en face le duc de Guise, il s'écria : 4: S'il
en est ici qui ait osé cette calomnie ou qui la
maintienne, Je le somme de se déclarer et de
m'en donner à l'instant satisfaction. » Le duc,
que cette apostrophe emportée frappait au
visage comme un gantelet de fer, eut le bon
esprit de rester calme. « Monsieur le prince,
dit-il, a toute raison de se plaindre. Les bruits
qui circulent sur sa participation aux révoltes
ne se peuvent supporter plus longtemps. Ils
sont autant d'imputations mauvaises. Quant à
moi, loin de les accueillir ou de les appuyer,
dit-il, en s'adressant à Condé, si vous en venez
à un combat, je m'estimerai heureux d'être
votre second et de soutenir votre innocence
l'épée à la main (i). » L'affaire en resta là.
Les conjurés devaient avoir dans le pays des
y Google
— 6o —
versée, et le corps de ville, après l'avoir fait
relever, paya des hommes pour la garder pen-
dant 17 nuits (i). C'est à ce moment-là que
D'Aubigné traversa Amboise avec son fils
Agrippa, alors âgé de huit ans et demi. Ce
gentilhomme fut tellement ému en voyant les
têtes de ses compagnons encore reconrîaissa-
blés, qu'il s'écria : < Ils ont décapité la France,
les bourreaux; » puis se tournant vers son fils :
« Mon enfant, lui dit-il d'une voix grave, il ne
faut pas que ta teste soit espargnée après la
mienne pour vanger ces chefs pleins d'hon-
neur. Si tu ty cspargnes, tu auras ma malédic-
tion (2). » C'est le dernier mot de cette tragédie.
Le sang appelle le sang.
La population de Tours avait été fort agitée
pendant les troubles. On avait vu dans les
murs de la ville le baron de Castelnau suivi de
quelques-uns de ses compagnons, et les hu-
guenots avaient levé la tête. Après le massacre
(i) Voici la délibération du corps de ville : « A esté
arresté qu*il sera payé par le receveur de lad. Ville à
Pierre, etc.. (employés) à garder de nuitz la potance...
sur laauelle v a auatre testes /'relies de Tastelnau. de
y Google
— 6i —
des conjurés ils devinrent plus humbles, mais
ils étaient trop nombreux pour ne pas inspirer
quelque crainte à leurs ennemis. Le cardinal
de Lorraine, qui un mois après le tumulte
d'Amboise,/ vint à Tours avec le roi et la reine
Marie, était si peu rassuré qu'il fit défendre
aux bourgeois, « sous peine de vie, » d'escorter
le jeune monarque (i). Il n'osa même pas faire
partie du cortège, et après le dîner qui eut lieu
à l'hôtel de ville, il emmena la cour à l'abbaye
de Marmoutiers, dont il était abbé.
Un événement burlesque, qui aurait pu tour-
ner au tragique, marqua cette journée. Un
boulanger de la rue de la Riche, < homme
facétieux, » ayant fait asseoir sur un âne que
conduisaient « deux jeunes garçons nuds et
noircis comme mores, » son fils âgé de sept ou
huit ans, également, nu, les yeux bandés, et
portant un casque argenté, surmonté d'un
oiseau à tête rouge, s'était glissé derrière les
gens de pied, au moment de l'entrée du roi.
Les Guises virent dans cette mascarade « un
jeu expressément dressé par les eschevins et
principaux de la ville pour leur faire despit, »
et crurent qu'on avait voulu « représenter
par le mystère, sans parler, ce que portoient
les escrits de ceux de la religion, à savoir que
(i) Giraudet, Histoire de Tours, t. Il, p. 5 et 6,
y Google
-^ 62 —
le roy enfant estoit conduit, gouverné et mangé
par un cardinal et des princes estrangers. »
Cette plaisanterie de mauvais goût faillit
coûter fort cher à la ville. Les partisans des
Guises voulaient tout simplement la mettre à
sac; mais les Lorrains feignirent de croire
que le boulanger était un sot et que le hasard
seul était coupable. Ils n'en laissèrent pas
moins à Tours un ancien moine, le capitaine
Richelieu, qui commandait une compagnie
d'arquebusiers à cheval, et qu'ils chargèrent
d'y exciter quelque tumulte afin d'avoir une
occasion de châtier cette ville insolente. Les
huguenots eurent la sagesse de ne pas répondre
aux provocations qui leur furent adressées.
Richelieu eut beau parcourir les rues au milieu
de la nuit, en chantant des psaumes, personne
ne bougea. Les « chansons dissolues et pleines
, d'injures contre la Majesté du Roy, de la Royne
mère et de ceux de Guise » laissèrent les gens
indifférents. Quand il alla de maison en maison
convier les plus ardents à venir au prêche, il
fut reconnu, et aucun des réformés ne se laissa
prendre au piège. La tranquillité ne fut pas un
instant troublée, et cependant le capitaine Ri-
cheljeu accusa les huguenots devant le cardinal
et devant François II, de tous les méfaits dont
il venait lui-même de se rendre coupable, si
bien que la ville faillit tomber « en merveilleux
y Google
— 63 —
péril. % Il fallut que le maire, les échevins et
les juges vinssent trouver le roi et lui fissent
connaître les < déportements de ce moine
renié. » Mais ce ne fut pas sans peine qu'ils
obtinrent une audience, car on leur reprochait
d'hêtre tous hérétiques, de n'avoir brûlé depuis
longtemps aucun de ceux de la religion, et
d'avoir laissé prêcher à Tours un certain David,
aumônier de la reine de Navarre (i).
Quelques jours après ces événements, Cathe-
rine de Médicis, qui avait vu son pouvoir
4; donner du nez en terre » depuis le mariage
de son fils avec une nièce des Lorrains, essaya
de tirer parti des rancunes des huguenots. Elle
fit des avances à ceux de Tours, et leur laissa
entendre qu'elle ne serait pas fâchée de venger
les massacres d'Amboise. L'abbé Chastellux et
un gentilhomme nommé Tassin, invitèrent en
son nom le ministre Charles d'Albiac à se
rendre secrètement auprès de la reine, qui était
alors avec la cour" au château de Chenon-
ceaux (2). Cette proposition était si extraordi-
naire que les . réformés refusèrent de laisser
partir leur pasteur. On ne se fiait pas à la dame.
y Google
-64-
D'Albiac se contenta de rédiger un mémoire,
véritable réquisitoire, qui devait être mis sous
les yeux du roi. Cette pièce, signée Théo-
phile Bordenave, fut confiée à un jeune
calviniste de Tours, nommé Le Camus, qui
se transporta à Beaulieu, près de Loches, où
la cour venait de s'installer. Il espérait rencon-
trer l'abbé de Chastellux et le prier de remettre
ce mémoire à la reine-mère; mais sur le conseil
de l'écuyer Feuquières et de la demoiselle de
Gognier, attachés l'un et l'autre au protestan-
tisme, le jour de l'Assomption, dans l'abbaye,
il donna fort adroitement à Catherine de Mé-
dicis le document dont il était porteur. Celle-ci
se retira dans ses appartements et elle venait
d'ouvrir le mémoire quand Marie Stuart entra.
Surprise, mais toujours maîtresse d'elle-même,
l'astucieuse Italienne chargea la jeune reine de
remettre cette pièce au roi, et pour éloigner
tout soupçon elle fit arrêter Le Camus.
Interrogé par le cardinal de Lorraine et un
peu plus tard par le chancelier de L'Hôpital,
le jeune huguenot refusa de nommer l'auteur
du mémoire. Il fut livré au prévôt du palais,
qui reçut ordre d'employer des moyens éner-
giques pour obtenir des aveux. Les Guises
voyaient partout des conjurés; le souvenir des
massacres d'Amboise les troublait ; ils croyaient
à de nouveaux dangers et ils espéraient que Le
y Google
— 65 —
Camus trahirait ses amis- Ils se trompaient.
Menacé d'être pendu s'il ne révélait le nom de
l'auteur du mémoire, il dit en premier Jieu
que le signataire de ce document était un gen-
tilhomme gascon qui habitait Tours; mais ses
sœurs, les demoiselles Le Camus, ayant affirmé
que Bordenave était un pseudonyme, il déclara
que la plainte adressée au roi avait été écrite
par un contrôleur de la ville, nommé Servin,
qui venait de passer en Suisse. On ne put le
convaincre de mensonge.
Quelques jours plus tard (mai i56o), parut
l'édit de Romorantin, portant que la connais-
sance des crimes d'hérésie appartiendrait à
l'avenir aux évêques seuls. En conséquence,
Le Camus, qui avait été enfermé dans le don-
jon de Loches et qui devait suivre la cour à
Orléans, tut renvoyé devant le tribunal de
l'archevêque de Tours, Simon de Maillé. Ce
prélat liii fit son procès, mais lentement, et à
l'avènement de Charles IX (décembre i56o),
le prisonnier recouvra la liberté (i).
Sur ces entrefaites la France avait changé
de maître. François II venait de mourir, et
Charles IX, son successeur, n'était qu'un en-
fant. Catherine, tenue à l'écart sous le règne
(i) Voir La Popelinîère, Hist, de France, i58i, t. I,
p. 179 et sq.
y Google
— 66 —
de son mari et de son fils, allait enfin gouverner
le royaume. Elle était régente. Les Guises n'es-
sayèrent pas de lui disputer le pouvoir; ils
désarmèrent et les huguenot§ se rapprochèrent
de la reine. Condé et Coligny revinrent à la
cour, et tandis qu'aux États généraux d'Orléans
le Tiers réclamait une amnistie pour « les faits
de religion, » la noblesse de Touraine demanda
la liberté de conscience, l'entrée des ministres
au concile national projeté et l'adoption d'une
partie de la discipline genevoise (i). La Ré-
forme gagnait du terrain.
Oh put se rendre compte des progrès qu'elle
avait faits, quand les États provinciaux se
réunirent à Tours au mois de juin i56i. Sur
la proposition d'un député, parlant au nom
« d'un grand nombre de peuple du dict ballia-
ge, » le Tiers inséra dans son cahier une re-
quête au roi, signée Falaiseau, dont nous
citerons le passage suivant : « Sire, est-il dit
dans ce document, une infinité de personnes du
pays et duché de Touraine vous remonstrent
en toute humilité qu'ilz n'ont rien en ce monde
qu'ilz désirent plus que leur salut, et que
pour y parvenir, oyr la parolle de Dieu non
y Google
-67-
falcîfHée, ne obscurcye par traditions humai-
nes et joyr des sacrements en toute puretté
selon l'Évangile de nostre Seigneur Jésus-
Christ; et d'autant qu'ilz désirent après le
service de Dieu s'employer de tout, corps et
bien, pour vostre service, et qu'ilz n'ont aucune
chose en plus grande et singulière recomman-
dation que de démonstrerleur obéissance envers
vostre Majesté, vous supplient en toute obéis-
sance faire omologuer en voz courtz de Parle-
ment, entretenir et garder le dernier édict
donné à Fontainebleau le xix« jour d'apvril
dernier; et donner une plus ample déclara-
tion d'icelluy, deffendant non seuUement à
tous particuliers, mais aussi àtous justiciers
et officiers de les troubler ou molester en
aucune sorte; et davantaige ordonner lieux
publicques et temples, auxquelz ils se puis-
sent assembler pour oyr la paroUe de Dieu
et joyr des sacremens selon la confession
de foy, que vous ont cy-davant présentée et
présentent. » — Ce document se termine par
une demande de convocation d'un concile na-
tional, dans lequel toutes les choses de religion
<soyent décidées par la paroUe de Dieu (i). >
y Google
— 68 —
Rien de plus légal, ni de plus touchant ique
cette supplique. Malheureusement les réformés
de Tours, qui n'avaient pas eu le temps d'ou-
blier les massacres d'Amboise, ne devaient pas
se contenter de cette calme revendication de
leurs droits.
Déjà, au mois de mars, quelques-uns
d'entre eux avaient essayé de s'emparer du
cloître de Saint-Martin ( i ), et le 4 octobre 1 5 6 1 ,
au moment où les membres du colloque de
Poissy étaient sur le point de se séparer (2), une
émeute éclata dans les rues de Tours. C'étaient
les huguenots qui, ne pouvant obtenir l'auto-
risation d'ouvrir un temple, allaient s'emparer
d'une église. Obéissant à un mot d'ordre, ils
envahirent la chapelle des Cordeliers(3),où « le
peuple estoit assemblé pour célébrer la feste
de saint François... Chacun s'attendant, sui-
vant la coutume, dit l'auteur de VEloge des
Archevêques de Tours, d'entendre la parole de
(i) Ghalmel, Histoire et Antiquités de St-Martin, p, 54.
(Mss de la bibliothèque de Tours).
(2) Jean de Tournay, pasteur de Chinon depuis i55g,
assistait au colloque (France prot,, 2' édit, t. II, i"
partie, col. 5o8), avec Gervaise Barbier, diacre de Téglise
y Google
-69-
Dieu, par une surprise extrême et très morti-
fiante aux gens de bien, l'on vid dans la chaire
de vérité un homme en habit séculier, sectaire
de Calvin et ministre de mensonge (i)", décla-
mer insolamment contre la pureté de la doc-
trine et n'espargnant pas dans son discours la
conduite spirituelle de l'église. Il n'eust pas
plus de retenue à l'esgard de la conduite tem-
porelle de l'Estat, invectivant contre la Majesté
royalle et l'intégrité de son conseil, et s'effor-
çant à soulever les esprits contre l'une et l'autre
puissance sous prétexte de liberté... » (2) Ce
discours violent mit le feu aux poudres. Les
passions religieuses longtemps comprimées
firent explosion. Le peuple, conduit par Mar-
tin Piballeau, seigneur de la Bedouère, pénétra
(i) C'était Jean Poterat, comme on peut l'inférer de la
pièce suivante. « Acte de notoriété constatant que Jean
Bonnette, dit la Vigne, et Catherine Decharnières, reuve
de François Arondellcs, vivant orfèvre, furent mariés
ensemble par deffunt M»® Jehan Poterat, lors ministre en
l'église protestante réformée au temple des Cordeliers de
ceste ville de Tours. Signé J. Gaudebert, m'® arbalétrier,
Ant. Peschot, m^® brodeur. Oct. i563. » Minute de i582
de Ch. Bertrand, conservée chez M* Vincent, notaire à
Tours.
(2) Leclerq de Boisrideau, Eloge ou Histoire des Arche-
vêques de Tours, f> 239 et sq.(Mss, biblioth. de Tours.)
— Ce même fait est raconté par Maan , Sancta et métro*
politana ecclesia Turonensis^ p. 197. (Mss, bibl. de
Tours).
y Google
dans le monastère, en chassa les religieux
après les avoir maltraités, détruisit les autels
et pilla la sacristie.
Ausshôt que la reine-mère eut appris ce qui
se passait à Tours, elle y envoya pour rétablir
l'ordre un conseiller du roi, le sieur de Che-
mault. Ce personnage parvînt, au mois de
janvier suivant (i562), à faire rentrer les Corde-
liers en possession de leur église. Des perqui-
sitions furent faites dans les maisons pour
désarmer les émeutiers, et Martin Pibàlleau fut
enfermé avec les plus coupables d'entre eux
dans les prisons de l'archevêché.
Il semble que cette leçon aurait dû rendre*
les huguenots plus sages; mais dans la nuit
du II au 12 février i562, une bande de fana-
tiques, irrités des mesures prises contre eux,
pénétrèrent dans l'église du Chardonnet, et
après en avoir brisé les statues, ils brûlèrent
les ornements et les autels (i). C'était le pré-
lude des grandes luttes qui allaient ensanglan-
ter la Touraine.
La place que la Réforme occupait dans
le pays était considérable. Depuis quelques
années, elle n'avait cessé de faire des conquêtes
y Google
— 71 —
dans toutes les classes de la société, et elle
s'était établie solidement dans quelques petites
villes des environs de Tours. Nous avons déjà
nommé Saint- Avertin, Cormery, Chinon, Azay
et Ligueil, où des églises avaient été fondées.
Loches avait aussi un pasteur, Jean Chasti-
nier, qui avait été emprisonné pour cause de
religion et relâché en i56i (i). A Amboise,
les huguenots vont s'organiser, s'ils ne l'ont
déjà fait. Noizay, dont la châtelaine par-
tage leur foi, leur fournira un asile et plus
tard un lieu de culte. Dans le nord de la
province, Saint-Christophe semble avoir été le
centre du mouvement. C'est là qu'Etienne de
Longueville exerça son ministère, sur la de-
mande des habitants de cette petite ville, où il
ne vint que pour souffrir.
Depuis quelques années déjà, ce ministre,
4; natif de ce pays et duché de Touraine »,
desservait dans le canton de Berne les paroisses
de Prévessin et d'Ornay, quand il fut appelé à
Saint-Christophe par des affaires de famille.
C'était pendant Tété de i56i. Les réformés de
y Google
— 72 -
cette ville, par lettre du 1 5 septembre, consi-
dérant « le grand besoin qu'ils avoient de per-
sonnes de sa vocation », demandèrent . à le
garder comme pasteur (i). Etienne de Lon-
gueville, qui était au service des seigneurs de
Berne, ne pouvait rester en France sans leur
autorisation. Il leur écrivit pour l'obtenir.
Après leur avoir raconté qu'on le sollicitait
« à grandes requestes » en plusieurs endroits
« de publier le Saint Evangille et parolle de
Dieu... de l'advis et consentement de l'église
de Tours, je fus assigné, dit-il, à troys villes et
grosses bourgades; esquelles un grand nombre
de personnes conviennent que j'ai tellement
poùrsuy (réussi) par la grâce de Dieu, qu'il ne
m'a esté possible et n'est encore d'en départir
pour retourner en voz pays, pour exercer et
poursuivre ma vocation et charge par Vous don-
née... » D'ailleurs on m'a promis ici de m'ex-
cuser auprès de vos Excellences, d'obtenir
pour moi pleine liberté et de m'épargner ainsi
« les grands labeurs et travaulx, qu'il me faul-
droit porter et endurer au voyage trop long et
difficile pour mon vieil aage et débilité de mon
corps... Parquoy, Seigneurs débonnaires, vous
y Google
-73-
plaise me faire encore ce bien et grâce de vous
contenter de mon service que j'ai emploie
fidèlement et diligemment tant à vostre collège»
de Lausanne et à l'escole de Gex et pasteur de
Prévessin et Ornay environ trois ans ; — et me
délaisser parachever le cours de ce pèlerinage
et reste de mes ans foibles et débiles avec les
miens, lesquels m'ont requis, requièrent et
retiennent avec ardens désirs pour leur distri-
buer ceste pasture et viande céleste de la pa-
roUe de Dieu. Vous le ferez d'autant plus
volontiers, magnifiques Seigneurs, quand vous
serez bien informez, de ce que véritablement
je vous certifie, comme aussi pourra taire le
messager, qu'il y a par deçà de la moisson et
peuple fidelle en si grand nombre, qu'ils n'ont
pas la dou:{iesme partie des moissonneurs et
pasteurs nécessaires, (Ce) qui sera, s'il vous
plaist, cause assez suffisante pour me des-
charger de vostre part et me laisser y ci en
paix (i). >
C'est le i5 septembre i56i que Longueville
écrivait ces lignes. Il resta en Touraine ; mais
la paix qu'il avait trouvée dans son pays depuis
quelques mois, ne devait pas être de longue
y Google
— 74 —
durée. Avant la fin de l'année une émeute
éclata à Saint-Christophe ; il y eut des maisons
•brûlées; les huguenots subirent de mauvais
traitements et quelques-uns d'entre eux furent
égorgés. Cependant le vieux pasteur avait
échappé au massacre. Ses paroissiens essayè-
rent d'obtenir justice. Le comte de San.cerre,
seigneur de Saint-Christophe, qui semble avoir
provoqué l'émeute, fut dénoncé par eux à la
cour; Les églises des environs leur fournirent
de l'argent pour payer les frais de procédure.
Celle du Mans s'engagea à leur avancer men-
suellement vingt livres tournois (i). Ils deman-
daient : 1° que la prédication de l'Évangile fût
tolérée « sans forcer directement ou indirec-
tement le ministre et les fidèles en leur
conscience et leur religion ; » — 2» que l'on
souffrît l'exécution des édits de tolérance et
que « deux des principaux aucteurs et exécu-
teurs de ladicte sédition » fussent poursuivis
devant la justice; — S*» qu'il fût fait < répara-
tion et satisfaction aux veuves des meurdris ; >
49 que les maisons brûlées fussent reconstrui-
tes, A ces conditions, ils s'engageaient à recon-
y Google
-75-
Il est peu probable que
Saint-Christophe aient obter
de pacification du 17 janvit
leur donner quelque espoir; :
de Vassy fit éclater la guerre
date, il n'est peut-être pas inutile de 1
i563 on ne faisait généralement
qu*à Pâques. La séance du 22 janvic
de parler, a donc eu lieu, d*aprè£
compter, non pas en i56i, mais en
— StfaFl$ll5^*«fiF^
y Google
76-
CHAPITRE IV
DU MASSACRE DE VASSY A LA PROMULGATION
DE l'ÉDIT d'aMBOISE
(1 562-1 563)
Le 3o mars i562, Condé entrait en cam-
pagne, et tandis qu'il se fortifiait à Orléans, les
huguenots des bords de la Loire couraient aux
armes. A Tours, ils surprirent le jeudi 2 avril
les gardes du château et s'emparèrent de la
citadelle (i). — Le lendemain, le cloître de
Saint-Gatien tombait entre leurs mains. De là,
ils pénétrèrent dans la cathédrale, brisèrent les
statues et déchirèrent les livres du chœur.
L'archevêché fut pillé par une bande de fana-
tiques et le samedi .les portes du cloître de
Saint-Martin furent enfoncées. Le peuple se
y Google
// —
même les tombeaux. Celui de saint Martin fut
ouvert et les restes de cet homme de bien fu-
rent brûlés et complètement anéantis. Toutes
les églises de Tours et celles des environs subi-
rent les insultes des vainqueurs (i).
Nous n'avons aucune envie d'excuser ces
tristes violences; toutefois, si Ton veut être
juste, on ne doit pas oublier que depuis plus
de 3o ans, les huguenots étaient persécutés,
qu'ils avaient vu leurs maisons pillées et leurs
frères proscrits ou massacrés. La dévastation
des édifices religieux fut leur vengeance. Dans
leur fureur, ils frappèrent des statues de saints,
qui étaient pour eux des idoles, et ils mirent
en pièces tout ce qui leur rappelait le culte de
leurs persécuteurs. Ce fut un malheur et une
faute : un malheur, car ils ont détruit des
richesses artistiques d'une immense valeur ;
une faute, — une très grande faute, — car ils
ont perdu l'occasion, la seule que les circons-
tances leur aient offerte, de se montrer res-
(i) A Druye, pour ne citer qu'un exemple, quelques
soudards huguenots et un nommé Pierre Bauldrée de
Savonnières a rompirent les aultels et pàintures de Téglise,
emportèrent ung calice d'argent et plusieurs aultres biens
et ornemans de la dite église. » Extrait du registre des
baptêmes, mariages, etc., de la paroisse de Druye, cité
par Tabbé Quincarlet, dans le Bulletin de la Société,
Arch. de Tours, 1877-1879, p. 240-241.
y Google
-78-
pectueux des sentiments de leurs adversaires,
et d'accorder à ceux-ci la liberté qu'ils récla-
maient eux-mêmes et poinr laquelle ils avaient
pris les armes.
En apprenant ce qui se passait à Tours, le
prince de Condé envoya dans cette ville le
sieur de la Curée ; mais celui-ci ne s'entendant
pas avec les habitants, le sieur de la Coudre
vint le rejoindre avec une bonne troupe € et y
fut laissé pour quelque temps, dit un chroni-
queur, afin de donner ordre à tout, » Il s'agis-
sait de faire rentrer le calme dans les esprits
et d'empêcher le gaspillage des richesses trou-
vées dans les églises.
Un certain ordre semble du reste, avoir pré-
sidé dès le début, au pillage des lieux saints.
Les chefs de bande faisaient déposer les objets
les plus précieux dans le trésor de l'abbaye de
Saint-Manin, dont la clef avait été confiée par
le chapitre à un apothicaire nommé Simon,
« l'un des plus grands huguenots qui se trou-
vassent (i), » et un lieutenant du roi, Gervaise
Gohiet (ou Goyet), qui était calviniste, com-
mença même le i6 avril l'inventaire de ce
riche butin. Ce travail devait être repris le
mois suivant par les délégués de Condé,
Digitized by LjOOQIC
— 79 —
lis (i). Ce prince, craignant qu'on ne fît peser
sur lui la responsabilité des actes de vanda-
lisme commis à Tours, écrivit au corps
de ville le 1 1 mai, pour déclarer que c'était
« contre son intention et vouloir que les peu-
ples s'estoient esmeus jusques à abattre et
démolir, » et s'étaient emparés des joyaux d'or
et d'argent déposés dans les temples et les
monastères. Il ordonnait en outre de peser et
d'estimer* devant les députés des paroisses, cha-
pitres, couvents, et « autres tels lieux, avec
orfèvres et autres gens à ce cognoissans et de
bonne foi, » tous les objets de valeur, — d'en
foire dresser- un < loyal registre » et de fondre
les débris « pour être le tout transporté à
Orléans et y être conservé (2). »
Le i5 mai, à huit heures du matin, Mes-
sieurs du présidial lurent cette lettre en la
chambre du conseil, où s'étaient réunis les
députés des paroisses, et le jour même les com-
missaires se mirent à l'œuvre. Gervaise Gohiei,
(0 II reste plusieurs copies du procès-verbal qui fut
dressé. La bibliothèque de Tours en possède une (Mons-
nier, ou\rr. cité, t. II, p. 36i-38®); on en trouve quatre à
y Google
— 8o —
lieutenant du roi, s'établit à Saint-Martin avec
deux conseillers au présîdial et l'un des pairs
de la ville pour assister à l'inventaire. L'avocat
Gardette, qui était huguenot, comme la plu-
part des avocats de Tours, se transporta à St-
Gatien, et le lieutenant général se rendit à
Marmoutiers. En leur présence, les orfèvres
assermentés estimèrent les objets précieux et
les pierres fines qu'on leur présenta. Nous
citerons entre autres belles choses la châsse et
la mitre d'or de saint Martin, la coupe d'or de
Charlemagne, une grande agathe, sur laquelle
Mars et Vénus étaient représentés, évaluée
800 écus, un < camahîeux de Bacchus anti-
que » et une jolie pierre sur laquelle on voyait
€ ung petit Cupidon et Vénus (i). »
Tous ces joyaux devaient être gardés par
Condé m avec ses biens les plus chers >,
pour être rendus, disait-il dans sa lettre du
II mai i562, après la conclusion de la paix,
« à ceux à qui il appartiendra et comme il sera
advisé cy-après par sa Majesté et son conseil. »
Mais pressé par la nécessité, le prince fit
monnayer l'or et l'argent et vendit probable-
y Google
— 8i —
certain nombre de chanoines étaient sortis de
la ville ; l'archevêque s'était enfui à Vernou, et
le lo juin, ordre fut donné à tous les ecclé-
siastiques de vider les lieux dans les 24 heu-
res (i). Les huguenots ne voulaient pas d'es-
pions dans leurs places fortes. Cependant,
quelques chanoines de Saint-Martin restèrent
à Tours, après avoir assisté à l'inventaire du
trésor de l'abbaye. Le clergé les regarda comme
des traîtres. Il est vrai qu'ils n'étaient pas tous
fort estimés. Monsnier, qui était prêtre, nous
parle de leurs désordres moraux en termes
très vifs, et Chalmel raconte que quelques
mois avant le pillage de l'abbaye, le 12 no-
vembre i56i, les deux chanoines. Papillon et
Gazeau, avaient été chargés d'informer contre
leurs collègues « concubinaires, et de chasser
du cloître les femmes de mauvaise vie, ainsi
que les enfants provenus de ce commerce
scandaleux (2). » Les événements de i562
n'ajoutèrent aucun lustre à leur réputation,
car plusieurs d'entre eux s'emparèrent d'objets
précieux et refusèrent de les rendre après le
retour des troupes catholiques. Le chanoine
y Google
— Sa-
de la Rue mourut même sans avoir restitué ce
qu'il avait volé(i).
Depuis trois mois, les protestants étaient
maîtres de Tours, quand le lo juillet 1662, le
maréchal de Saint-André vint mettre le siège
devant la ville. Ses lieutenants firent immédia-
tement ouvrir des tranchées et mettre des
pièces en batterie. Une émeute éclata le jour
même dans l'intérieur des murs. C'étaient les
catholiques qui voulaient ouvrir les portes à
l'armée du roi. Les huguenots se sentirent
perdus. Désespérant de recevoir du secours de
Condé, un grand nombre d'entre eux aban-
donnèrent la ville le lendemain, et les assié-
geants y pénétrèrent avec les ecclésiastiques
expulsés. Le peuple et les soldats se ruèrent
sur les vaincus. Le fer et le teu jouèrent leur
rôle dans cette tragédie ; mais il est bon d'en-
trer dans quelques détails.
Déjà, avant la prise de Tours par les troupes
catholiques, des réformés avaient été massa-
crés dans les environs. A Ligueil, par exem-
ple, des fanatiques s'étaient emparés du pas-
teur, homme « de grande piété et de fort
paisible esprit, » et après lui avoir crevé les
yeux, ils l'avaient brûlé à petit feu sur la place
y Google
— 83 —
publique, pendant que la populace étranglait
quelques-uns de ses paroissiens (i).
Le duc de Montpensier, gouverneur de la
province et son lieutenant Chavigny, humiliés
d'avoir été obligés d'a'bandonner Tours aux
huguenots, n'essayaient pas d'arrêter les meur-
triers. [Ils laissaient faire, et des massacres
eurent lieu à Loches, à l'Ile-Bouchard, à Tau-
xigny et à Cormery. Il y avait dans cette der-
nière ville, dit Th. de Bèze, « un petit groupe
de personnes vivans fort paisiblement en la
crainte de Dieu et sans que ceux du lieu en
eussent un mescontentement quelconque. »
On lés assomma dans les rues, avant de les
jeter dans la rivière; « entre lesquels il n'est à
oublier un jeune enfant de la ville, nommé
Mathurin Chaiseau, aagé seulement de dix-
sept à dix-huit ans, mais d'un singulier esprit
et de savoir es langues outre son aage, lequel
estourdi de coups fut par eux lié sur une
longue selle et esgorgé comme un mouton. Ils
assommèrent aussi un sien compagnon nommé
MoreaUj et pareillement un fort docte et hon-
neste personnage, nommé Scholace^ lequel ils
assommèrent au bourg de Mantelan. Ceux de
Tours entendans ces choses, y envoyèrent le
y Google
-84-
prévost, pour en faire justice, lequel en ayant
attrapé un ou deux, fut contraint de se sauver.
— Ce même jour, une autre troupe de six à
sept cens se rua sur le bourg d'Azé-le-Bruslé (i),
à quatre lieues de Chinon, appartenant au sé-
néchal d'Agenois, où il y avait environ 3o per-
sonnes, qui s'estoient notoirement retirés de
l'église romaine, lesquels se voyans assiégés
par ces chiens enragés^ envoyèrent en diligence
un nommé Pierre Chardon, ancien de leur
église, à la ville de Tours pour estre secou-
rus. » — Il était trop tard. La populace pénétra
le jour même dans le bourg et « entr'autres
cruautés, coupa la gorge à la femme dudit
Chardon^ aagée de 5o ans et plus et à une sienne
fille aagée de 17 ans, » qui avait essayé de
sauver sa mère. — Un ancien prêtre, nommé
maître Pierre, eut le même sort (2). C'était le
prélude du grand massacre qui devait avoir
lieu après le départ des troupes protestantes.
Voici les faits dans toute leur horreur. Nous
laissons la parole à l'auteur de ÏHistoire ecclé-
siastique. Le II juillet i562, trois compagnies
« suivies de tout leur équipage et d'un certain
nombre de fugitifs, » avaient quitté la ville et
y Google
— 85 —
s'étaient dirigées vers •Poitiers. A Balan, latête
de l'a colonne rencontra quelques paysans qui
essayèrent de l'arrêter. Après les avoir culbu-
tés, la petite armée s'avança vers Saint-Epain
et gagna Port-de-Piles. C'est là que les réfor-
més de Chinon la rejoignirent, « de sorte
qu'ils étaient au nombre de neuf cens à mille
hommes pour le moins. » Attaqués par le
comte de Villars, gouverneur de Châtellerault,
ils furent dispersés à Vandœuvres, après que
leurs chefs se furent rendus. Les uns gagnè-
rent Poitiers, et les autres furent pris. Le
pasteur de Chinon, Jean de Tournay^ ou de la
Tour^ qui déjà en i528 avait prêché l'Évangile
à Alençon en habit d'augustin, et depuis avait
exercé le ministère sur les terres des seigneurs
de Berne « avec grande répu;tation de doctrine
et de zèle, » était au nombre des captifs. Il
avait 70 ans. On le livra au bourreau, qui le
noya dans le Clain. — Le pasteur de l'Ile-
Bouchard, appelé Ferrand^ et surnommé le
seigneur Dusson, ne fut pas plus heureux.
Amené à Champigny avec le seigneur des
PérousseSj son voisin, ils furent massacrés et
jetés dans une mare.
À Tours, le sang allait couler. Le comte de
Villars avait renvoyé avec un sauf-conduit les
prisonniers de Vandœuvres. Ces malheureux,
qui se hâtaient de rentrer chez eux, furent atta-
y Google
— 86 —
qués à Port-de-Piles par la populace, quî en
tua quelques-uns. Deux ou trois cents d'entre
eux atteignirent cependant les faubourgs de
Tours ; mais aussitôt qu'on fut prévenu de
leur arrivée, on fit sonner le tocsin et le peuple
se mit en devoir de les charger. Peu nom-
breux furent ceux qui réussirent à s'enfuir,
« Les autres estans environ deux cents furent
menés comme brebis à la boucherie et enfer-
més au temple (église) du fauxbourg de la
Riche. Ce néantmoîns plusieurs se sauvèrent
la nuit, estans aidés de leurs parens et amis.
Le lendemain, le moine Richelieu, accompa-
gné de soldats, entrant dans ce temple, où il
trouva ces pauvres gens chantans les psaumes,
les salua avec horribles blasphèmes à grands
coups de pistole, dont plusieurs furent blessés.
Cela fait, la commune enragée commença
d'entrer au temple et d'outrager en mille sortes
ces pauvres gens quasi tout nuds, du nombre
desquels furent traînés six ou sept vingt en la
rivière. Cela fut le commencement des plus
horribles et énormes cruautez, qui furent ja-
mais commises. Car des lors entrez es mai-
sons de ceux de la religion situées es faux-
bourgs de la ville, ils ne se contentèrent de
tout piller et saccager, mais aussi traînèrent en
la rivière tout ce qu'ils peurent attraper, jus-
ques aux femmes et aux enfans. »
y Google
-87-
Sur ces entrefaites, le duc de Montpensîer
enjoignit aux prêtres, qui avaient quitté leur
soutane, de la reprendre immédiatement. Il
ordonna aux habitants de Tours de faire leurs
pâques, et après avoir tapissé le devant de
leurs maisons, d'assister à une procession gé-
nérale. Enfin, il somma tous ceux qui avaient
des livres huguenots, de les apporter inconti-
nent à l'hôtel de ville « pour estre brûlez, » —
le tout < sous peine de vie. » — Au jour fixé,
la procession eut lieu : quelques protestants y
assistaient : on les reconnut, et ceux d'entre
eux qui ne furent pas jetés dans la Loire allè-
rent en prison. Quant aux maisons restées
« sans parement, » et il y en avait beaucoup,
elles furent pillées et vendues aux plus ofifrants
par ceux de la justice.
Un moine fit présenter à tous les habitants
une confession de foi très catholique, et ceux
qui refusèrent de la signer, furent condamnés
à mort ; < ce qui causa une horrible persécu-
tion à l'endroit de ceux qui se tenoient cou-
verts et cachez. Mais singulièrement les pau-
vres femmes eurent grandement à souffrir,
traisnées à la messe, les unes avecques soufflets
et autres opprobres, les autres menées à pied,
les autres montées par risée sur des chevaux...
On les contraignoit non seulement se mettre à
genoux, mais aussi de prendre une poignée de
y Google
— 88 —
chandelles allumées, dont on leur flamboit les
mains et le visage avec mille tempestes. Ce
néantmoins il y en eut qui demeurèrent fort
constantes et vertueuses et qui jamais ne fles-
chirent...
« Une honorable damoiselle de la maison
du Til^ en Flandre, femme d'un honorable
personnage, nommé Acace dAlbiac^ de Paris,
frère de du Plessis, ministre d'Angers, étant
partie de Lausanne en Suisse avec son mari,
et surprise par les troubles à Tours, après
avoir constamment refusé de soussigner cette
confession, fut traisnée avecques infinis ou-
trages jusques à la rivière, ayant reçeu en
chemin un grand coup d'espée sur le visage et
finalemement avec son hostesse nommée du
Mortier y et une honorable veuve nommée La
Chapesière^ jettée en l'eau si basse que ne pou-
vant estre noyée avecques ses compagnes, elles
y furent assommées à grands coups d'avirons,
jusques à faire sortir la cervelle à la veue d'un
chacun.
€ Une autre pauvre femme des fauxbourgs,
le mari de laquelle ils avoient auparavant
noyé, ayant un petit enfant de sept à huict
mois pendu à la mammelle et tenant de l'autre
main une sienne fille fort belle de quinze à
seize ans, fut avecques grandes insolences
traisnée au bord de l'eau, là où ayant fait sa
y Google
-89-
prière, les genoux en terre, allaitant son en-
fant, le rechangea là au soleil et le mit sur
l'herbe, puis se jettant à genoux le recom-
manda à Dieu. Cependant ces enragez ten-
toient la fille en toute sorte pour la détourner
de la religion, les uns^par menaces, les autres
par promesse, estant là un soldat des plus
braves, qui luy promettoit de l'espouser, de
sorte quç la pauvre fille ne savoit que dire ni
faire. Voyant cela, sa mère luy fit de merveil-
leuses exhortations à haute voix sur ce poinct,
ayant esté précipitée dans l'eau. Sa fille voyant
tels t^cez s'écria disant ces mesmes mots
(depuis testifiez par quelques-uns de ceux-là
tnesmes qui lors estoient consentans à ce meur-
:re et qui depuis furent gagnés à Dieu par telle
:onstance) : « Je veux vivre et mourir avecques
ma mère; faites de moy tout ce que vous
voudrez. » Sa mère n'estoit pas encore morte,
quand ces malheureux poussèrent la jeune
iille après, laquelle alla rencontrer sa mère et
î'embrassans toutes deux, rendirent ainsi l'âme
à Dieu...
« Une autre fille, servante de la femme
d'un des ministres, s^aeée de i7 à i8 ans.
y Google
— 90 —
maistresse, — Le jour de devant, la mère
de ceste jeune fille ayant esté très outrageuse-
ment battue, puis jettée comme morte en une
fosse bien profonde, s'estoit toutes fois comme
par miracle relevée de là sur le soir, et retirée
secrètement en une maison, où elle fut pansée
et guérie depuis ; mais un sien fils et trère de
la dite fille aagé d'environ 20 ans et survenu
comme on alloit noyer sa sœur, laquelle il
taschoit de sauver par humbles prières, fut pris
sur le champ et noyé avec sa sœur, — La
maistresse de cette fille, femme de l'un des
ministres et mère de six petits enfants, ayant
esté finalement trouvée en une cachette avec-
ques toute sa famille et de là traisnée à la
rivière, fut ce néantmoins garantie par un
soldat auquel furent soudain baillez quelques
deniers par quelques femmes qui en eurent
pitié, encore qu'elles fussent de la religion
romaine; mais elle fut contrainte de laisser ses
enfans et faire sa demeure l'espace de deux ou
trois mois es greniers, caves et retraites des
plus secrètes maisons de la ville, esquelles se
-^•^/-/^ntroient auelauefois auatre 011 c\na en-
y Google
— 91 —
Tout était permis contre les huguenots.
Quand on en prenait un, on disait en plaisan-
tant « qu'il falloit les mener parler à M, du
Moulin^ et au consistoire chez MM. du Ponty
de la Rivière et de la Mare^ parce qu'on les
noyoit en ces lieux-là. » La justice laissait faire.
Sur l'ordre de Montpensier, elle avait d'ail-
leurs fait dresser dans tous les carrefours de la
ville des gibets et des roues. Un conseiller,
nommé du Bois et un certain Barrault, qui
avaient fait semblant d'être de la religion,
furent les grands pourvoyeurs du bourreau.
Ils lui livrèrent entre autres Moreau^ homme
honorable, beau-père de l'un des ministres,
René Bouilli et Fouquet^ membres du Consis-
toire, Pavillon^ lieutenant de la prévôté, Geri"
îron^ vieillard estimé de tout le monde, chez
jui la Cène avait été célébrée, Partey^ coutu-
rier, Guillaume Guillot^ orfèvre, et Jourdain^
barbier des pauvres. Un cordonnier, nommé
phdtillon^ mourut sur la roue et fut traîné < au
ravers des rues à la rivière, n'ayant quasi plus
brme d'homme. » — Gerbault, l'ancien prieur
les Augustins, le compagnon de Jean de l'Es-
y Google
. — 92 -
La mort d'une femme, nommée La Glée^
mérite d'être signalée. < Cette honneste bour-
geoise, dit Th. de Bèze, ayant bien profité en
la parole de Dieu, fut présentée à Chavighy
devant lequel elle rendit raison de sa foy,
confermée par tesmoignages de l'Escriture,
avec telle constance, en la présence de quel-
ques moines et prestres, qu'ils ne sceurent que
répliquer, sinon qu'elle estoit en très mauvais
estât. — t Ouy, dit-elle, puisque je suis entre
vos mains ; mais j'ay un Dieu qui ne me lais-
sera point. » — « Vous avez, dirent-ils, re-
noncé à la foy. » — t Ouy, dit-elle, la vostre,
que je vous monstre estre réprouvée et mau-
dite de Dieu et indigne d'estre appelée foy. »
— Sur ce, renvoyée en prison, elle fut de
rechef fort sollicitée à se desdire, luy estans
envoyées pour cest effect quelques femmes en
la prison. Mais ce fut en vain. Car mesme elle
preschoit et consoloit de plus en plus les prison-
niers estans en mesme prison pour la religion.
Partant une matinée, comme elle vouloit pren-
dre son repas, on luy vint annoncer sa sentence
d'estre pendue et estranelée. et à trois hommes
y Google
- 93 -
reux monde, et de l'honneur qu'elle recevoit
de mourir pour sa vérité et porter son collier,
appelant ainsi la corde qu'on luy avoit mis au
col ; puis ne laissa de se mettre à table et de
desjeuner avec la compagnie, bénissant Dieu
et exhortant ses compagnes à prendre courage
et de s'asseurer en la miséricorde de Dieu. —
Finalement, ayant envoyé à ses enfants quel-
ques petites hardes qu'elle avoit, elle se fit
apporter des brassières de drap blanc et dit
qu'elle alloit aux nopces. Estant donc arrivée
devant le temple (église) de St-Martin, comme
:)n la pressoit de recevoir une torche et de
aire amende honorable à Dieu et au Roy :
lOstès, ostès, dit-elle, je n'ay offensé ni Dieu,
fl le Roy en ce que vous dites et pourquoy je
neurs. Je suis pécheresse, mais il ne me faut
pint de telles chandelles pour demander à
Heu pardon de mes fautes; c'est à vous, qui
cieminez en ténèbres, qu'elles appartiennent. »
^ Sur cela, une de ses parentes la rencontra et
hy présenta ses petits enfants, la priant d'en
aroir pitié, veu qu'elle pouvoit se réserver à
eix et sauver sa vie en renonçant à sa religion.
1 ceste rencontre l'affection maternelle luy fit
umber quelques larmes des yeux ; mais sou-
dain reprenant courage : « J'ayme bien, dit-
elle, mes enfans ; mais pour eux ni pour autres
je ne renieray mon Dieu, qui est leur père et
y Google
- 94-
qui pourvoira à leurs nécessités, au quel je les
recommande ; » et passa outre sans estre autre-
ment troublée. — Arrivée au lieu du supplice,-
elle prioit Dieu sans cesse, levant les yeux en
haut, et comme on estoit prest d'exécuter les
hommes qui furent menés avec elle, voyant,
qu'ils s'en alloient sans parler, ni prier Dieu,
elle les convia à ce faire et commença à reciter
à haute voix la confession qui commence
ainsi : « Seigneur Dieu, père éternel et tout
puissant, » contenue aux prières ordinaires,
récita aussi la prière, à savoir l'oraison domi-
nicale et les articles de foy et ainsi rendit
l'esprit à Dieu (i). »
Pendant que les vaincus mouraient brave-
ment, que les rues étaient souillées de sang et
que la Loire charriait des cadavres, Richelieu
et ses sicaires s'enrichissaient aux dépens da
leurs victimes et se ^vantaient d'avoir « du
velours, satin, taffetas de Tours à vendre à
l'aune, de la longueur d'une lieue. »
Des scènes du même genre se passaient dans
les environs de la ville. Le Parlement, sur la
proposition du cardinal de Lorraine, ayant
enjoint à tous les catholiques, par ordonnance
j^ ^^«-_:_
y Google
-95-
OU de leur couper la gorge (i). Quelquefois
ceux-ci se défendaient et se vengeaient. Le
sang coulait de toutes parts. Le corps de ville
ne sachant comment rétablir la paix, s'adressa
lU roi de Navarre, qui était alors à Blois, et
reçut de ce prince une lettre défendant € aux
capitaines, soldats et autres de non pas ravager,
jiller, voler et ne faire aulcunes cruautés inhu-
naines ne jettemens dans l'eau (2). »
Cependant, le duc de Montpensier, voulant
profiter de la victoire, ordonna le 3i juillet de
cresser une liste des fonctionnaires qui pou-
viient être soupçonnés d'avoir favorisé les
higuenots. C'est dans l'église de l'Escrignol
< f u'au son et appel de la cloche, les parois-
siens d'icelle paroisse catholique, vrays servi-
teurs et sujets du Roy, » se réunirent < à l'eôet
dedésigner et annoter sur le rôle général des
gels tant de Tordre judiciaire que de l'ordre
ci^l et administratif les personnes suspectes
d'hérésie, » et accusées d'avoir pris part aux
troubles qui avaient eu lieu (3). Après avoir
inioqué les lumières de l'Esprit saint et prêté
le serment reauis. les membres de l'assemblée
y Google
-96-
' du roi. Soixante-quatorze magistrats ou repré-
sentants de la loi, parmi lesquels le maire,
Claude de Plex (i), des eschevins, des con-
seillers, des notaires et des pairs, furent décla-
rés suspects par les assistants.
Personne n'accusa d'hérésie le président du
tribunal, Bourgeau, dont le nom était inscrit
en tête du rôle des officier^ du roi. C'étak
un homme fort estimé, mais si craintif, que,
malgré ses sympathies pour les huguenots,
il n'avait pas eu le courage de se joindre à
eux. Se sentant menacé par les mesures inqui-
sitoriales édictées par Montpensier, il essaya
de sortir de la ville. Après plusieurs tentatives
infructueuses, il y réussit, mais des gens du
peuple le poursuivirent et se saisirent de lui.
< Ces enragés, dit Th. de Bèze, sans avoir
esgard à sa qualité, ni à son aage, après l'avoir
tout meurtri de coups de bâton et de plat
d'espée, premièrement le despouillèrent pour
avoir son argent; puis n'ayans trouvé grand
(i) Claude de Plex, écuyer, s' de Lormoy et d'Avisay,
prêta serment le i«' nov. i56i et resta maire jusqu'au
mois de juillet 1662. Voir (Bibl. de Tours), Lambron de
Lignim, Armoriai des maires de Tours, p. Sg. De Plex
(écrit ailleurs de Pleys) s'enfuit en Suisse. Il était à Lau-
sanne en 1 574. Marcial Rubet, marchand de Tours et
Digitized by LjOOQIC
— 97 —
argent sur luy et disans qu'il avoit avallé ses
escus, le prindrent à l'instant par les deux
pieds et l'ayans pendu la teste en Peau jusques
à la poitrine estant encore vif, luy fendirent le
ventre, jetèrent ses boyaux en l'eau, et ayans
planté son cœur au bout d'une lance, le portè-
rent au travers de la ville, crians que c'estoit
le cœur de ce méchant président des hugue-
nots (i). »
Le 14 août on dressa une seconde liste de
suspects. Nous y trouvons les noms de 2 offi-
ciers des aides et tailles, de 2 sergents de ville,
de 12 officiers des finances et de quatre
prisonniers (Monseigneur Bertrand, trésorier
de France, M'® -Jehan Leturcq, trésorier,
Mr« Gilles Roy, receveur, M^e François Lo-
pin trésorier alternatif), — de 2 sergents du
grenier à sel, d'un officier des eaux et forêts,
d'un sergent de la juridiction, de 8 audienciers
et huissiers, de 6 notaires royaux, d'un tabel-
lion, d'un sergent de la prévôté, de 24 avocats,
et enfin de 39 procureurs (2).
Il fallait obliger les suspects à se découvrir.
Le duc de Montpensier crut y parvenir en pu-
y Google
-98- .
quallitté ou [condition qu'ils soient où puis*
sent estre, suspects d'estre ou d'avoir esté de la
nouvelle religion et sentans mal de la foy,
seront tenus [de faire confession de leur foy
par devant les juges catholiques de ceste ville,
où assisteront les officiais et vicaires de Mon-
seigneur l'archevesque, et à faute de obéyr et
que leur confession de foy ne se trouveroit
conforme à la religion antienne, catholique et
romaine, en ce cas leur sera enjoint et signiffié
de desloger et partir hors de la ville dedans
quarante heures après la signiffication et sur
peine de vie (i). » Personne ne se présenta.
Le clergé ne se tint pas pour battu. Ayant
obtenu du roi l'autorisation de rechercher
les huguenots, qui ne pouvaient résider en
ville qu'à condition « d'y vivre catholique-
ment(2),»— il fit nommer des quarteniers
pour € chacun en leur quartier avoir cognois'
sance et intendance tant pour le faict de la
recherche des armes es maisons des personnes
suspectes, » que pour voir s'il ne se faisait
€ aulcune assemblée illicite contre l'ordon-
nance du roy (3). »
(1) Archives municipales de Tours, E E 4.
(2) Voir Lettre du Roi du 23 août i562y Arch. munî-
Digitized by LjOOQIC
- 99 -
Il ne restait aux réformés qu'à cçurber la
tête, à souffrir en silence et à pleurer leurs
morts, en attendant que Fédit d'Amboise leur
rendit un semblant de liberté.
— sr^^ap«5l?^^=«îf«?^-*-
y Google
— 100 —
CHAPITRE V
DE l'ÉDIT d'aMBOISE A LA SAINT-BARTHÉLEMY
(l!>63-l572)
L'assassinat du duc de Guise mit fin à la
première guerre civile. Catherine de Médicis,
enfin maîtresse du pouvoir, se hâta de négo-
cier avec Condé, qui se laissa séduire et con-
clut à Amboise, le 19 mars i563, un traité de
paix, avantageux pour la noblesse huguenote,
mais désastreux pour la bourgeoisie.
Ce traité, rédigé sous forme d'édit de pacifi-
cation, octroyait aux barons, châtelains, hauts
justiciers et seigneurs tenant fief de haubert, le
droit de faire célébrer le culte réformé sur
leurs domaines; aux gentilshommes sans vas-
saux, il accordait la permission d'avoir un
ministre dans leurs châteaux pour eux et leurs
familles seulement ; mais le peuple, en dehors
y Google
— lÔI —
signé un pareil traité. « Restreindre la reli-
gion à une ville par bailliage, s'écria Coligny,
c'est ruiner plus d'églises d'un trait de plume,
que les forces ennemies n'en eussent pu abattre
en dix ans. » L'amiral voyait juste et disait vrai.
Cependant, l'édit d'Amboîse accordait la
liberté de conscience, et malgré les restrictions
imposées à l'exercice du culte, c'était la recon-
naissance du plus sacré de tous les droits. Le
peuple huguenot s'en serait contenté (nous ne
parlons pas des seigneurs, qui jouaient un
autre jeu que lui), mais ses ennemis étaient
décidés à entraver aussi longtemps que pos-
sible l'exécution de ce traité. Le Parlement de
Paris ne l'enregistra que de fort mauvaise
grâce, le lieutenant général de Bourgogne le tint
pour nul et non avenu, et à Tours les catho-
liques refusèrent de déposer les armes (i). La
conclusion de la paix n'avait pas calmé les
passions, surexcitées par la guerre qui venait
de finir; toutefois les réformés n'en réclamèrent
que plus énergiquement l'exécution de la loi.
Dans une requête adressée au roi, ils deman-
dèrent d'abord qu'Adrien Quinart, lieutenant
général au présidial, Gervaise Gohiet, lieute-
nant particulier, René Gardette, Etienne Le-
pelletier, et Etienne Parent, conseillers, Jehan
(i) H. Martin, Histoire, t. IX, p. i5i.
Digitized by CjOOQ iC
— I02 —
Houdry, procureur du Roi et Jehan Falaiseau,
avocat, fussent réintégrés dans leurs charges.
— En second lieu, ils supplièrent Charles IX
de casser les archers nouvellement nommés,
de défendre au maire de se mêler des affaires
de la justice et d'annuler Tordonnance de
Chavigny, qui leur interd,isait de garder les
portes avec les catholiques. — Ils rappelèrent
ensuite à Sa Majesté, qu'une somme de qua-
rante mille livres avait été levée sur les biens
de 120 des leurs, alors absents, et ils expri-
mèrent l'espoir qu'il serait fait une nouvelle et
juste répartition de cette somme « sur tous les
manans et habitans de ladite ville, en forme et
manière accoustumée. » — Enfin, confians en
la promesse que le roi leur avait faite « au
camp près Saint-Mesmin, » de les autoriser à
célébrer leur culte à St-Symphorien, ils solli-
citèrent la permission de se réunir dans l'un
des faubourgs de la ville, souhaitant d'ailleurs
de pouvoir « suyvant l'édict, partout en leurs
maisons, vivre en liberté de conscience, y prier
Dieu avec leurs familles, luy chanter louanges
et psalmes, sans y estre recherchez ne moles-
tez (i). » C'était leur droit.
y Google
— io3 —
Sur le premier point, justice leur fut rendue
Par lettres patentes du 24 juin i563, sans tenir
compte des protestations du clergé, Charles IX
rendit leurs charges aux officiers du présidial
qui avaient été destitués (i).
Le scandale que causa cette décision fut im-
mense. Les ennemis de Quinart, de Gohiet, de
Parent, de Houdry, de Lepelletier, de Gardette
et de Falaiseau, étonnés, humiliés et momen-
tanément vaincus, ne prirent jamais leur parti
de cette défaite. Ils intriguèrent à la cour et
obtinrent dans le courant d'octobre la suspen-
sion de ces magistrats ; mais ceux-ci confondi-
rent leurs calomniateurs et furent rétablis une
seconde fois dans leurs « charges. et offices (2). »
Ce ne fut cependant qu'au commencement de
l'année suivante (1564), qu'ils purent rentrer
en ville avec quelques autres notables, grâce à
l'intervention énergique des commissaires du
roi, le s** de Chemaux et messires Boucher et
Delavau, chargés de « l'exécution et entretai-
nement des édicts (3). »
Nous ne savons si les réformés furent auto-
risés à monter la garde aux portes de la ville
(i) Archives municipales, Lettres patentes, E E 4.
Digitized by LjOOQIC
— 104 ""
comme les catholiques, ni si les sommes pré-
levées sur leurs biens l'année précédente leur
furent restituées en partie. A vrai dire, nous ne
le croyons pas. Il y avait trop de haine dans
les cœurs pour que les règles de l'équité
fussent strictement observées.
Quant au lieu de culte, que l'édit leur accor-
dait dans l'un des faubourgs de la villle, ils ne
purent en obtenir l'ouverture. Charles IX leur
avait bien promis de les établir à Saint-Sym-
phorien, mais quand ils essayèrent de s'y
installer, leurs ennemis s'y opposèrent et vou*-
lurent les obliger à se réunir à Saint-Avertin.
Les réformés refusèrent; car, disent-ils dans
leur plainte du 24 juin i563, Saint-Avertîn
< nest ne ville ne faulxbourg, mais ung petit
village, non en la juridiction du Roy, mais de
ceulx du chapitre Saint-Martin, leurs /contrai-
res et opposans, — et distant dudict faulx-
bourg de plus d'une lieue. » Pour y aller
d'ailleurs, il faut passer < plusieurs ponts,
marescaiges. rivières et aultres lieux cjange-
reux et mal aîsez. » — Ils ne pouvaient donc
accepter la proposition qui leur était faite. En
attendant^ ils se réunissaient dans leurs mai-
sons ou dans les environs de la ville ; mais le
24 mars 1564, un arrêt du conseil du Roi leur
assigna Langeais, et leur défendit de s'assem-
bler ailleurs sous peine « d'estre pugnis comme
y Google
. — io5 —
rebelles. » — Ils réclamèrent. Langeais était
trop loin de Tours pour qu'il fût possible aux
vieillards, aux femmes et aux enfants de s'y
rendre tous les dimanches. On ne pouvait les
y contraindre, sans violer l'esprit de Fédit
d'Amboise. On le comprit, et le duc de Mont-
pensier les autorisa à se réunir à Maillé
{Luynes).
Le 4 septembre 1564, environ deux cents
réformés de Tours, officiers du présidial et
bourgeois, s'assemblèrent dans cette petite
ville et furent mis en possession, par le s^ de
Botscourtaut, assisté de François de Fore,
homme d'arme et de sa compagnie, d'un lieu
< pour l'exercice de religion. » C'était « une
place fort incommode, exposée à la pluie et au
vent; » mais il fallut s'en contenter (i).
Nous avons vu que grâce à l'intervention
des commissaires du roi, les magistrats desti-
tués pour crime d'hérésie, étaient rentrés à
Tours au mois de janvier 1564, avec les
notables qui avaient quitté la ville. C'était
une imprudence grave. Ils le comprirent bien-
tôt, et à la fin de l'année, comme les autorités
y Google
— io6 —
blée, pendant laquelle les meneurs du parti
clérical souillèrent leur cause par des rigueurs
inutiles. Ce document, encore inédit, mérite
d'être connu. En voici un résumé (i) :
« Sire, vos très humbles, très obéissans et
très fidelles serviteurs et subjects de la religion
de vostre ville et faulxbourgs de Tours, après
tant de maux et travaulx qu'ilz ont euz durant
les derniers troubles de ce royaulme, tant en
leurs personnes et biens, que principalement
en la perte de mil à douze cens de leurs parens
et amys, leurs concitoyens de ladicte religion,
— • desquels biens six vingtz ont esté exécutez
par sentences de juges récusez et leurs ennemis'
conjurez, mesmement du promoteur (?) de
Farchevesque et de son gendre sans observa-
tion d'aucun ordre et forme légitime de jus-
tice ; les aultres tuez et noyez et misérablement
massacrez sans différence, ne esgard de qualité,
aage ou sexe, avec cruaulté si insatiable que
d'en avoir noyé sept vingtz pour ung jour en
mesme lieu, après les avoir longuement tenuz
enserrez en une vouste où les aucuns (quel-
ques-uns) furent estouffez et moururent de
fain ; — Après la mort si inhumaine de ver-
tueuses damoiselles et bourgeoises...., (vos
y Google
•— I07 —
très humbles subjects) avoient espéré que de
vos édictz de pacification ils recevroient quel-
que repos et consolation, et pourroient soubz
vostre protection, en liberté de leurs conscien-
ces, en seureté de leurs personnes, soy retirer
en ladite ville et rentrer en leurs malsons,
biens, estatz, offices et vaccations. Ce qui leur
est advenu et succédé tout au contraire ; et ont
aucuns du clergé et aultres officiers tant de
vostre justice que du corps de ville et aultres
dé ceulx de la religion romaine, contynué au-
tant que durant les troubles en excez et vio-
lances,,.. recherches de maisons, injures et
oultrages...
« Les principaulx officiers de justice et aul-
tres notables bourgeois çt habitans, qui s'es-
toient absentez pour raison de troubles, »
n'ont pu « retourner en leurs offices et mai-
sons jusques au moys de janvier dernier. »
Depuis cette époque, ces officiers < ont esté
continuellement troublés et empeschés en
Texercice de leurs offices... et n'y a eu moys
ne sepmaîne que oultre les assemblées en ar-
mes avec enseignes et tabourins, ...n'ayt esté
tué, blessé, menacé, oultragé ou voilé quel-
qu'un des dictz de la religion, sans qu'ilz en
aient eu aucune justice. »
Digitized by LjOOQIC
— io8 —
la mçiison de Xaincte Girard^ veuve, près lès
murs de la ville, ayans faict commandement
d'ouvrir de par vostre Majesté, rompent les
portes, brisent les coffres, voilent et pillent
tout ce qu'ils trouvent, et après plusieurs cxcez
la traînent eschevelée par les boues tout le
long et jusques hors les faulxbourgs près d'une
bouère (abreuvoir) pour la noyer. Ce qu'ilz
eussent exécuté sans ce quelle leurs promist
encores quelque argent qu'elle disoit avoir
caché. »
Le 27 du même mois, jour de procession
générale, ils mirent des potences devant
« toutes les portes et boutiques de ceux de
la religion, publians hautement menaces
de les noyer. »
Le lendemain, ils maltraitèrent le receveur
des finances de Montrichard, coupèrent un
doigt à Gilbert Texier^ « se vantans qu'ils
coupperoient la gorge à tous les huguenots,
comme ils avoient essayé faire le vendredi
précédent à Pierre Mqysy et à ung nommé
Ménessier^ teinturier, qui eschappa fort blessé
de leurs mains, » et qui depuis fut obligé de
quitter la ville. « De laquelle faisant emmener
y Google
mations à haulte voix qu'ilz faisoient amande
honnorable pour leur maistre qui estoyt hu-
guenot. »
Au mois de mars, < ils blessèrent grande-
ment Jehan Naudin, appothicaire » et ils es-
sayèrent d'entrer dans sa demeure. Les portes
de la maison de € Regratier^ notable bour-
geois », furent enfoncées.
Au ïhois de mai, quatre argouletz (soldats), ,
armés d'arquebuses, excitèrent le peuple contre
quelques passants de la religion et « blessèrent
grandement Bodard^ brodeur, l'un d'entre
eulx, et luy ostèrent son manteau, chapeau et
espée. » — Le i3, ils blessèrent Martin Petite
le 21, Martin Bigot et Duboys, serrurier, « qui
depuis n'a esté sain et en est mort. »
Le i«r juin, jour de procession, ils « brisè-
rent les portes, fenêtres, ouvrouères, vitres de
plusieurs de ladicte religion et entrèrent en
aucunes (quelques-unes) de leurs maisons par
violence, en présence et au veu du lieutenant
criminel, (de) M^** Claude Barault, Laurens
tlu Boys, Méry Binet, conseillers, (de) Jehan
Chaloppin l'un de vos advocatz et (de) Cous-
tely, maire, qui n'en feirent aucun compte et
s'en rioient. » — Le même jour, une compa-
gnie en armes pénétra dans la maison d'Arthur
Victor^ et « luy enleva de force son enfant
pour le porter baptiser au vicaire de la pa-
4
Digitized by CjOOQ iC
— IIO —
roîsse contre la volunté des père et mère. > —
Le II, ils coupèrent un bras à Jehan Cornu
et blessèrent un nommé Mallet. — Le 12, la
populace armée parcourut la ville en dansant,
€ menassant tuer tous les huguenots. » —
Quelques jours plus tard, on tira « plusieurs
coups de pistolles contre la maison de maistre
Charles Bonigalle », commis à la recette des
tailles, et Lefaure^ clerc de l'un des secrétaires
d'Etat, reçut un coup d'épée.
Au mois de juillet, ces mêmes gens atta-
'quèrent l'un des procureurs du roi, « blessè-
rent près de luy ung advocat, sien amy, » pé-
nétrèrent de force dans la boutique de Francoys
Aubertj et « entrez au dedans blessèrent son
serviteur, blessèrent aussy Toussaint:^ Mercier^
Dimanche Binet et Pierre Monsnier, assiégè-
rent de nuict la maison de Naudin^ ostèrent
l'espéé au lieutenant criminel de Chinon, venu
à Tours et tuèrent inhumainement Jehan Pe^etj
ouvrier en soye. >
En apprenant que le roi avait autorisé par
lettres patentes ceux de la religion à se réunir*
à Maillé, les séditieux s'emparèrent des portes
de la ville et s'organisèrent pour empêcher
l'exécution des ordres de Sa Majesté* « Tout
ce que nous venons de conter, est-il dit dans
la Plainte des Réformés^ dont nous continuons
l'analyse, n'estoit que préparatifs du lamen-
y Google
m —
table carnage que depuis ils ont exécuté et qui
est tel. » Le duc de Montpensier avait délégué,
nous l'avons dit, le s»" de Boiscourtault, pour
procéder à Maillé, le 4 septembre, < à Festa-
blissement du lieu pour l'exercice de reli-
gion... et se passèrent toutes choses en grande
doulceur et modestye. » Mais la populace de
Tours entendait se mêler à la fête. Plus de
i5oo hommes s'assemblèrent en armes le jour
même, et se divisant en bandes, ils « s'embu-
chèrent partye es faulxbourgs de la Riche,
partie au boys St-Cosme, près la ville » pour
attendre ceux de la religion qui revenaient de
Maillé. « Si tost qu'ilz en veirent cinq des pre-
miers passer l'eau,... à un coup de harque-
bouze délasché et donné pour signal, couru-
rent tous vers l'eau, enseigne desployée, se
jectans sur les cinq pauvres personnes, dont
l'ung eschappa à demy mort de leurs mains,
Taultre s'estant jecté en l'eau se saulva de
l'aultre costé, ayant premièrement son cheval
esté tué soubz luy : des troys aultres l'un fut
envoyé aval Peau et les deux tuez sur la grève.
L'un desquelz nommé Raymond dict Braillart
estoyt homme vieil et de longtemps impotent,
portant sur son cheval pour toutes armes ses
escroches (béquilles), et les manteaux de ses
compagnons devant luy. Auquel versé par
terre ils exercèrent mille cruaultés, pour ce
y Google
— I 12 —
qu'il n'invocquoyt qu'ung seul Dieu, le louant
de ce qu'il luy avoit faict la grâce de veoir
avant que mourir son service redressé, — et
estant couvert de sang et de playes, ne respi-
rant que à grande difficulté, ainsi qu'il s'effor-
çoyt (se) mectre à genoulx pour prier encores
et qu'il levoit les yeulx au ciel, luy fut donné
de la poîncte d'une fourche de fer dedans le
visaige, dedans la gorge et la poitrine... et
puis achevé d'assommer. »
Les autres épouvantés 4: furent contrainctz
s'enfuyr et saulver espars par les champs, » et
ils envoyèrent des messagers au duc de Mont-
pensier pour lui demander aide et protection.
Le maire et le lieutenant criminel firent un
semblant d'en4uête, « cherchans tesmoings qui
pussent déposer quelque chose pour rejecter
le tort sur les meurdris et assassinez. >
Le mercredi suivant, < ces tigres n'estans
encores soulz de sang ^, tuèrent à une lieue
de la ville Léger Vergnault^ tailleur, et dans
la ville Loys Ferretj riche marchand. Ils dé-
pouillèrent, après ravoir blessé, Pierre Bàus^
sart^ employé aux finances, et tandis que
y Google
— ii3 —
trier de toute la province, appelé le Pouldrier,
Monsieur le comte de Sanserre. »
Ce misérable voulait exterminer ceux de la
religion. Il s'entoura de tous les bandits de la
ville; il fit même sortir de prison un homme
sur lequel il pouvait compter, « sien serviteur,
nommé Blain, insigne voleur, prest à recevoir
jugement qui ne pouvoit estre plus gracieux
que de mort » ; il leur distribua des armes, et
le ler octobre, qui était un dimanche, après
les avoir réunis « dans la maison d'un cha-
noyne », il les divisa en bandes et les embus-
qua à St-Cosme, sur les bords de la Loire, sur
les levées du Cher et jusques sur les coteaux,
afin qu'aucun de ceux qui allaient revenir du
prêche ne pût leur échapper. Ils attendirent
quelque temps en silence, et quand «ceulx
qui estoient allez à Maillé pour l'exercice de
la religion commencèrent à approcher, ces
bourreaux exécrables agrédent (attaquent) les
premiers... puis quant ilz les voyent enve-
Ibpez, se ruent sur eulx si furieusement qu'il
est impossible de représenter au vray ceste
horrible et confuze tragédie. » — La grève fut
bientôt couverte de cadavres. — Un peu plus
Digitized by LjOOQIC
— 114 —
d'espée sur la teste. Là furent par le Pouldrier
blécez de coups de pistolle et puys poursuyvîz
à course de cheval et achevez de tuer sur la
grève Henri Pinault^ orfèvre, et Bernard^
jeune homme de bonne famille, aagé de 20 ans
seulement. Là furent massacrez deux jeunes
hommes, ouvriers en soye, l'un Flament et
l'autre Provensal et Chantepie nouvellement
maryé mys en pièces. »
Tandis que les assassins se livraient au pil-
lage, un grand nombre de malheureux s'enfui-
rent. L'un d'eux Jehan Pioger^ ayant essayé
d'entrer en ville, fut tué sur le pont. On jeta
son cadavre dans la Loire avec ceux des autres
victimes. Le soir, les maisons de Saint-Sym-
phorien furent fouillées et l'on arrêta quelques
fugitifs.
Les meurtriers de Tours eurent des imita-
teurs. On tua Regnard à Montlouis, Pillet à
Saint-Christophe, Jehan Roy à Pontcher et
Jehan Leclerc à Noisay. Mais quand les réfor-
més voulurent se plaindre, on les menaça de
les jeter en prison. Aucune insulte ne leur fut
épargnée; aussi demandent-ils au roi, dans la
y Google
— ii5 -
subjectz et serviteurs seront contrainctz aban-
donner leurs maisons, pays, estatz et vacca-
tions (affaires) et cedder et quitter la place aux
mutins et rebelles ...Vous cbgnoissez la mala-
dye, Sire; Dieu vous a mys le remède entre
les mains, vous commectant le glaive sacré de
justice pour la tuition (protection) et soula-
gement des bons et pour la vengeance et pu-
gnition des méchants. Voz dictz subjects de la
religion le prient de vous faire la grâce d'en
user de sorte qu'on voye la paix et la justice
florir en estuy vostre royaulme, à sa gloire et
à l'accroissement de vostre grandeur et cou-
ronne, et afin que luy en puissiez rendre loyal
compte, quand il aparoistra en jugement en la
personne de son fils, Jésus Christ. >
Cette supplique, si ferme, si digne et si tou-
chante, émut le roi. Il demanda des explica-
tions aux meneurs du parti catholique et les
mit en demeure de se justifier. Leur réponse
nous a été conservée (i). C'est un vrai chef-
d'œuvre d'habileté. Ils nient d'abord quelques-
uns des faits qui leur sont reprochés; ils expli-
y Google
— ii6 —
sujet de se plaindre^ car ce sont eux qui ont
attaqué les catholiques (i). Ceux-ci ne deman-
dent que la paix, et le maire, les eschevins et le
clergé se sont toujours efforcés de < se main-
tenir en toute doulceur, union et amitié avec
ceulx de la religion prétendue. » Les défen-
seurs de l'ancienne foi n'ont jamais souhaité
la mort de leurs adversaires, et si parfois on a
battu du tambourin dans les rues de la ville,
on ne l'a jamais fait pour réunir le peuple et
l'ameuter contre les novateurs, mais seulement
pour € mener les mariés à l'église et les faire
danser à la maison suyvant l'antienne et loua-
ble coutume, » D'ailleurs, ajoutent-ils, « si l'on
parle de meurtres, il appartient plus audictz
catholiques qu'à eulx de se plaindre, » car
avant la publication de l'édit, les huguenots
ont commis des excès de toute sorte. Ils ont
entr'autres choses insulté et poursuivi de pau-
vres gens du côté de Ballan et ^ mesme ung
nommé Nicolas Deplayer les alloit recher-
chant dedans les bleds et buissons avec de
gros chiens dogues et mastins.. > Depuis la
paix, ils ont injurié, battu, et outragé des
y Google
— 117 —
trespassé, » maltraité le marguillier « qui son-
noyt vespres », tué un prestre et massacré
deux bateliers à St-Cyr, etc., etc.
Ces dernières accusations sont graves. Repo-
sent-elles sur un fondement quelconque? Nous
n'en savons rien. Cependant, il est bien pos-
sible que quelques huguenots, traqués comme
des bêtes fauves, aient rendu coup pour coup,
et semé la mort autour d'eux. Les deux partis
étaient animés de passions trop violentes, pour
qu'il n'y ait pas eu de crimes commis de part
et d'autre. La haine, qu'avaient engendrée de
longues luttes, explique ces horreurs sans les
légitimer. On ne peut qiie condamner ceux
qui les ont commises.
Tandis que le peuple, excité par le clergé,
le maire et les échevins, s'abandonnait à ses
passions/eligieuses, le roi de son côté modifiait
l'éditd'Amboise, au détriment des réformés (i).
Voulaient-ils baptiser un enfant, il fallait
^ le porter au prêche le plus voisin, mais « en
compagnie de quatre ou cinq personnes seule-
ment. » Pour un enterrement, 11 leur fut in-
terdit de former un convoi de plus de 20 ou
3o personnes, et quand vint la Fête-Dieu,
ordre leur fut donné d'orner le devant de leurs
(i) Déclaration du 14 décembre i563, copie. Arch.
municip. de Tours, E £ 4.
Digitized byCjOOQlC
— ii8 —
maisons. Cette dernière injonction leur parut
odieuse. La plupart des réformés refusèrent de
s'y soumettre ; mais la police fit tendre à leurs
frais, (i). Cette satisfaction donnée aux catho-
liques ne leur parut pas suffisante. Le peuple
brisa les portes et les fenêtres des récalcitrants,
et comme toute violence amène tôt ou tard des
représailles, un nommé Pierre Victor, ouvrier
tisseur, insulté et peut-être menacé par la
foule (2), jeta « eaux puantes et pierres sur le
peuple allant à la procession et mesmement
sur certaine représentation qui se fait d'ung
Christ et des douze apostres pour esmouvoir
le peuple à dévotion. »
Parmi les adversaires des huguenots, un
commissaire du roi nommé Miron, se signala
par sa violence et sa mauvaise foi. Irrité de ne
pouvoir mettre la main sur les chefs du parti
réformé, Gohiet, Falaiseau, Houdry et d'au-
tres encore, qui s'étaient réfugiés à Maillé, il
les fit sommer au mois de novembre 1564, de
venir reprendre « Pexercice de leurs offices »
et expliquer leur conduite pendant les derniers
(î) Archiv. municipales, E E 5î
^2) C'est ce jour-là qu'un enfant fut enlevé à sa mère
par une bande armée, et porté à Saint-Gatien pour être
baptisé. Plusieurs maisons huguenotes avaient d'ailleurs
été envahies et les propriétaires insultés. Voir Deuxième
Plainte des Réformés, Arch. munie, E E 5, n« 4.
y Google
— 119 —
troubles (i). C'était leur demander de se livrer
à leurs ennemis pieds et poings liés. Au lieu
de rentrer en ville, ils firent dresser un acte de
récusation contre le s*" Miron (2). Ils étaient
dans leur droit, car le conseil du roi, par arrêt
du 3 septembre, avait déjà révoqué ce triste
personnage, ce qui ne l'empêchait pas de se
dire commissaire de Sa Majesté et d'agir comme
tel. Cette usurpation de fonctions eût en d'au-
tres temps déshonoré un homme, mais à cette
époque, il suffisait de combattre les hugue-
nots pour être sûr d'être applaudi par le maire
et par le clergé. La déloyauté même passait
pour vertu.
Le duc de Montpensier, gouverneur de Tou-
raine, ne semble pas avoir fait son devoir en
cette circonstance. D'ailleurs, il autorisait tous
les excès contre les réformés. IJi savait évidem-
ment que la cour ne demandait que leur écrase-
ment; il était au courant des incidents du
(î) Arch. municip. de Tours, E E 5, tio 14.
(2) Cet acte fut signé par Joachim Marché^ pasteur de
l'église réformée de'Tours, ^2S Jacques Adam, Guillaume
Collinety Jehan Naudin, Germain Gastaut^ surveillants de
ladite église; et après eux par Guillaume Gutffard, An-
y Google
— I20 —
voyage du roi et de la reine-mère dans les
provinces et n'ignorait pas que de la rencontre
de Catherine de Médicis avec le duc d'Albe
sur la frontière d'Espagne, naîtraient de nou-
velles rigueurs. Il agit en conséquence.
L'année i565 s'ouvrit sous ces tristes aus-
pices et ne fut pas bonne pour les réformés.
La populace s'agitait; il lui fallait encore du
sang, car dans les moments de crise, elle a les
instincts du loup, qui égorge ses victimes avec
une volupté sauvage et n'est jamais satisfait.
On le vit bien le 8 juillet i565. C'était un
dimanche : 70 à 80 réformés, d'après le témoi-
gnage de l'un d'eux, le s»" Thomas de la
Folye (i), quittèrent Maillé après le prêche et
se mirent en route pour rentrer chez eux. Le
peuple les attendait près du pont de Tours.
Voyant le danger, ils se formèrent en ordre de
bataille à Portillon : les gens de pied en avant,
les cavaliers fermant la marche, ils se dirigè-
rent vers la porte de la ville, sous la conduite
du prévôt de la maréchaussée (2). Le lieute-
nant particulier, Gervaise Gohiet, le conseiller
y Google
— 121 —
réussirent qu'à les irriter^ davantage. Le combat
s'engagea et un catholique fut tué; mais les
réformés furent obligés de battre en retraite.
Le s»" de la Folye s'enfuit jusqu'à Rochecor-
bon, pensant dans sa terreur, qu'il devait y
avoir sur le pont plus de soixante cadavres.
Dans la soirée, des bandes armées parcou-
rurent les rues de la cité et enfoncèrent les
portes de la maison Falaiseau.
La nuit fut très agitée. Le corps de ville,
croyant que les huguenots allaient attaquer la
ville, ou feignant de le croire, se réunit le lundi
matin, 9 juillet, à 5 heures, pour prendre les
mesures que lui semblait commander la situa-
tion. Cependant la matinée se passa sans tu-
multe; mais vers quatre heures de l'après-
midi, on vint dire au maire qu'une émeute
avait éclaté dans la rue du Cygne. Il se trans-
porta immédiatement sur les lieux et il eut
beaucoup de peine à se frayer un passage à
travers la foule, qui attaquait avec fureur la
maison d'un rubannier, nommé Debéry. On
racontait que les enfants de cet ouvrier avaient
insulté le convoi de l'homme qui avait été tué
y Google
— 122 —
poursuivre les criminels € par justice », pro-
mettant sur sa vie, son honneur et ses biens
d'en faire une € pugnition exemplaire et à leur
contentement », il ne fut pas écouté. Des es-
chevins, des officiers de justice et même le
garde des sceaux, essayèrent aussi de calmer
les émeutiers; les mains jointes, le bonnet giu
poing, ils se mirent à genoux devant le peuple,
le suppliant de se retirer : tout fut inutile. La
maison fut prise d'assaut, bien que Débery se
défendit vigoureusement et huit personnes
furent égorgées (i).
La populace satisfaite, mais non fatiguée de
tuer, allait chercher d'autres victimes à immo-
ler à ses fureurs, quand survint le boucher
qu'on avait dit assassiné. Les esprits se calmè-
rent un peu, mais la foule, dit le maire dans
son procès-verbal, ne se retira pas sans que
« aulcuns ayent hurté et frappé contre aultres
maisons, s'efiforcans d'y entrer; ce qu'ilz n'ont
faict touttefois, mesme en la maison d'ung
nommé Asse (?), en laquelle l'on disoyt y avoir
plusieurs de la dicte relligion assemblez jus-
ques à 20 ou 25. (2). »
Sur qui doit retomber la responsabilité de
cette émeute? — Sur les huguenots? Le maire
(i) Archives municipales, E K 5.
(2) Archives municipales de Tours, E E 5, n» 18.
y Google
— 12:» —
le dit, car il les accusa devant le corps de ville,
d'avoir t préparé et machiné » cette entreprise,
dans Pespoir de s'emparer de la ville. ,, Ainsi,
70 hommes, 80 si l'on veut, en pleine paix,
auraient levé l'éten4ard de la révolte et n'au-
raient pas hésité à marcher sur Tours, place
forte où leurs ennemis étaient tout puissants ;
c'eût été de la démence. Evidemment, les réfor-
més n'avaient rien préparé, rien machiné. Ils
revenaient paisiblement du prêche, escortés
par quelques hommes d'armes, commandés
par le prévôt de la maréchaussée, et si la popu-
lace ne les eût attaqués le 8 juillet, ils seraient
rentrés tranquillement dans leurs maisons.
Le maire aurait-il provoqué Témeute? —
Nous ne le pensons pas ; mais il ne fit pas son
^ devoir, car le procureur du roi, le s^ Houdry,
vint le prévenir qu'on allait se battre du côté
de Portillon, et le supplia de monter à cheval
et de courir sur les lieux pour empêcher les
. gens de s'égorger. Il aima mieux rester en
ville. Voilà sa part de responsabilité ; mais le
coupable, le vrai coupable, c'est le peuple qui
insultait les huguenots à peu près tous les
dimanches, à l'heure du retour du prêche. Le
y Google
— 124 —
les rîxes qui éclataient à tous moments, tout
l'avantage était pour les catholiques, beaucoup
plus noftibreux et favorisés par les magistrats,
par la plupart des chefs militaires et par la
cour. Leurs excès étaient toujours impunis :
ceux des protestants toujours châtiés à la der-
nière rigueur (i). On le vit bien à Tours. Au
lieu de poursuivre les coupables, le présidial
lança un mandat d'arrêt contre quarante réfor-
més, parmi lesquels se trouvaient Gervaise
Gohiet, le lieutenant particulier du roi et le
conseiller René Gardette (2), C'était la justice
de ce temps-là.
Les vaincus n'eurent même pas la triste sa-
tisfaction de donner à leurs morts une sépul-
ture honorable. Bien que l'édit d'Amboise
ordonnât d'enterrer ceux de la religion dans le
cimetière de leur paroisse (3), les cadavres
furent jetés à la voirie. On les enfouit dans les
fossés de la Ville, au point où débouchaient
les égoûts.
En revenant de Bayonne, le roi passa par
Tours et s'y arrêta quelques jours. Sa présence
semble avoir calmé momentanément l'efferves-
cence populaire ; mais la guerre civile éclate
(i) H. Martin, Histoire^ t. IX, p. 201.
Digitized by LjOOQIC
— 135 —
de nouveau en iSôj, puis en i568, et rallume
les passions. Encore une fois le sang coule.
Le i«r janvier i568, la populace se trans-
porte à Maillé et se rue sur les réformés réunis
dans le temple. Le pasteur est égorgé dans sa
chaire; les malheureux qui l'entourent sont
maltraités, et ceux qui ne peuvent s'enfuir,
jetés en prison (i). Revenus à Tours, les assas-
sins massacrent quelques personnes suspectes
d'hérésie et pillent leurs maisons. Ces violen-
ces n'étaient pas tolérables. Le roi s'en émut,
et bien que son confesseur l'abbé Ruzé, lui en
parlât le premier, de manière à faire éconduire
tous ceux qui auraient pu tenter de faire en-
courir aux Tourangeaux les mauvaises grâces
de Sa Majesté (2), il écrivit au corps de ville
pour lui exprimer son mécontentement. Il
invita en même temps le s^ de Borderye, gou-
verneur, à garder 5o soldats auprès de lui, afin
de € contenir le peuple de sédition > et il
donna l'ordre d'élargir les prisonniers (3).
Ces violences n'avaient pas empêché les
(1) Voir pour cette afiFaire. Archives municipales, liasse
y Google
— 126 —
réformés de s'occuper de l'éducation de la jeu-
nesse. Dès i565, ils avaient une école à Maillé,
dirigée par un certain Montigny ;. mais ce fut
seulement vers 1570 qu'ils ouvrirent un col-
lège à Tours. Sous l'habile direction de Louis
Chesneau, plus connu sous le nom de Quer-
culus^ on enseignait dans ce dernier établisse-
ment les éléments des sciences, le latin, le
grec, la philosophie et même l'hébreu (i). Il
est probable que les études furent souvent
troublées par les tempêtes qui agitèrent la
société tourangelle et la bouleversèrent jusque
dans ses profondeurs ; mais à la moindre ac-
calmie, les portes du collège se rouvraient, car
les réformés avaient déclaré la guerre à l'igno-
rance. Luther avait dit : € Si je n'étais prédi-»
cateur de l'Evangile, je voudrais être institu-
teur », et un peu plus tard Farel écrivait : < Là
où escoles sont dressées, quelles soyent entre-
tenues... et là où il n'y en a point qu'on en
ordonne. » — La réforme, si elle n'eût été
noyée dans le sang, aurait vaincu depuis long-
temps en France la routine et l'obscurantisme.
Son triomphe eût été celui de la lumière. Il
est bon qu'on le sache (2).
(i) Bulletin de VHistoire du Protestantisme, t. IV,
Digitized by LjOOQIC
— 127 "~
Pendant que se déroulaient à Tours les tristes
événements que nous venons de raconter, les
huguçnots^d'Amboise n'étaient guère plus heu-
reux que leurs voisins. Cependant, la veuve
du seigneur de Noizay les protégeait, et c'est
dans son château qu'ils célébraient leur culte.
Défense avait bien été faite à la châtelaine
de les recevoir, mais inutilement, quand le
27 octobre i566, Innocent de Monterud, lieu-
tenant général de Touraine, se transporta à
Amboise pour s'occuper de cette affaire. En-
touré des notables de la ville, des représentants
de Saint-Martin et de Saint-Gatien, il reçut le
ministre Michel Pineau des Aiguës, Adrien
Demau, Antoine Derouez, juge, et quelques
autres réformés et leur défendit de faire aucun
exercice religieux dans la paroisse de Noizay.
II s'appuyait sur Tédit de i563, qui accordait
mx huguenots un lieu de culte par bailliage
seulement. Or le bailliage de Tours avait déjà
le sien à Maillé; on ne pouvait donc en tolérer
•un second à Noizay. Le pasteur répondit qu'il
ne demandait pas mieux que « d'obéyr au man-
dement, voulloir et intention du Roy >, à con-
dition qu'on voulut bien luy donner « un lieu
y Google
— 128 —
gîon. » Il déclara en outre qu'il accepterait
volontiers Négron, Chargé ou Villefrau, pa-
roisse de Négron. Cette proposition fut aus-
sitôt examinée, et avec le consentement du
maire, des échevins et des officiers de la ville,
le s' de Monterud autorisa les huguenots du
bailliage d'Amboise à se réunir à Villefrau (i).
Quand éclata la seconde guerre civile, les
réformés d'Amboise abandonnèrent leurs de-
meures. Les uns se réfugièrent dans les châ-
teaux des environs, les autres allèrent grossir
l'armée de Condé. Pendant leur absence, les
catholiques s'emparèrent de leurs biens (2) ;
mais après le traité de Lonjumeau, le pasteur
des Aiguës, Aubry, Tailles (?) et d'autres, de-
mandèrent au corps de ville l'autorisation de
rentrer dans leurs maisons (3), et de célébrer
le culte dans l'un des faubourgs de la ville. Or.
,leur répondit de se soumettre aux édits.
A Loches, la majorité de la population était
restée attachée à la religion du roi. Il y avait
cependant quelques huguenots dans cette ville.
En 1567, le maire semblait pencher vers le
calvinisme ; le gfreffier du corps de ville était
(i) Arch. munie, de Tours, G G 24.
Digitized by LjOOQIC
— 129 —
suspect, mais le chef des réformés était Jehan
Baret, docteur en droit, conseiller du roi, lieu-
tenant général du bailli de Touraine (i). On
ignore absolument ce qu'ils devinrent pendant
la deuxième et la troisième guerre civile. Nous
avons tout lieu de croire toutefois qu'ils durent
bénéficier du voisinage des troupes protestan-
tes, qui tenaient garnison à Preuilly (2), et qui
vinrent assiéger l'Ile-Bouchard en jSôj. On
respecte ordinairement les gens qui ont des
amis puissants, capables d'exercer de terribles
eprésailles.
Les huguenots du bailliage de Tours célé-
braient toujours leur culte à Maillé ; mais
après les tristes événements de i568, le corps
dt ville et le clergé persuadèrent au roi que le
seigneur de cette petite ville désirait l'éloigne-
mett du prêche. Charles IX écrivit aussitôt :
< Ncus voulions et entendons que (l'exercice
de la nouvelle religion) soit levé et hosté dudit
lieu de Maillé pour le mectre et establyr en
quelque aultre, le plus esloigné de nostre ville
(i) Voir Gautier, Histoire du donjon de LocheSy
p. i36 et sq.
y Google
— i3o —
de Tours que faire se pourra ...Ne vouUant
aussy que ledit exercice de religion nouvelle se
fa!ce au lieu appelé Langés (i). » — C'était tout
ce que désiraient les meneurs du parti catho-
lique; malheureusement pour eux, le seigneur
de Maillé, qui n'avait pas été consulté, refusa
catégoriquement de chasser les réformés, et il
écrivit au maire et aux échevins de Tours une
lettre très dure, dans laquelle il leur reprochait
la conduite indécente qu'ils venaient de tenir,
en s'autorisant auprès du roi d'un consente-
ment qu'il n'avait jamais donné pour l'éloi-
gnement du prêche (2). L'affaire en resta là
pour le moment. Mais en 1570, bien qu'il fût
dit dans l'édit de pacification, signé le i5 août
à Saint-Germain, que les huguenots du gou-
vernement d'Orléans, de Touraine, du Maine
et du pays chartrain, pourraient faire l'exer-
cice de leur religion à Maillé, les catholiques
revinrent à la charge. Ils demandèrent le trans-
fert du prêche à Montdoubleau ou <: autre tel
lieu commode (3). » Le roi leur répondit le
10 décembre suivant, qu'il leur aurait déjà
donné satisfaction, s'il eût pu le faire sans
violer les édits, et il promit de consulter sur
ce point le prince de Navarre. C'était encore
y Google
— i3i —
une défaite pour les membres du clergé. Elle
dut leur être d'autant plus sensible, que l'année
précédente ils avaient envoyé à la cour quel-
ques-uns de leurs amis pour défendre leurs
prétentions. Vaincus, ils payèrent les frais de
voyage de leurs délégués, et ils attendirent.
Leurs espérances ne devaient pas se réaliser
immédiatement, car en iSji, Jean Legaigneux
de Tours, qui était pasteur en Suisse, vint à
Maillé. 11 y fut bien reçu, et le 1 3 juin 1572,
les membres du Consistoire le demandèrent
pour ministre. Ce n'était pas l'homme qu'il
leur fallait. Dans ces temps de trouble, on
tvait besoin de pasteurs pleins de prudence, de
sagesse et de modération. Legaigneux n'avait
aucune de ces qualités, A Genève, ses intem-
pérances de langage et ses atttaques contre les
magistrats, qu'il accusait de vouloir détruire
la discipline ecclésiastique, l'avaient fait jeter
en prison. Aussitôt libre, il était sorti de la
ville et avait refusé d'y rentrer, bien que le
Consistoire l'eût sommé de le faire. Il voulait
rester à Maillé. De là, il avait écrit aux magis-
trats, le 24 juin 1571, pour demander son.
y Google
— l32 —
tère. » — Cette condamnation aurait dû em-
pêcher le Consistoire de Tours de lui adresser
vocation. Heureusement, il repartît pour Ge-
nève, où il obtint son pardon, après avoir
confessé qu'il avait été rebelle et avoir reçu
« de bonnes remonstrances. » (i) Ce retout à
la raison lui sauva peut-être la vie, car on
était à la veille de la Saint-Barthélémy.
(i) Notes extraites des archives de Genève, dans France
protestante^ au mot Legaigneux.
— ••«dMS^^^f'îfeSUftïîK—
y Google
— i33 -
CHAPITRE VI
DE LA SAINT-BARTHÉLEMY A LA PROMULGATION
DE l'ÉDIT de NANTES
(1572-1598)
Le 25 juin 1572, Henri de Béarn traversa la
ville de Tours. II fut reçu par le corps de
ville et par les notables, qui lui rendirent les
plus grands honneurs et lui offrirent des pré-
sents. Ce prince allait épouser la fille de Cathe-
rine de Médicis. Tout le monde sait quelle
fête on lui préparait au Louvre. Dans la nuit
du 24 août, le duc de Guise fit assassiner Co-
ligny. Ce fut le signal du carnage. « Par la
mort Dieu, avait dit Charles IX, puisque vous
trouvez bon qu'on tue l'amiral, je le veux ;
mais aussi tous les huguenots de France, afin
qu'il ne s'en trouve pas un qui puisse me le
reprocher après. » Chacun fit de son mieux
pour le satisfaire. Excités par le duc de Guise,
par Nevers, Montpensier, d'Anjou, la solda-
tesque' et le peuple éventraient les femmes,
tuaient les enfants et jetaient dans la Seine
y Google
- i34 -
nobles et vilains sans distinction comme sans
pitié (i). — ^ Saignez, saignez, criait Tavan-
nés ; la saignée est aussi bonne au mois d'août
qu'en mai (2). » On saigna toute la nuit et le
lendemain le massacre recommença.
Les provinces imitèrent Paris. A Meaux, à
Orléans, à Angers, à Saumur, à Troyes, à
Bourges, à la Charité, à Lyon, à Rouen, à
Toulouse, à Bordeaux, des milliers de hugue-
nots furent égorgés. Les gouverneurs des pro-
vinces avaient reçu l'ordre de les massacrer
jusqu'au dernier. Tous n'obéirent pas. Le
vicomte d'Orte écrivit au roi, dit-on : < Sire,
j'ai communiqué le commandement de votre
Majesté à ses fidèles habitants et gens de guerre.
Je n'y ai trouvé que bons citoyens et braves
soldats, mais pas un bourreau. » — René de
Prie, le gouverneur de Touraine, fut-il aussi
humain que celui de Bayonne ? Eut-il assez de
cœur pour épargner à notre province les hor-
reurs d'une Saint-Barthélémy? C'est une ques-
tion à examiner.
L'auteur d'un manuscrit, intitulé Ville de
TourSj dit : « C'est par le conseil de cette
femme (Catherine de Médicis) qu'eut lieu
y Google
- i35 '—
Paris, et qui fut exécuté de même dans presque
toute la France et surtout à Tours^ où le clergé
animait sans cesse le peuple contre les protes-
tants, » (i) L'abbé Chevalier affirme au con-
traire, après Chalmel et la plupart des histo-
riens de Touraine, que la Saint-Barthélémy ne
fit couler dans notre province ni une larme^ ni
me goutte de sang (2). — La vérité se trouve
entre ces deux opinions extrêmes.
Il est certain que René de Prie, invité par le
duc de Montpensier à faire égorger les hugue-
nots de la province, envoya un messager au
maire de Loches et à celui de Châtillon pour
leur notifier les massacres de Paris (3). Mais
se borna-t-il à donner copie des ordres reçus
et laissa-t-il aux magistrats de sa juridiction
la liberté de faire à cet égard ce qu'ils juge-
raient convenable? Peut-être. On peut donc le
regarder comme innocent, bien que les mas-
sacres de Paris aient eu certainement leur
eontre-coup en Touraine.
Le soin avec lequel on a détruit les registres
du corps de ville et-les documents qui auraient
pu éclairer cette époque sinistre, en est pour
U] Ville de Tours, biblioth. de la ville, no 12S6.
{2) L'abbé Chevalier, Touraine, p. 3i.
y Google
- i36 —
nous une première preuve. On n'anéantît pas
des pièces officielles pour le plaisir de le faire,
et l'on ne cache que ce que l'on a intérêt à
cacher.
En second lieu, nous ne pouvons oublier
que la populace de Tours avait exercé des vio-
lences contre Içs huguenots en i562, en 1564
et en i568. Il n'est donc pas admissible qu'au
moment où le roi de France ordonnait de les
égorger, personne n'ait obéi à cette sanglante
injonction.
Du reste, quelques documents contempo-
rains affirment catégoriquement qu'il y eut une
Saint-Barthèlemy dans notre province. Le
8 septembre 1572, le Conseil de Genève écri-
vait à Messieurs de Berne : « Nous avons faict
recueillir fidèlement ung estât des affaires
comme elles sont passées jusques icy tant #à
Paris qu'à Lyon, afin que vos Seigneuries
puissent tant mieux cognoistre que les choses
ne sont pas si légières comme on faict enten-
dre... A.ujourdhuy est arrivé de Lyon en poste
ung courrier... qui rapporte qu'à Rouan, Or-
léans, Tours^ Meaux et en plusieurs ^ultres
villes de France, on a exercé semblables cruaul-
tés comme à Paris et Lyon (i). » Le 11, ce
y Google
- i37 -
même Conseil écrivait aux ministres et aux
seigneurs de Neuchâtél : « Nous ne doubtons
point que n'ayès entendu les horribles cruaul-
tés, qui ont esté ces jours passés exercées en
plusieurs villes et églises du royaulirie de
France, comme Paris, Lyon, Orléans, Rouan,
Tours ^ Meaux et aultres (i). »
Ajoutons à cela que les protestants de notre
ville se plaignirent plus tard d'avoir été mal-
traités à la St-Barthélemy comme en 1S62 (2) ;
— et que d'Aubigné après avoir raconté les
massacres d'Orléans, affirme dans son Histoire
universelle qu'on égorgea des huguenots à
Beaugency, à Blois, à Amboise et à Tours (3).
Enfin un prêtre, Symphorien Guyon, curé
de la paroisse de Saint-Victor, d'Orléans, dit :
« Ces pervers hérétiques continuans toujours
en leurs insolences,... contraignirent le Roy
Charles IX« de permettre que^par tout son
Roiaume on fist mourir tous ceux qui se pou-
roient trouver atteints de cette lèpre de fausse
doctrine. Suivant cet ordre, on commença pre-
mièrement à Paris... Orléans suivit et toutes
(i) H. Fazy, ouv. cité, p. 99.
(2) Délibération du corps de ville de Tours du 12 juil-
let i5nn. au suiet d'un olacet orésenté oar les hucuenots.
Digitized by LjOOQIC
— i38 —
les villes de la rivière de Loire à son exemple,
comme Beaugency, Blois, Amboise^ Tours^
Saumur et Names, Jargeau et La Charité (i). »
EA présence de tous ces témoignages, le
doute n'est pas possible. Il y eut une Saint-
Barthélémy à Tours comme à Amboise et à
Blois ; mais nous croyons avec d'Aubigné que
% ces trois villes tuèrent ^n petit nombre {2). »
Il y avait d'ailleurs une bonne raison pour
qu'il en fût ainsi. Les huguenots avaient été
maltraités si souvent depuis i562, que la plu-
part d'entre eux s'étaient enfuis, et dès qu'on
apprit les massacres de Paris, tous ceux qui pu-
rent quitter le pays le firent immédiatement (3).
Le pasteur de Maillé, Joachim Marché, cher-
cha un refuge à La Rochelle ; son collègue,
Thomas Raguesne, passa en Angleterre (4). On
(i) Symphorien Guyon, Histoire de V église et du dio-
cèse^ ville et université dOrléans, p. 421. — Un historien,
qui a étudié en détail les événements sinistres qui mar-
quèrent cette époque, est aussi afiîrmatif que le Conseil
de Genève, que d'Aubigné et que Symphorien Guyon.
« In urbe Tours, dit-il, ter maxima hugonotorum caedes
facta est. » Dr F.-W. Ebeling, Archivalische Baitrdge
^(urGeschichteFranckreichsunterCarl IX, 1 872, livraison
d'août, p. 192.
(2) D'Aubigné, ouv. cité, p. 556
(3) Registre des Comptes de Tours (Arch. munie),
t. 97, i585-i587, fo 201.
(4) Liste des ministres réfugiés. France protestante, au
mot Maisonneuve, et Bulletin du protest,, t. U, p. 26.
y Google
-139-
ne put donc « tuer qu'en petit nombre » aussi
bien à Amboise qu'à Tours; mais le peuple
se rua sur les maisons; des absents et les
pilla consciencieusement. C'était une conso-
lation.
Tandis que ces événements se déroulaient
dans le pays, le clergé chantait des Te Deum,
Le cardinal de Lorraine donna mille écus au
messager qui lui apporta la nouvelle du mas-
sacre. Le Pape fit tirer le canon du château
Saint- Ange pour célébrer cet événement. En-
touré.de ses cardinaux et des ambassadeui:s des
puissances catholiques, il se rendit procession-
nellement aux églises de St-Marc et deMinerve ;
il commanda à Vasari un tableau représentant
le massacre des hérétiques et il ordonna de
frapper une médaille, afin de perpétuer le sou-
venir de « la grande journée (i). >
Du reste, les" Français allaient donner au
Souverain-Pontife de nouveaux sujets de joie,
car les massacres n'étaient pas finis, et jusqu'à
la fin de l'année on n'entendit parler que d'as-
sassinats et de confiscations. A Tours, une
nouvelle émeute éclata le 3o septembre. Elle
dura six jours. Le gouverneur était absent, et
le peuple, ivre de tureur, envahit les maisons
y Google
— 140 —
de quelques réformés et les mit au pillage. Le
désordre était à son comble, quand, le 4 octo-
bre, René de Prie revint dans sa bonne ville.
Le 6, il publia une ordonnance défendant de
« saccager aux maisons, sous peine de vye (i). >
Le même jour, il invita les fugitifs à rentrer
chez eux et à faire profession de catholicisme,
devant M. de Truye, l'un des prévôts de l'église
de Saint-Martin (2). Le 7, ordre fut donné aux
habitants, qui, avant l'émeute s'étaient emparés
d'objets appartenant aux huguenots, de les
rapporter à Phôtel-de-ville. Enfin le 10, une
ordonnance de police enjoignit « aux maistres •
artisans de contenir en leurs maisons leurs
compagnons et serviteurs et de les faire beson-
gner (travailler) de leur art », comme à l'ordi-
naire. Les gens sans état devaient immédiate-
ment quitter la ville. L'ordre était rétabli.
Catherine croyait anéantir le* parti huguenot
en en faisant égorger les chefs. Elle vit bientôt
qu'elle s'était trompée. Après un premier mo-
ment de stupeur, les réformés reprirent cou-
rage et la guerre civile recommença. La lutte
y Google
- 141 —
de valeur, t Ici on se bat, disaient-ils aux mas-
sacreurs, allez assassiner ailleurs, » et ils se
défendirent si bien que Charles IX leur offrit
la paix. Ce n'était qu'une trêve; mais les pro-
testants en profitèrent pour s'organiser forte-
ment dans le Poitou et dans le Midi. Le parti
des politiques, formé de catholiques mécon-
tents, leur fournit de précieux auxiliaires, sur-
tout après l'avènement de Henri III. Ce prince,
qui alliait les pratiques d'une dévotion exa-
gérée aux plus monstrueuses débauches, fit
peur à tout ,1e monde. Leduc d'Alençon, que
l'on surveillait depuis la Saint-Barthélémy,
bien qu'il fût le frère du roi, s'enfuit de la
cour; Henri de Navarre en fit autant et
en 1 575, la cinquième guerre civile éclata. Pas
plus que dans la campagne précédente, on ne
se battit en Touraine, mais la paix y fut signée
dans les derniers jours d'avril 1576. Par le
traité de Loches ou de Beaulieu, Henri HI
désavoua la Saint-Barthélémy, restitua les
biens saisis, rétablit dans leurs charges le
prince de Condé, Henri de Navarre, Damville
et d'autres encore, et autorisa l'exercice public
du culte réformé dans tout le royaume, à l'ex-
ception de Paris et de la cour fi). Il publia
en même temps des lettres patentes, qui oc-
(i) H* Martin, Histoire, t. IX^ p. 426.
y Google
— 142 —
troyaient en apanage au duc d'Alençon l'Anjou,
le Berry et la Touraine.
Les meneurs du parti catholique de notre
province se crurent perdus : la Touraine aux
mains du duc d'Alençon, c'était le triomphe
des huguenots, dont il était l'ami; aussi l'ar-
chevêque , le clergé , le maire, les écheVins
et les officiers du présidial se hâtèrent-ils de
supplier le roi de révoquer ses lettres pa-
tentes ; mais ils perdirent leur temps et leurs
peines.
Le duc fit son entrée solennelle à Tours, et il
donna le gouvernement de la province à Henri
de Bouillon, vicomte de Turenne et celui du
château de Loches au seigneur de Buhi, frère
de Duplessis-Mornay. Ces deux seigneurs
étaient protestants.
Tandis que les politiques ou malcontents se
rapprochaient d'Henri de Navarre, le chef du
parti huguenot, les partisans du duc de Guise
organisaient la Sainte Ligue. Cette association
eut bientôt des ramifications dans toute la
France. Henri III se sentit menacé. Il crut
faire acte d'habile politique en prenant lui-
même aux Etats généraux de Blois la direction
y Google
- 143 -
entre les bons et fidelles subjects » de la cou-
ronne (i).
Henri III ne se doutait guère de ce que lui
réservait l'avenir. Il croyait mener la ligue :
elle le chassa de Paris, et quand le duc de
Guise eut été assassiné à Blois, le roi de
France, maudit par les catholiques violents,
détesté par les huguenots et méprisé par tout
le monde, vint chercher un asile à Tours,
dont il fit le siège de son gouvernement le
17 février 1589.
La situation était grave. Mayenne marchait
contre son souverain, à la tête d'une armée de
ligueurs, tandis que le Béarnais, l'héritier pré-
somptif de la couronne depuis la mort du duc
d'Alençon, s'emparait de Loudun, de Thouars,
de Montreuil, de Châtellerault, de l'Ile-Bou-
chard et menaçait la ville de Tours.
Henri III envoya Buhi, le frère de Mornay
au ^devant du roi de Navarre pour conclure
avec celui-ci une trêve d'un an. L'entrevue
eut lieu à Sainte-Maure. La nuit toute entière
fut employée à discuter les articles du traité
futur, et le lendemain Duplessis se rendit à
Tours afin d'en conférer avec Henri II L 4: Jç
vous adjure, lui dit le prince, comme gentil-
homme et bon Français, de me dire franche-
(i) Archives de la xùairie d'Âmboise, BBS.
y Google
— 144 —
ment si le Roy de Navarre me veut servir (et)
s'il le peut : car je ne dois pas vous celer que
plusieurs mettent en doute Tun et l'autre (i). »
— Mornay déclara que les intentions de son
maître étaient loyales et que le Béarnais serait
heureux de combattre les ennemis de la cou-
ronne. Il ne restait plus qu'à signer le traité
d'alliance.
C'est au Plessis que les deux princes se ren-
contrèrent. Le dimanche 3o avril i586, Henri
de Navarre vint à Tours à la tête de quelques
centaines de lances et de mille arquebusiers à
cheval, malgré ses officiers, qui lui rappelaient
la Saint-Barthélémy et l'engageaient à se méfier
du fils de Catherine. Mais Henri HI le reçut
avec affabilité; il l'appela son frère et lui témoi-
gna la joie qu'il avait à le voir. Ce ne furent
que compliments et qu'embrassades. Le Béar-
nais charmé, écrivit aussitôt à Mornay : t La
glace est rompue, non sans nombre d'avertis-
sements, que si j'y allais, j'étais mort. J'ai
passé l'eau en me recommandant à Dieu, lequel
par sa bonté ne m'a pas seulement préservé,
mais (a) fait paraître au visage du roi une joie
extrême, au peuple un applaudissement non
^- '\ " î««o . T^: ' - ^---' ^equoî
y Google
~ 145 -
Le lendemain, Henri de Navarre vint de
nouveau conférer avec Henri HI, et deux jours
après, il se dirigea du côté de Chinon, laissant
à Tours quatre à cinq mille hommes. Cette
petite armée ne devait pas tarder à se mesurer
avec les ligueurs. Mayenne approchait. Le
7 mai, il culbuta aux environs d'Amboise les
troupes du comte de Brienne et son avant-
garde s'empara le lendemain des hauteurs de
Saint-Symphoricri. Le 8, on se battit toute la
journée dans le faubourg; l'armée de Mayenne
finit par refouler les troupes royales jusqu'à
l'entrée du pont, et elle allait enlever ce der-
nier retranchement et pénétrer en ville, quand
les Casaques blanches du Béarnais arrivèrent
au pas de charge. Les huguenots, commandés
par Châtillon se précipitèrent sur l'ennemi et
firent si bien leur devoir qu'ils l'arrêtèrent. —
A la nuit, le combat cessa ; Châtillon se retran-
cha dans Tîle Saint-Jacques et attendit les ren-
forts qui ne pouvaient tarder à venir. Cepen-
dant les ligueurs, ne respectant ni le sacré ni
le profane, pillaient les maisons de Saint-Sym-
phorien et insultaient les femmes jusque dans
l'église où elles s'étaient réfugiées. « Au milieu
de ces excès, dit l'historien de Thou, ils osaient
jse vanter que tout leur était permis et que
combattant pour la bonne cause et avec l'aveu
du Pape, tous leurs péchés leur étaient pardon-
5
y Google
— 146 — ■
nés. » — Le lendemain, au point du jour, un
régiment huguenot vint renforcer les troupes
de Châtillon. Mayenne, désespérant de pren-
dre Tours, fit mettre le feû aux maisons du
faubourg et battît précipitamment en retraite.
La ville était sauvée.
On poursuivit les ligueurs. L'armée royale
les chassant devant elle, s'approcha de Paris ;
mais Henri III fut assassiné au mois d'août;
le Béarnais allait devenir roi de France.
Le 21 novembre iSSg, il fit son entrée so-
lennelle à Tours. Il arriva à 2 heures du matin
et s'il faut en croire Pierre de L'Estoile, « Sa
Majesté estoit attendue avec tant d'allégresse et
de réjouyssance de tout le peuple, et il y avoit
tant de luminaires dans les rues qu'elle y fut
vue arriver, comme si c'eust esté de plein
jour. » Le cardinal de Vendôme et le cardinal
de Leiioncourt vinrent complimenter le vain-
queur de Mayenne; le Parlement, les officiers
de la cour des comptes et de la chambre des
aides, le clergé, le maire et les échevins lui
offrirent leurs félicitations et lui jurèrent obéis-
sance. Le passé semblait oublié.
La situation des réformés de Tours avait
y Google
— H7 —
On les laissait faire; mais si quelqu'un se
plaignait, l'autorité intervenait, sans trop de
rigueur toutefois. Ainsi en iSgo, une assem-
blée eut lieu chez le sieur Delabordc-Bernard,
dans la Grand' Rue, près du carroi Jehan de
Beaune : le maire ordonna d'arrêter quelques-
unes des personnes compromises, et le Parle-
ment < défendit aux huguenots de se réunir de
nouveau. > (i) Une autre fois, en iSgi, un
nommé Didier Rou reçut chez lui ses coreli-
gionnaires : l'un des échevins le fit comparaître
avec quelques-uns des inculpés, devant le s»' de
Souvré qui les renvoya après leur avoir infligé
un blâme sévère et leur avoir interdit de re-
commencer (2). En 1594, le 10 septembre,
quelques huguenots s'assemblèrent chez la
dame d'Armilly, qui habitait la maison Cor-
mery, sise dans le cloître Saint-Martin. Les
chanoines, fort scandalisés, allèrent aussitôt
porter plainte au lieutenant particulier. Ce
magistrat dressa procès-verbal contre les délin-
quants et le corps de ville décida que la dame
d'Armilly, plus compromise que les autres,
€ serait priée de se desloger dudit cloistre et
(se) retirer de ladite ville pour quelque temps
y Google
— 148 —
et pour esviter à ce que par le moyen de la
continuacîon desdites assemblées, il n'inter-
vienne tumulte et séditions... » (i) Evidemment
les esprits se calmaient peu à peu ; le peuple
devenait plus sage, et les magistrats se conten-
taient d'inviter les huguenots à observer les
édits.
Le clergé n'en continuait pas moins sa
campagne contre les hérétiques. En iSgô,
quelques jours avant Pâques, deux mauvais
drôles racontèrent à Tours qu'ils avaient vu
ceux de la religion assemblés au Plessis,
« chose qui fut trouvée fausse par le maire de
la ville, et toutefois, dans les églises de Saint^
Mattin et de Saint-Gatien, les prêcheurs firent
rage de crier que c'étoit une honte de souffrir
telles gens en la ville (2). »
A Preuilly, depuis plus de 3o ans, les hu-
guenots et les catholiques vivaient en bonne
intelligence, bien que Madame d'Abain, veuve
du baron Louis Chastinîer, seigneur de cette
ville, devenue protestante à Rome eniSgS, eût
appelé deux pasteurs et fait ouvrir un temple,
après avoir fermé l'église collégiale (3). Mais
(i) Registre des délibérations, t. XXV, de 1 592-1 595.
-^ Sëance Hll to avrîl w^ctA. m.^ T. a HarriA H*Armîîh^ "-•■
Digitized by LjOOQIC
— 149 —
en iSgô, le curé ne voulut pas laisser inhu-
mer dans le cimetière de la paroisse (où
jusque là on avait fait tous les enterrements
sans distinction de religion), le corps de Made-
moiselle de la Jonquière, décédée au château.
Il se plaignit au bailli de Touraine, obtint
gain de cause et ouvrit une ère de discussions
et de discorde (i).
Quelques actes d'intolérance furent d'ail-
leurs commis à cette époque. Les réformés de
Chînon, qui venaient d'assister au culte à l'Ile-
Bouchard, assaillis au faubourg Saint-Jacques,
faillirent être massacrés (2). Enfin, à Saînte-
, Maure, la populace déterra le cadavre d'une
jeune fille et le jeta dans la rivière (3).
Du reste, le pays n'était pas encore tran-
quille. Des ligueurs, commandés par Georges
de Villequier, ravageaient le sud de la pro-
fut donnée pour la première fois dans le temple protes-
tant le !•* septembre i5gb. — Les registres des baptêmes,
mariages et enterrements des réformés furent ouverts le
28 octobre ISgS par M. Roger et clos le 16 novem-
bre i683 par M. de Brîssac, sieur de Grand-Champ,
pasteur.
(1) Mémoires de la Ligue, 1758, t. VI, p. 478 et
Seigneuries de la Baye^ Grillemont et Preuilly^ 1068-
y Google
— i5o —
vince, et dans les environs de Tours, quelques
bandes, conduites par un seigneur huguenot,
rançonnaient les paysans et massacraient les
voyageurs. Les troupes du roi attaquèrent ces
malandrins et en débarassèrent la contrée»
Ainsi finit la guerre civile en Touraine (i)i
Les réformés saluèrent avec joie le retour de
la paix. Ils espéraient que la liberté de con-
science leur serait bientôt octroyée : Henri IV
ne pouvait la leur refuser indéfiniment. Il leur
devait sa couronne; au mois d'avril iSgS, il
leur donna Tédit de Nantes.
Avant d'aller plus loin, jetons un coup-d'œil
en arriére. Le xvi« siècle qui va finir, a vu
s'accomplir une grande révolution religieuse.
Le despotisme clérical, qui a toujours eu la
prétention de gouverner la pensée, a été frappé
au cœur : l'esprit humain s'est affranchi, mais
au prix de quels efforts et de quelles luttes !
Les huguenots, pendant près de 40 ans,
n'ont demandé que la liberté de conscience. Si
le pouvoir central, excité par le clergé, n'eût
jeté dans les cachots et envoyé au bûcher les
défenseurs des idées nouvelles, le peuple, ré-
formé n'eût jamais écouté les conseils des
y Google
— i5i —
grands seigneurs, quîjle poussaient à la révolte,
et le mouvement, religieux d'abord, ne fût peut-
être pas devenu politique. Tout le monde y
eût gagné : malheureusement, le Pape et les
évêques ont poursuivi avec acharnement, par
le fer et par le feu, l'écrasement de leurs adver-
saires. Ceux-ci ont dû se défendre, et les deux
partis ont apporté dans la lutte un esprit de
violence qui a mené aux pires excès. On a vu
parfois les troupes huguenotes rivaliser de
cruauté avec les saintes milices de la Ligue, et
les droits de la conscience ont été partout
écrasés sous la botte des soldats. Quelques
magistrats seuls ont eu l'honneur de procla-
mer le grand principe de la tolérance. Le
chancelier De l'Hôpital aurait voulu abolir
les noms de papistes et dehuguenots^ et Nicolas
Pasquier disait : < Combien que Von puisse
forcer un homme de faire quelque chose contre
sa volonté y il n'est pas possible de le contrain-
dre de croire ce quHl ne croit pas. L'opinion
est libre, (i). »
Malheureusement, la société du xvi« siècle
n'a pas été de cet avis. Elle en a été châtiée :
y Google
— l52 —
CHAPITRE VII
DE LA PROMULGATION DE l'ÉDIT DE NANTES A
l'Émeute de 1621
(1598-1621)
Bien qu'il eût abjuré le protestantisme,
Henri IV avait à se faire pardonner son ori-
gine huguenote; il ne négligea rien pour y
parvenir, et ses anciens coreligionnaires eurent
beaucoup de peine à obtenir la reconnaissance
de leurs droits. Il fallut négocier longtemps,
-en arriver presque aux menaces pour arracher
au Béarnais, devenu roi de France, le fameux
édit de tolérance de 1598.
Cet édit accordait aux réformés la liberté de
conscience et le droit d'élever des temples par-
tout où leur culte avait été célébré publique-
y Google
— i53 —
Aucune différence ne devait être fait^ à l'avenir
entre les jeunes huguenots et leurs camarades
catholiques dans les écoles, les collèges et les
universités; aucune distinction dans les hôpi-
taux, maladreries et aumônes publiques, entre
les pauvres et les malades. Les réformés étaient
admis à toutes les charges. Des chambres mi-
parties, c'est-à-dire composées de juges protes-
tants et de juges catholiques, allaient connaître
dans quelques parlements des causes de ceux
de la religion. Ceux-ci avaient en outre le
droit de posséder un cimetière dans toutes les
villes du royaume. Il leur était permis d'ouvrir
des écoles pour l'instruction de la jeunesse
et de convoquer leurs synodes. Le roi leur
accordait enfin une subvention annuelle de
45000 écus pour subvenir aux dépenses qu'ils
allaient avoir à faire (i). Les réformés de
Tours devaient toucher une partie de cette
somme.
Des commissaires furent envoyés dans les
provinces pour assurer l'exécution de l'édit ;
mais leur tache ne fut pas toujours facile,
comme nous le verrons tout à l'heure.
Il ne restait à la fin du xvi® siècle que quatre
églises en Touraine. Seules, les villes de Tours,
y Google
— i54 —
de rile-Bouchard, de Châtiilon-sur-Indre et
de Preuilly, avaient conservé leurs pasteurs.
Celui de Pile-Bouchard desservait Chinon, et
celui de Châtillon était chargé de pourvoir aux
besoins religieux des protestants de Loches et
de Buzançais. L'édit semble avoir été exécuté
sans difficulté dans les trois paroisses situées
au sud de la province, mais à Tours, le corps
de ville et le clergé s'opposèrent de tout leur
pouvoir à l'établissement du prêche.
On avait déjà refusé d'admettre les réformés
dans les hôpitaux, de leur restituer leur cime-
tière du Ghardonnet et de leur donner un ter-
rain pour y construire un temple, quand au
mois de juillet 1599, plus d'un an après
la publication de l'édit, les commissaires
royaux (i) arrivèrent dans notre ville. Les
protestants demandaient à s'établir au Ghar-
donnet. Le 12 juillet, le maire et les échevîns,
accompagnés du vicaire général de l'archevê^
que et des délégués des paroisses, se transpor-
tèrent au logis des commissaires et leur décla-
rèrent, en s'appuyant sur les édits, que Tours
étant une ville archiépiscopale, ils s'opposaient
formellement à l'établissement d'un lieu de
y Google
— i55 —
culte dans l'intérieur des murs et même dans
les faubourgs. Les envoyés du roi leur répon-
dirent que les réformés abandonnaient le Char-
donnet et qu'ils sollicitaient l'autorisation de
construire un temple dans les environs, au
Plessis par exemple, dans le fief du roi.
Le corps de ville se réunit le lendemain
matin, et prit la délibération suivante, dont
nous ne donnons que la partie essentielle : « A
esté advisé et concleu unanimement que nous,
maire, avec toute l'assistance présente, irons
par devant les sieurs commissaires à ceste ma-
tinée pour leur représenter qu'il y a autres
lieux esquels plus commodément pour le ser-
vice du Roy et tranquillité de ceste dicte ville
en son obéissance, mesme pour la seureté des
personnes desdicts de la Religion prétendue
réformée », peut être établi leur exercice, t C'est
à scavoir le lieu de La Milletière, estant situé
au-dessus de Monilouis, à trois petites lieues
de ceste ville... Au quel lieu de La Mille-
tière ils se debvroient contenter d'avoir leur
dîct exercice. Considéré aussy que ledit esta-
blissement ne se faict pour particulière occa-
sion, mais aussy pour les autres de ladite
Religion prétendue réformée dudit bailliage,...
comme entre autres pour ceux qui sont gens
des villes de Montrichard, Bléré, Cormery,
Montbazon, Château- Regnault et autres lieux
y Google
— i56 —
plus proches dudît lieu de La Milletière que
de ceste ville... — Il y a autres lieux despen-
dans du mesme fief du Plessis, scavoir est
le lieu de La Carrée, près de la Ville-aux-
Dames, moiennant que ce soit au plus
loing, pour ce que ledit lieu est au dedans
de la banlieue;... et encore la terre de Bou-
temps, près La Chambrerie de Mairemoutîers ;
en chacun desquels lieux de La Carrée et de
Boutemps ils peuvent aller en tout libre accès
et plus encore audit lieu de La Carrée, pour
ce qu'ils n'ont à passer aulcuns ponts. Mais
quant à ce qui est du fief du Plessis, du
costé de chasteau dudit lieu, encores que ledit
lieu s'estende de par delà ledit chasteau, hors
la banlieue, lesdits establissemens ne s'y pour-
ront pas faire avec telle seuretté de personnes
desdits de la Religion prétendue réformée, en
laquelle ledit corps de ville désire qu'ils de-
meurent conservez. Attendu que ordinaire-
ment audits jours du dimanche et autres festes
se font processions tant des parroisses de ladite
ville et faulxbourgs que parroisses du plat pays;
lesquelles vont tant en l'église collégiale dudit
chasteau du Plessis qu'aux Minimes à Saint-
Cosme, estans près ledit lieu; oultre les com-
pagnies de gens de mestier et du simple peuple,
Digitized by LjOOQIC
- 15; -
Plessis, et dont pourroit advenir péril, (i). >
Cette délibération du corps de ville n'em-
pêcha point les commissaires du roi de se
transporter au Plessis avec les délégués de
l'église réformée de Tours et de leur assigner
pour l'exercice de la religion une maison ap-
partenant à un protestant nommé Auberge, s*^
de Villîers, située dans la grande rue pavée
conduisant au château, en face du logis du
doyen de l'église collégiale (2).
Le maire et les échevins, fort irrités, résolu-
rent d'envoyer des députés au roi pour empê-
cher l'établissement du prêche au Plessis ; mais
leurs démarches furent inutiles (3). Les réfor-
mes achetèrent la maison et le jardin d'Auberge
par acte du 25 août 1 599, et les maçons se
mirent à l'œuvre (4). Un an plus tard le temple
était achevé.
(i) Délibérations du corps de ville du i3 juin 1699,
t. XXVI, f» 461 et sq. (Archives, mairie de Tours),
(2) Délibération du corps de ville du 16 juillet 1599,
t. XXVI, £0 463 et sq.
(^) Histoire de la mairie de Tours^ par de la Grandière,
P« 186 (Mss, bibl. de Tours.)
(4) L'acte et le marché de maçonnerie furent passés
y Google
— i58 —
C'est à cette époque que durent être donnés
aux protestants de Toiirs les deux cimetières
où ils inhumèrent leurs morts jusqu'à la Révo-
cation. Le premier était situé du côté de la rue
Chaloineau (i); le second près de la porte des
Oiseaux, entre la rue de l'Hospitalité et la rue
du Petit Genève.
Pendant les vingt premières années du xvn®
èiècle, les réformés vécurent en paix avec la
population catholique. Cependant, ils furent
insultés une fois en 1611, le jour de la Tous-
saint, dans le faubourg de la Riche, comme
ils se rendaient au temple du Plessis; mais
le maire prit des mesures pour éviter le retour
Lafons, avocats au présidîal ; Jehan Neiron (?), ouvrier
en draps de soie ; Noël Moreau ; Jacob Ducandalf mar-
chand; Jacques Rougeon, maître ouvrier en draps de soie,
tous anciens de Téglise de Tours.
(i) Ce cimetière ne devait pas être éloigné de celui dont
nous avons déjà parlé et qui portait au xvio siècle le nom
de cimetière du Chardonnet. En tout cas, les réformés
ont eu au xvii® siècle un lieu de sépulture rue Chaloi-
neau : Tacte suivant en fait foi. « Le g» jour de juing 1673
a été enterrée Marguerite Du Vidal, fille de François Du
y Google
— iSg —
de semblables scandales (i). La vie normale
avait succédé^ aux agitations sanglantes du
passé;
Les protestants ne deniandaient pas autre
chose. Ils s'occupèrent de^ leurs affaires et or-
ganisèrent* fortement leurs églises. Les actes
des synodes provinciaux de cette époque nous
initient à leur vie intérieure, nous font con-
naître leur activité et leurs préoccupations.
Un mot d'abord de leur organisation ecclé-
siasti4ue. Chaque église avait un consistoire
(c'est notre conseil presbytéral), composé du
■ ministre et d'un certain nombre d'anciens.
Pineau des Aiguës remplissait les fonctions
pastorales à Tours; Fleury à l'Ile-Bouchard ;
Jehan Roger à Preuilly, et Grenon allait pren-
dre en 1601 la direction de la paroisse de
Châtillon-sur-Indre. — Les quatre églises de
Touraîne, l'église de Montoire et Mondou-
bleau et l'église de Vendôme formaient un
colloque (aujourd'hui consistoire), qui, avec le
colloque d'Anjou et le colloque du Maine et
du Perche, constituaient la cinquième pro--
vînce ecclésiastique. — Les délégués de ces
trois colloques se réunissaient tous les ans en
(i) En 16 10, après la mort de Henri IV, le maire leur
avait déjà promis de faire respecter leurs droits. Registre
des délibérations du coiys de ville de Tours, séances du
14 et du i5 mai i6io.
y Google
— i6o —
synode, tantôt dans une ville, tantôt dans une
autre, pour discuter les affaires pendantes (i).
Tout ce qui pouvait intéresser la vie des
églises était examiné avec soin dans ces assem-
blées.
L'instruction de la jeunesse tient une grande
place dans les délibérations. Les pasteurs
et les anciens réunis en 1594 avaient déjà
recommandé aux pères et aux mères de faire
lire à leurs enfants après le repas une ou plu-
sieurs sections du catéchisme (2). En 1601, ils
invitèrent les parents à envoyer leurs fils au
collège de Saumur (3), où l'on enseignait les
humanités, et ils demandèrent au synode
général d'adresser au roi, au nom de leur
province, une requête tendant à obtenir pour
l'académie de cette ville, fondée en 1599, les
privilèges, les exemptions de tailles et les sub-
sides dont jouissaient les autres universités de
France (4). Plus tard, quand Louis XIII retira
(i) C'est le synode réuni à Saumur en i6oi, qui a orga-
nisé ces colloques. Voir Actes des synodes de Touraine^
Vendomois, Anjou^ Loudunois. Maine et Perche^ conser-
y Google
— i6i —
aux églises la subvention que leur avait accor-*
Jée Henri IV,, ils s'imposèrent des sacrifices
pour payer les professeurs. Les consistoires
cie Toûraine, d'Anjou, du Maine et du Perche,
donnèrent 85 o livres par an (i).
Les églises s'occupaient surtout des jeunes
gens qui se destinaient au ministère. Elles leur
fournissaient une bourse pendant leur séjour
à l'académie. C'est aux frais de la province par
exemple que Mathieu Çottière de Tours fit ses
études à Genève (2J. Les synodes envoyaient
quelquefois des élèves de Saumur visiter lès
(i) Bulletin de VEistoire du Protestantisme ^ iw année,
p. 3oû.
(2) synode de Vendôme, art. 4 (Mss de Biois). Voîci
du rest?y d'après Le Livre du Recteur, la liste des jeunes
gens de Toûraine qui firent leurs études à Genève de
1559 à 1684, iSbg : Carolus Bergerius, Turohensis; Joh,
PagmeMus, id,; Jacohus Simo, Turonensis urbis; 1564:
Gaspardus Pinardus, Chastilionensis; Joh.Sallomes, id.;
Robertus ThierinuSj Turonensis; iSgô : Daniel Pineus,
sancl. theol. studens, Turonensis; 161 3; Isaacus PeU^
tarius, id.; 1617 ; Isaacus Solanus, Chinonensis; 1622 :
Henricus Batutus, Turoiiensis; i63i : Carolus Druetus^
id.; i635 - Paulus Dusoul, Turo-Chinonensis; 1648 :
Paulus de Thoulhyer, Turonensis: iq58 PhL Perroteus,
y Google
— 102 —
académies d'Allemagne. Ils examinaient les
étudiants qui avaient fini leurs études et se
destinaient à la carrière ecclésiastique. Ainsi^
en 1609, Nicolas Despinet, natif de Norman^
die, et Jean Tassan, de Genève, furent consa-
crés, après avoir prêché devant l'assemblée
réunie à Poligny, expliqué quelques textes de
l'Ancien et du Nouveau-Testament, développé
une question philosophique et promis de s'em-
ployer < sincèrement, fidellement et devant le
Seigneur, à l'œuvre d'iceluy, chacun en son
endroit (i). >
Si les luttes sanglantes semblaient ne devoir
jamais recommencer, les consistoires ne pou-
vaient oublier que le clergé romain n'avait pas
signé la paix. La guerre avait changé de nature,
mais elle n'était pas terminée. Au lieu de se
battre à coups d'épées, on se battait à coups
de plumes. Les théologiens catholiques écri-
vaient des volumes dans lesquels le protestan-
tisme était tort malmené. Le synode de 1601
chargea le pasteur de Tours, Pineaudes Ai-
guës, de répondre aux adversaires (2) ; et plus
(i) Synode de Poligny , 1609 (Mss de Blois).
(2) Synode de Loudun, mars 1601, art. 8 (Mss de
olOlSl. T^e SVnrkHA rriSn/^rol tAnii à Mrknt-QiiKan on i^r\A
y Google
— i63 —
tard, en 1608, les membres de rassemblée émi-
fent le vœu qu'on fit choix de < deux person-
nages en chacune province pour se consom-
mer particulièrement sur les controverses, afin
d'estre pretz à la deffense de la vérité lorsqu'elle
serait impugnée (attaquée) par escrit ou aultre-
ment (i). >
Les questions financières étaient traitées avec
beaucoup de soin par les synodes. C'était
eux qui distribuaient les deniers du roi, —
En 1 601, il fut décidé que les sommes données
par Sa Majesté seraient partagées également
entre les ministres et les proposants, et que les
veuves des pasteurs toucheraient < la moitié
de la portion d'un ministre. (2). >
Maintenir la discipline était l'une des grandes
préoccupations des synodes.
Celui de l'Ile-Bouchard défend les jeux même
licites, « à cause de la perte de temps et d'ar-
gent (3). » Les bateleurs et les joueurs de violon
sont invités à s'abstenir de leurs exercices, s'ils
veulent être reçus à la communion (4), Les
jeunes filles ayant un père catholique et une
mère protestante et qui « se meslent de dancer,
(i) Synode de Preuilly, 1608. art. 24 (Mss de Blois).
Digitized by LjOOQIC
— ' 104 —
s'excusans sur la volonté de leur père, qui les
y contraignent », sont fortement censurées.
Le synode de l'Ile-Bouchard, tenu en i6o5,
blâme énergiquement les jeux de cartes, les
danses et les momeries, et ordonne aux consis-
toires d'y tenir la main et de faire respecter la
discipline. Cette même assemblée ayant appris
que certains pères de famille envoyaient leurs
enfants aux écoles romaines et leur permet-
taient d'aller à la messe, enjoint aux églises de
prendre des mesures sévères contre les coupa-
bles (i).
Le synode de Preuilly décide que les Bazo-
chiens faisant profession de la Religion réfor-
mée et qui « adhèrent aux insolences de ladite
société », seront censurés, et en cas de conti-
nuation « desdites insolences, » seront suspen-
dus de la Cène (2). — Un certain Vincent
Jourdain, ancien cordelier, avait été inscrit
en 1602 sur le rôle des étudiants; maison le
déclare indigne de subvention en i6o3, à cause
de sa conduite scandaleuse (3).
Une plainte ayant été portée par l'église de
Paris contre un pasteur, le sieur du Perche,
la compagnie ordonne de réunir le colloque
(i) Synode de ï6o5, art, 11 et art. i5 (Mss de
Blois).
(2) Synode de 1602, art. 12 (Mss de Blois).
(3) Synode de Baugé, i6o3, art. 5 (Mss deBiois).
db^ Google
- i65 —
de Touraine, de sommer l'accusé de compa-
raître, et donne à ce colloque le pouvoir de le
déposer au cas où il ferait défaut. En atten-
dant, elle le suspend de la Cène et du minis-
tère, pour avoir quitté son église sans congé
et avoir menti en déclarant qu'il était allé
assister au synode de l'Ile-de-France (i).
Les gens chargés de lire la Bible dans les
temples et qui restent couverts sont censurés.
Les membres des églises sont invités à être
attentifs à la lecture de la parole de Dieu et on
leur rappelle que pendant le chant des psau-
mes ils doivent ôter leurs chapeaux, à moins
qu'ils ne soient indisposés (2).
Un blâme sévère est adressé à tous ceux qui
abandonnent lès saintes assemblées, soit pour
s'occuper de leurs affaires, soit pour « s'amu-
ser aux tavernes et aux jeux illicites avec grand
scandale (3). » Les synodes veillent aussi à ce
que les p'asteurs soient payés par les églises.
L'assemblée de Preuilly de 1608, censure la
paroisse de Châtillon et Loches, qui n'avait pas
tenu les promesses faites à Grenon, ordonne
y Google
— i66 —
que tous les arrérages dûs à ce ministre lui
seront soldés intégralement, à raison de 3oo
livres par an, moitié par Loches, moitié par
Châtillon ; et déclare que si les membres de la
communauté n'obéissent pas à cette injonc-
tion, leur pasteur leur sera enlevé (i).
Ainsi, au commencement du xvn® siècle, les
églises développent leur vie intérieure sous la
ferme direction des synodes provinciaux et
celle de Tours grandit peu à peu. Elle n'avait
qu'un ministre en 1600; elle en eut deux
en i6o3. Couppé, tout jeune encore, car il
était proposant en 1602, fut adjoint à Pineau
des Aiguës, qui, en iSgS, remplissait déjà les
fonctions pastorales dans notre ville et dans
les environs (2). La guerre ruiae les églises
aussi bien que les peuples ; mais \a prospérité
est fille de la paix.
(i) Synode de 1608, art. 38 (Mss de Blois).
(2) Z^ France protestante, 2.' édition, au mot Couppé,
dit qu'il fut pasteur à Tours à partir de 160 1. Cest une
erreur, car nous lisons dans les actes du synode tenu à
Baugé en avril i6o3 : « M. Couppé ayant séjourné uii
mois en l'église de TIsle-Bouchard, s'en ira sans aulcun
y Google
— 167 —
CHAPITRE VIII
DE l'Émeute de 1621 aux préludes de
LA RÉVOCATION
(1621-1660)
Depuis la publication de l'édit de Nantes,
les esprits s'étaient calmés; mais la guerre
de 1621 réveilla les vieilles passions mal assou-
pies et Tours fut le théâtre d'une émeute, qui
eut des conséquences désastreuses pour l'église
réformée de cette ville.
L'année s'ouvrit sous de fâcheux auspices :
les partis s'agitaient, et le clergé, toujours prêt
à se jeter dans la lutte, excitait le peuple contre
les protestants par des prédications empor-
tées (i). Ces appels à la violence ne devaient
pas rester sans écho. L'enterrement d'un hu-
guenot, nommé Martin Lenoir, fournit à une
partie de la population catholique l'occasion
y Google
— i68 —
de montrer qu'elle savait profiter des leçons
reçues dans les églises.
Lenoif habitait la rue de la Monnaie. C'était
un hôtelier d'assez mauvais renom. Les désor-
dres qu'il tolérait dans sa maison, l'avaient
fait emprisonner. Depuis sa mise en liberté, il
ne sortait plus de chez lui sans être insulté.
On le chansonna. ' *
Le plus grand c
Qui soit en France,
C*est Martin Lenoir.
Telle est ma créance.
Au guéridon I (en prison)!
Un jour, quelques hommes du peuple fabri-
quèrent même un mannequin de paille et le
promenèrent dans les rues de la ville en criant :
€ Regardez, voici Martin Lenoir. » — D'autres
disaient : € C'est Martin Luther », et tous se
riaient de l'hôtelier.
Cet homme mourut le i6 avril 1621. Le 18,
qui était un dimanche, ses amis se réunirent à
son domicile pour l'enterrement, qui devait
avoir lieu dans l'après-midi.
A quatre heures, le convoi funèbre se dirigea
vers le cimetière du Petit-Genève, au milieu
d'une foule énorme, suivi par une bande de
jeunes drôles, qui portaient des croix de bois
et chantaient la chanson de Martin. La popu-
y Google
- i69-
lace riait (i). Sur la place du Grand-Marché, le
cortège fut accueilli par des huées. Les protes-
tants courbèrent la tête ei continuèrent leur
chemin; mais un peu plus loin, ils demandè-
rent à quelques soldats d'éloigner les enfants
qui les suivaient encore en les insultant. Les
hommes d'armes firent la sourde oreille. Irri-
tés, les amis du défunt souffletèrent deux jeunes
vauriens plus insolents que les autres et les
envoyèrent rouler dans un fossé. Ce fut le
signal de la bataille. Les enfants et le peuple
se ruèrent sur le cortège, et tandis qu'on ense-
velissait le corps en toute hâte, on se battit à
coups de pierres.
(i) Dans le midi de la France, où les haines religieuses
ne sont malheureusement pas éteintes, bien qu'elles aient
perdu de leur violence^ on chante encore des chansons
de ce genre, insolentes et grossières. En voici une que
nous avons entendu plus d'une fois sortir de la bouche
d'enfants catholiques insultant de jeunes protestants :
Higounaudailiol
Fioc à la paillo,
Fiocalfé!
i Higounaudaillo
Valparél
y Google
— \JO —
Les réformés, trop peu nombreux pour ré
sister longtemps, s'enfuirent de tous côtés. Les
uns trouvèrent un refuge dans les maisons du
voisinage, où ils subirent un véritable siège ;
les autres coururent en ville et allèrent préve-
nir le maire de ce qui se passait. Ce magistrat
se transporta immédiatement sur les lieux; il
délivra les malheureux que le peuple tenait
encore assiégés, et il se retira après avoir réta-
bli l'ordre un instant troublé. Mais après son
départ, les enfants revinrent avec de % grands
coquins et mauvais garnements » ; ils entrèrent
dans le cimetière et ils déterrèrent le cadavre
de Martin Lenoir avec l'intention de le traîner
dans les rues et de le brûler ensuite.
Cependant, quelques-uns de leurs cama-
rades pénétraient dans la maison du gardien
du cimetière et la pillaient. Le désordre était à
son comble, quand le maire accourut pour la
seconde fois, avec le lieutenant-criminel, le
procureur du roi et quelques officiers. Leur
présence suffit pour calmer les émeutiers. Le
corps fut enseveli de nouveau; on rendit au
gardien du cimetière tout ce qu'on put retrou-
ver de ses meublés; deux pillards furent traînés
en prison, et des soldats reçurent l'ordre de
Digitized by LjOOQIC
Le lendemain," 19 avril, plus de huit cents
personnes se transportèrent au cimetière du
Petit-Genève et se livrèrent à tous les excès
possibles. Les murs furent rasés jusqu'aux
fondements; les arbres et même les herbes
furent arrachés. On eût dit que la foudre était
passée par là.
Comme la veille, le maire essaya de rétablir
l'ordre ; mais la foule devint menaçante et il
fut obligé de se retirer. Les émeutiers, dont le
nombre avait augmenté — ils étaient plus
de 2000 — traversèrent alors le ruau Sainte-
Anne et se dirigèrent vers le temple du Plessis.
* Là, s'estans encouragés les uns et les autres,
dit le Mercure du temps, ils commencèrent à
rompre \ei portes, fenestres et vitres, pour y
entrer : ce faict et estans dedans, l'un d'iceux
prit un drapeau blanc, en façon de guidon et
dit aux autres : € Criez tous : Vive le Roy 1
i Vive le Roy ! Ça, il faut brusler le temple,
4: tous les livres et tout ce qui est céans. » Aus-
sitôt, ils amassèrent les bancs et chaises et
mirent le feu partout, lequel y dura deux fois
24 heures, sans avoir esté possible de le foire
esteindre à cause de la populace qui s'y estoit
assemblée et qui rioit de ce spectacle. ...Sur le
soir le lieutenant criminel et le procureur du
roi, le maire et les eschevins s'estans avec plu-
sieurs de leurs officiers acheminés vers ledit
y Google
— 172 —
temple pour penser faire esteindre le feu, n'osè-
rent en approcher à cause de la grande quantité
d'enfants qui y estoient, lesquels leur crioient
à haute voix qu'ils n'eussent à s'approcher s'ils
ne vouloient boire comme eux. Tellement
qu'ils furent contraincts de se retirer et les
laisser à ceste furie, laquelle ils continuèrent
la nuict sur une maison appartenant au corps
de la religion, laquelle ils démolirent entière-
ment, mangèrent les vivres qu'ils y trouvèrent,
ravagèrent les porcs salés, beurent le vin et
mirent le bouchon, crians : € Vin à vendre à
< un double la pinte et crédit à ceux qui n'au-
« ront point d'argent... » Ce faict, estans entrés
dans une autre maison proche le temple, aussi
appartenant au corps de ladite religion et là
où ils ténoient leur consistoire, ils y ravagè-
rent tout ce qu'ils trouvèrent de vivres et de
vin, crians toujours : € Vive Louys de Bour-
€ boni » Et comme ils y vouloient mettre le
feu, ua chanoine du Plessis, qui avoit son
logis joignant ceste maison, sortit avec son
surplis et son bonnet carré, qui les pria de
n'y point mettre le feu, parce que sa maison
courait la même fortune. Ils changèrent d'avis
et lui dirent : € Elle sera donc abattue, » et à
Digitized by LjOOQIC
- 173 -
Tout cela se passait le lundi 19 avril. Le
lendemain, comme l'émeute continuait, le
maire réunit cinq cents hommes bien armés et
se dirigea vers le Plessis. A son approche, les
pillards s'enfuirent et se retirèrent dans le bois
de Saint-Côme ; mais ils revinrent dans la
journée et attaquèrent les maisons des protes-
tants logés aux environs du temple. La troupe
les chargea et fit usage de ses armes : un émeu-
tier fut tué dans un grenier.
Cependant des bruits sinistres couraient la
ville. On avait vu un huguenot, nommé Hous-
saye, sortir par la porte de TEscoirie, à cheval
et armé. Une sentinelle l'avait arrêté en tuant
sa monture d'un coup d'arquebuse et l'avait
conduit au cachot. Un autre protestant, appelé
Guillochon, lieutenant de la maréchaussée,
avait parcouru la Grande Rue, en criant:
4: Aux armes I » On avait été obligé d'abattre le
cheval pour s'emparer du cavalier et le con-
duire en prison. Etait-ce le commencement
d'une émeute ? Les réformés allaient-ils se
soulever et se défendre? On pouvait le crain-
dre. Pour éviter de nouveaux malheurs, le
y Google
— 1/4 —
velles, qui excitaient les esprits. On disait par
exemple que les protestants avaient brûlé à
Saumur la chapelle des Ardilliers et coupé les
mains à un capucin de cette ville. Le maire,
craignant une nouvelle émeute, lança une pro-
clamation dans laquelle il défendait à tous les
habitants € sous peine de vye », de tenir € au-
cuns propos scandaleux, et de faire courir
bruitz tendans à sédition. »
Pendant que la municipalité essayait de réta-
blir l'ordre par tous les moyens dont elle dis-
posait, la nouvelle de ce qui s'était passé arriva
à la cour. Louis XIII écrivit immédiatement à
M. de Verdun, premier président, la lettre
suivante :
€ Aussitôt que Tadvis a esté donné d'un
désordre arrivé en ma ville de Tours, ...j'y ai
despéché le s»" de Melleville Le Doux, mon
Conseiller et Maistre des Requestes ordinaires
de mon Hostel, avec commission expresse pour
en informer diligemment et exactement, faire
et parfaire le procez aux coupables et les faire
chastier exemplairement selon les lois et or-
donnances de mon Royaume, dont je vous ay
bien voulu faire part à fin que vous rendiez
y Google
- 175 -
repos sous le bénéfice de mes édîcts, et de faire
chastier les séditieux et perturbateurs du repos
public, (i). »
Le 4 mai, le tribunal obéissant aux ordres
du roi, fit comparaître les émeutiers, après
avoir mis en liberté les deux huguenots qui
avaient été arrêtés le 19 avril. Le commissaire
de Sa Majesté, le lieutenant criminel et les
conseillers, interrogeaient les accusés, quand
le peuple se souleva de nouveau, a On relâche
les huguenots, criait la foule irritée, et l'on
veut pendre les catholiques ; nous ne le per-
mettrons pas; » et se précipitant contre les
portes du palais, elle les renverse, brise les
vitres de la chambre criminelle et enlève les
prisonniers. Au milieu d'un tumulte indes-
criptible, les juges s'enfuient épouvantés; les
uns vont se cacher dans les caves, les autres
grimpent sur les toits et se réfugient dans la
maison d'un boulanger, tandis que quelques-
uns 'd'entre eux prennent des vêtements d'em-
prunt pour rentrer dans leurs demeures sans
être reconnus.
La populace venait de remporter une vic-
toire, mais elle n'était pas encore satisfaite.
(i) Mercure de France, 1621. — Cf. Historia pros-
Digitized by LjOOQIC
— iy6 —
Elle se jeta sur les maisons des réformés et
en pîlla cinq : deux sur la place du Palais, trois
dans la Grande Rue. Deux orfèvres, un passe-
mentier, un marchand et un notaire furent
dévalisés. A la nouvelle de ces désordres, les
boutiques se fermèrent partout, les habitants
descendirent dans la rue et élevèrent des barri-
cades pour arrêter les émeutiers. Ceux-ci, se
voyant menacés, demandèrent à parler au
maire, qui s'était établi sur là place de Beaune
avec une centaine d'hommes armés de piques,
de mousquets et de hallebardes; mais il refusa
de les recevoir, tout en les autorisant à lui
envoyer des délégués. Aussitôt « trois grands
pendars qui se faisoîent appeler le premier, le
capitaine.de la Fourche, parce qu'il portoit
une fourche, les deux autres, la Ruine et l'Oî- ^
gnon », vinrent en blasphémant réclamer trois
de leurs camarades, qu'ils croyaient encore
prisonniers. — < Mes amis, vous les avez
tous », leur dît le lieutenant criminel. —
<: Non, répondirent-ils, nous n'en avons que
deux et il nous en faut cinq. ÎDe plus, nous
y Google
— 177 —
faiblesse de leur accorder tout ce qu'ils de-
mandaient, et ils firent ouvrir les portes de
la prison aux trois < pendars », pour qu'ils vis-
sent bien qu'on ne les avait pas trompés et que
les cinq prisonniers étaient libres. — Une
heure plus tard, la foule se dispersait.
Les juges et le commissaire du roi sortirent
alors des caves et des greniers dans lesquels
ils s'étaient réfugiés, et le s»" de Melleville
se mit en route pour Blois, afin d'informer
Sa Majesté des événements de la journée.
Louis XIII fort irrité, vînt immédiatement à
Tours. Le 6 mai, il entra dans notre ville;
trente émeutiers furent arrêtés aussitôt, et
le 10, cinq d'entre eux s'entendirent condam-
ner à être menés de la prison au palais, en
chemise, une torche à la main, pour y faire
amende honorable et de là être conduits sur la
place du Grand-Marché, où ils devaient subir
le dernier supplice. La sentence fut exécutée
le jour même, et le bourreau pendit en effigie
quatre des principaux coupables, qui s'étaient
enfuis avant l'arrivée du roi (i).
Le lendemain, ii mai, quelques réformés
.eurent la bonne pensée de demander la grâce
des émeutiers qui étaient encore en prison. Le
corps de ville, dont ils sollicitèrent le con-
(i) Archives municipales de Tours, G G 24.
y Google
-,78-
cours, consentit de bon . cœur à faire une
démarche auprès du roi, afin d'obtenir une
amnistie plénière. Louis XIII se fit prier un
peu; mais le 21 mai, il ordonna de relâcher
les coupables, et la municipalité satisfaite,
expédia au s' de Melleville <: trois boëtes de
confitures » en souvenir de reconnaissance et
donna à son secrétaire vingt livres de gratifi-
cation (i).
L'affaire était donc terminée; mais les pro-
testants n'avaient plus de temple ; leur cime-
tière était devenu « un lieu passant et mé-
prisé >; quelques-uns d'entre eux avaient subi
de grandes pertes, d'autres étaient allés cher-
cher un refuge à Blois et à Sauihur (2).
Au milieu de ces ruines, en face de cette
dispersion, les membres de l'église qui étaient
restés à Tours eurent un moment de profond
découragement; mais forts de leur droit, ils
(i) Pour toute cette affaire, voir Procès-verbal du
maire et autres documents, en tout 16 pièces, Archives
municipales de Tours, G G 24.
(2) Les deux pasteurs de Tours s'étaient enfuis à Sau-
mur avec un certain nombre de membres de l'église.
(Récit véritable, déjà cité, 1624, p. 17-19). ^Abraham
de Villamoyne, marchand. Marin Lechallais, chef des
courriers du roi, et Jehan Néron^ marchand fileur de
Digitized by LjOOQIC
— 179 —
adressèrent à Louis XIII, le 26 mai 1621, une
pétition dont voici la conclusion : < La justice
que nous demandons, (rendans grâces très hum-
bles pour celle qui a esté ia faicte), est qu'il
plaise au Roy ordonner que nostre cimetière
soit restably, nostre temple rebasty, et atten-
dant que cela soit faict, qu'il nous soit donné
par provision un lieu où nous puissions nous
assembler; que nos biens nous soient resti-
tués, et qu'il soit pourveu à ce que à l'advenir
ncus puissions vivre en paix parmi nos conci-
toyens (i). »
Louis XIII répondit immédiatement qu'il
prenait les huguenots sous sa protection et
sauvegarde; qu'il voulait et entendait que le
gouverneur, le maire et les échevins eussent
soin de leur sûreté et conservation; qu'il
enverrait un commissaire chargé de leur
donner par provision un lieu dans les fau-
bourgs ou dans les environs de la ville, dans
lequel ils pourraient faire l'exercice de leur
religion; que, pour leur permettre d'acheter la
place qui leur serait désignée, il leur accordait
18000 livres à prendre en deux années sur les
deniers destinés aux réparations et fortifica-
y Google
- i8o —
matière adressé au roi (i). — Cette réponse,
dîctée par un esprit de justice et peut-être
aussi par la crainte de mécontenter les hugue-
nots de Tours, leur fit espérer un meilleur
avenir; mais leur patience devait être mise à
une rude épreuve.
En 1623, ils n'avaient encore rien obtenu
de ce qui leur avait été promis. Ils déléguèrent
quelques-uns des leurs à Paris pour faire
valoir leurs droits (2), et quand lés commis-
saires de Sa Majesté vinrent à Tours avec
mission d'exécuter les clauses des édits de
pacification, ils les supplièrent dejieur rendre
leur terrain du Plessis, de leur permettre d'y
rebâtir leur temple et de leur faire octroyer la
somme qui leur avait été promise en 1621.
Mais le clergé s'opposa de tout son pouvoir au
rétablissement du prêche au Plessis ; le corps
de ville fit des objections, refusa de donner les
18000 livres, qui devaient être prises sur les
deniers publics, et offrit aux réformés, pour y
construire un édifice où le culte serait célébré,
« des lieux incommodes, d'un accès difficile et
trop éloignés. » Les commissaires, fort embar-
(i) Archives municipales de Tours, G G 24.
•2) Cottière, le pasteur de Tours, et deux avocats,
Digitized by LjOOQIC
— i8i —
rassés, quittèrent Tours sans avoir pris de déci-
sion et engagèrent les protestants à « se pour-
voir par devers Sa Majesté (i). »
C'est ce qu'ils firent en 1626. Ils obtinrent
du roi l'autorisation de bâtir un temple soit
dans la vallée Bouju, près de la Ville-aux-
Dames, soit à la Feuillarde, sur les bords du
Cher, en face de Saint-Avertin.
Le gouverneur, mis en demeure d'exécuter
le décret de Sa Majesté, fit comparaître en son
château, le 3i juillet, le révérend père en
Dieu, Bertrand Deschaux, archevêque de
Tours, son archidiacre, son grand vicaire et
les délégués du chapitre, le s»" de Verberault,
écuyer, Charles Soullé, avocat, Mathieu Cot-
tière, pasteur, Jehan Houssaye et Isaac Sau-
vage, marchands, députés par les réformés ; le
substitut du procureur général, le maire et les
échevins. Il lut l'ordonnance royale relative à
l'érection d'un temple, soit à la Feuillarde, soit
à laVallée-Bouju,et il demanda aux protestants
de choisir l'emplacement qu'ils désiraient.
Sans hésiter, Cottière et ses amis se pronon-
cèrent pour la Feuillarde. Mais le clergé fit
y Google
— l82 —
Bien que le terrain dont on les gratifiait
pour y bâtir un temple, fût éloigné de Tours,
qu'il tût tout près des fourches patibulaires et
que l'accès en fût difficile, ils furent obligés de
s'en contenter, et c'est dans la plaine de la Ville-
aux-Dames, qu'ils construisirent un lieu de
culte, auquel ils donnèrent le nom de La
Butte (i).
On conserve à l'état civil de Tours trois
registres contenant les actes < des baptêmes,
mariages et sépultures » des réformés de cette
ville, de i63i à i685. Nous avons trouvé dans
le premier de ces volumes quelques indica-
tions sur l'ouverture du temple de La Butte.
C'est le mardi 19 août i63ï que l'église réfor-
mée de Tours fut « rétablie » par Gasnay,
conseiller au présîdial, « suivant les arrest et
volontés du Roy. » Le surlendemain, 21 août,
le culte fut célébré pour la première fois dans
(t) Nous avons retrouvé remplacement de ce temple
dans un champ situé à 200 mètres environ de La Mo-
rinnerie^ sur le bord d'un chemin qui passe devant cette
ferme et va couper un peu plus loin, à la maisonnette
no i79) la ligne de Tours à Paris. Ce champ, qu^on laisse
à gauche quand on se dirige vers le passage à niveau, et
qui porte encore le nom de La Butte, appartient à
M. Cimier-Dupont. A chaque labour, la charrue ramène
à la surface des débris d'ardoises, du mortier et même
des pierres des fondations, recouvertes d'un pied de terre
environ*
y Google
— i83 •-
le nouvel édifice par le pasteur Mathieu Cot-
tière.
Bien que la distance qui séparait Tours de La
Butte fût assez grande, les protestants de notre
ville s'y rendirent avec joie. Ils avaient enfin
un édifice dans lequel ils pouvaient adorer
Dieu selon leur conscience ; mais leurs enne-
mis étaient fort irrités. « C'est là, écrivait un
prêtre de Tours, que ces hérétiques hugue-
nots, dont l'exercice de leur irréligion ou
plutost athéisme avoit cessé depuis le brule-
ment de leur temple proche le Plessis, ont été
installés... par M. Gasnay. On tient que i5 es-
cus lui firent faire $i lasche coup (i). » — Mal-
gré ces récriminations, comme l'édit de Nantes
devait être longtemps encore en vigueur, les
réformés de Tours jouirent d'un repos relatif,
et pendant plus de 5o ans, ils célébrèrent leur
culte dans le temple de La Butte.
Les membres des églises^ voisines furent
moins heureux. En 1637, le pasteur de Preuilly
fut jeté en prison et condamné à l'amende
« pour n'avoir pas voulu subir certaines
mesures vexatoires (2) », dont nous ignorons la
nature. — En 1646, le ministre de ChâtîUon-
(i) Etat-civil de Tours, paroisse de St-Vincent, t. IV,
note.
(2) Aymon, Synodes, t. II, p. 602.
y Google
— 184 —
sur-Indre, le s' de Couldre, un ancien^ nommé
la Brosse et quelques membres de cette pa-
roisse, furent maltraités et le temple de cette
ville fut réduit en cendres. Le synode provin-
cial qui se réunit à Loudun l'année suivante,
après avoir entendu « une ample et véritable
desduction des outrages et persécutions »
qu'avaient subis les réformés de Châtillon;
après avoir loué le s^ de Couldre et la Brosse
du courage et de la constance dont ils avaient
fait preuve en cette occurence ; après les avoir
consolés et exhortés à la persévérance, arrêta
qu'il serait écrit au nom de la compagnie au
d'éputé général, pour lui recommander avec
grandes instances de les assister de ses soins
auprès du roi ; que toutes les églises de la pro-
vince seraient invitées à user « de leurs gra-
tuités et charité » envers ladite église, afin de
lui aider à supporter les grandes dépenses
qu'elle avait faites et qu'elle allait avoir à faire ;
et décida que les fonds recueillis dans ce but
seraient adressés au consistoire de Tours (i).
La paroisse de l'Ile-Bouchard eut aussi sa
part de persécutions.
Depuis plus de 3o ans, les réformés célé-
braient leur culte dans le château de cette ville,
y Google
— i85 —
qui appartenait à un seigneur protestant, quand
en 1629, le duc Henri de la Trémoille et sa
mère, la duchesse de Nassau, ayant vendu la
baronnie de TIle-Bouchard au duc de Riche-
lieu, ordre fut donné à ceux de la religion de
se pourvoir d'un autre lieu pour leur exercice.
Ils s'établirent dans le faubourg Saint-Maurice;
mais en- 1 63 3, leur temple fut fermé (i), et
après la mort du cardinal, la duchesse d'Aiguil-
lon, qui fut chargée d'administrer les biens
légués par lui à Jean Duplessis, demanda la
suppression du prêche. Le sénéchal de Riche-
lieu et celui de l'Ile-Bouchard, par ordonnan-
ces du 16 et du 20 mars 1643, se hâtèrent de
lui accorder ce qu'elle désirait. — Ce jugement
fut frappé d'appel par Etienne Le Vascher, s' de
Marigny, pasteur de l'église, par Simon d'Andl-
gny,parle s^ de la Touche et par quelques autres
membres de la paroisse, au nom de l'art. 9 de
Fédit de Nantes, ainsi conçu : « Nous permet-
tons à ceux de ladite religion faire et continuer
(x) îi ne semble avoir été rouvert que beaucoup plus
tard, car en 1637, l'église de TIle-Bouchard n'avait pas
de culte. (Aymon, Synodes, t. Il, p. 697), et en 1647, au
synode provincial de Loudun (Actes cités), le pasteur de
y Google
— i86 —
l'exercice d'icelle en toutes les villes et lieux
de nostre obéissance, où il a esté faict publi-
quement par plusieurs et diverses fois en
l'an iSgô et en l'année iSg/. » — Le Parlement
fut saisi de cette affaire ; mais au lieu d'appli-
quer l'édit, après avoir entendu l'avocat de la
duchesse d'Aiguillon, qui < n'estimoit poinct
que l'establissement (le culte), eust esté fâict
publiquement^ ayant esté faict par un seigneur
dans son chasteau », mit les parties « hors
de cour et de procès » par jugement du
i«' avril 1645, et invita les réformés < à se
pourvoir par devers le Roy, pour leur estre
pourveu d'un lieu pour l'exercice de leur relli-
gion (i). »
Le temple resta fermé; mais il fut rouvert
plus tard. En effet, Colbert de Croissy écri-
vait au roi en 1664 : « Il n'y a gue dix à douze
huguenots (à Chinon;. Ils vont au prêche à
l'Ile-Bouchard (2). »
Nous approchons de l'époque où l'on va
discuter les droits des réformés. Déjà, sous le
ministère de Mazarin, entre les deux Frondes,
de 1649 à i65i, on se demanda dans les con-
seils de la monarchie, s'il était possible de
(i) Registre du Parlement, Plaidoiries X « a 5601.
Digitized by LjOOQIC
- ,87-
révoquer Tédit de Nantes (i). Le cardinal se
prononça pour la négative, et en i652, il con-
firma la grande charte de iSgS. L'assemblée
du clergé, réunie en i656, s'en plaignit amè-
rement. Ses doléances portèrent leurs fruits.
Trois ans plus tard, en efiet, se tenait à Loudun
le dernier synode national: la Réforme était
décapitée et le roi de France allait édicter de
rigoureux décrets, annonçant l'intention bien
arrêtée de révoquer Tédit de tolérance.
(i) Bulletin de V Histoire du Protestantisme , 1870,
p. 164, note.
-^s^^f^f^^S^^^,;SSg9^-^^
y Google
— i88 —
CHAPITRE IX
LA RÉVOCATION DE l'ÉDIT DE NANTES
Après la mort de Mazarin, Louis XIV entre-
prit de convertir les hérétiques en leur arra-
chant Tune après l'autre toutes leurs libertés.
— En 1662, il leur interdit d'enterrer leurs
morts après le lever ou avant le coucher du
soleil. Un décret de i663 condamna au ban-
nissement les relaps, c'est-à-dîre les nouveaux
convertis qui redevenaient protestants ; en cas
de décès sur le territoire français, les corps de
ces malheureux devaient être traînés sur la.
claie, comme le fut à Angoulême par exemple,
le cadavre de M^ie de Montalembert.
A partir de 166 5, les curés eurent le droit
de pénétrer auprès des hérétiques malades ou
11- „_:::„. ..:.::r ---::v-r .^.r. Lr, ,,... -r.::r - et les
y Google
— 189 —
Les années suivantes virent grossir le nombre
de ces édits de persécution ; on prit des me-
sures rigoureuses dans quelques provinces ;
bon nombre de temples furent fermés, et c'est
alors que dût être supprimé définitivement le
prêche de rile-Bouchard (i).
Le clergé veillait avec soin à l'exécution des
ordonnances royales. Il était défendu par
exemple aux pasteurs, de « faire le prêche en
divers lieux et hors de leur résidence » ; les
ministres de Preuilly, Fleury et Latreille, n'en
continuaient pas moins à célébrer le culte tous
les quinze jours dans la maison des Chastel-
liers, appartenant à M. de Chambert. Un cha-
noine de Tours, messire GeofiFroi Arnoul, en
ayant été informé, s'empressa d'adresser une
plainte à M. de la Noiraye, commissaire dé-
puté pour connaître des contraventions à l'édit
de Nantes. Il demandait que défense fût faite
aux susdits ministres de remplir «les 'fonc-
tions de leur Religion prétendue réformée en
plusieurs lieux... et ce, soubs peine de prison
et de mil livres d'amende » ; — et en second
lieu, qu'il fut interdit aux diacres et aux an-
(i) L'église de rile-Bouchard n'envoya pas de représen-
tants au nvnnde Drovincial. nui se réunît à S^rcres en i683.
y Google
— igo —
ciens de remplacer les pasteurs et de présider
des assemblées, sous quelque prétexte que ce
fût (i). Il fallait à tout prix écraser le protes-
tantisme. M. de la Noîraye écrivit le i5 jan-
vier 1669 au bas du factum que lui adressait
le chanoine : « Veu la requeste cy-dessus, dé-
fend les deux choses susdites >, et il signa.
Les protestants de Tours avaient-ils con-
science à cette époque de l'avenir douloureux
qui leur était réservé? Il le semble. Nous avons
trouvé dans l'un des sermons de Du Vidal,
prononcé au temple de la Butte, vers 1670,
l'expression des craintes de l'Eglise. « Que les
avares, s'écrie-t-il dans ce discours, qui a pour
titre : L'ancienne et la nouvelle Jérusalem^ —
que les avares se réjouissent à la vue de leurs
trésors ; les hommes du monde du succez de
leurs ambitieux desseins, ou de celuy de leurs
autres passions criminelles; quant à nous,
nous nous réjouirons avec David de ce qu'on
nous dit : Nous irons à la maison de l'Eternel;
de ce que nous y venons toutes les semaines,
de ce que nous y sommes aujourdhuy et de ce
que nous offrons à Dieu nos vœux et nos sacri-
fices évangéliques. Cette iove. Mes Frères
y Google
la plus vive à ceux qui ont le bonheur de se
trouver dans vostre assemblée qu'on ne peut
regarder, et où l'on ne peut ouir l'harmonie de
tant de voix,... que l'on ne s'écrie : Que tes
tabernacles sont beaux, ô Jacob ! Nous souhai-
tons ardemment que cette commune joye ne
nous soit point ostée. Nous en supplions ar-
demment notre Dieu. Ah ! qu'il nous préserve
d'un si grand malheur! Que nous ne tom-
bions pas dans l'effroyable tristesse d'estre
bannis de ses sanctuaires 1... Que nous enten-
dions encore la voix de ceux qui nous disent :
Nous irons en la maison de l'Eternel. »
Bien que l'avenir inspirât des craintes sé-
rieuses aux réformés de Touraine, leur situa-
tion était encore excellente. A Preuilly (i), à
l'Ile-Bouchard, à Châtillon, ils ne formaient,
il est vrai, que des groupes de peu d'impor-
tance ; mais à Tours, on en comptait encore
(i) U devait y avoir à Preuilly vers 1670, 3oo protes-
tants environ, car sur les registres des baptêmes, mariages
et sépultures de cette église de 1669, 1671, 1672, 1673
et 1675, qui se trouvent, celui de 1673, à l'état civil de
Tours, {Registre des RéforméSy déjà cité, t. II), les autres
aux archives du tribunal de Loches, le pasteur Isaac de
Brissac, s^ de Grandchamp, a inscrit 33 baptêmes, soit
six ou sept par an. Cette moyenne correspond au chiffre
de population que nous venons d'indiquer. — Nous
n'avons trouvé aucune trace des registres de Châtillon, ni
de ceux de File-Bouchard.
y Google
— 192 —
un grand nombre. Laissant de côté les chiffres
fantaisistes donnés par quelques historiens,
nous avons dépouillé les registres des baptê-
mes, des mariages et des sépultures des protes-
tants de cette ville, et après avoir établi des
moyennes, nous sommes arrivé à la convic-
tion qu'il y avait ici vers 1570, 25oo réformés
environ. A l'approche de la Révocation, ce
nombre diminua sensiblement, car il ne restait
à Tours en i685 que i5oo huguenots.
Comme la plupart des carrières leur étaient
fermées, ils s'étaient adonnés depuis longtemps
au commerce et à l'industrie. On trouvait
parmi eux un grand nombre d'orfèvres,. d'hor-
logers, et surtout une infinité de maîtres tis-
seurs de soie, de maîtres passementiers, de
fabricants et de marchands dç soieries. Sur
3o pères de famille qui présentèrent leurs
enfants au baptême en 1684, il y avait 23 com-
merçants ou industriels (i).
Dans toutes les corporations ouvrières, ils
étaient d'ailleurs beaucoup plus nombreux
que leurs adversaires. La seule « communauté >
des orfèvres, par exemple, comptait en 1682,
(i)La profession des 7 autres n'est pas indiquée. Rien ne
prouve donc qu'ils ne fussent pas négociants. Nous savons
seulement que l'un d'eux,David Lena in, était gentilhomme
de la chambre privée du roi d*Angleterre. Registre des bap-
têmes^ mariages^ etc., année 1684. (Etat civil de Tours).
y Google
- 193 -
14 protestants sur i8 maîtres. Les catholiques
ne pouvaient prendre leur parti de cette situa-
tion, aussi l'un des gardes jurés de la Commu-
nauté, Pierre Jacopin, s'en plaignit-il au greffe
de la Monnaie. Il accusa les réformés de don-
ner la préférence aux leurs dans les assemblées
< qui se faisoient soit pour la nomination des
jurez, réception des maîtres et autres affaires. »
C'était leur droit, puisqu'ils étaient les plus
nombreux ; mais l'autorité ne l'entendait pas
ainsi. La Monnaie ordonna de réunir les maî-
tres en présence du procureur du roi, pour
procéder à l'élection de nouveaux jurés, appar-
tenant « à la religion catholique, apostolique
et romaine, avec deff'ences d'en nommer aucun
de la Religion prétendue réformée, à peine !de
nullité de la nomination et de cinquante livres
d'amende (i). »
De son côté, le clergé demandait depuis
quelques années la démolition du temple de La
Butte. Mais pour réussir, il fallait avoir une
raison sérieuse à faire valoir. N'en trouvant
pas, il eut recours au mensonge. Se souvenant
qu'un édit de juin 1680 ordonnait de raser les
lieux de culte dans lesquels des catholiques
convertis au protestantisme depuis la promul-
gation de ce décret, auraient assisté à un exer-
(i) Archives du département d'Indre-et-Loire, B 49.
y Google
— 194 —
clce religieux, — un prêtre nommé Sain,
■directeur du séminaire, accusa Du Vidal, l'un
des pasteurs de Tours, d'avoir laissé pénétrer
dans le temple de La Butte une jeune jfille,
nommée Marie Mirault ; de l'avoir engagée à
changer de religion ; enfin de lui avoir donné
la Sainte-Cène. Tout cela était faux; mais il
suffisait que la justice crût à un délit pour que
le temple fut rasé jusques aux fondements. Le
procureur, saisi de la plainte, ouvrit immédia-
tement une enquête. Il fit arrêter Marie Mirauit
le i5 décembre 1681, et il l'interrogea plu-
sieurs fois. Cette malheureuse fille se contredit
si bien et si souvent, qu'il fut impossible 4e
dresser un acte d'accusation sérieux contre le
pasteur de Tours. Celui-ci n'en fut pas moils
condamné comme ayant violé l'édit de 1680;
mais il en appela et il réduisit momentané-
ment ses adversaires au silence.
Marie Mirault sortit alors de prison, et le
directeur du séminaire la plaça dans la maison
de la propagation de la foi, et lui fit faire un
simulacre d'abjuration, afin de prouver qu'elle
avait été protestante (i).
(i) Factum pour Fr. Du Vidal, ministre de la Religion
prétendue réformée à Tours, contre M. le Procureur du
Roy ; et Requeste servant de factum à nos seigneurs du
Parlement en la chambre de la Tournelle. (Bibliothèque
nationale, Ff, 3.)
y Google
- 195 -
Le clergé de Tours ne se tint pas pour battu.
Dans l'espoîr d'atteindre son but, il surveillait
les huguenots. Grâce aux décrets édictés inces-
samment contre eux, il était difficile qu'ils ne
fussent pas de temps en temps en contraven-
tion. Il ne s'agissait que de constater le délit.
Sain et quelques autres prêtres se chargèrent
de l'odieux rôle d'espions. Ils vinrent à La
Butte assister au culte, et prirent des notes qui
leur servirent plus tard à dresser un acte d'ac-
cusation contre Du Vidal.
En i685, ils portèrent plainte contre ce pas-
teur : ils affirmaient l'avoir entendu prononcer
en chaire des paroles violentes et répréhensî-
blés. La justice ne crut même pas devoir
informer; mais l'année suivante le directeur
du séminaire fut plus heureux. Voyant que les
juges ordinaires ne l'écoutaient pas, il alla lui-
même à Chambord, porta plainte au conseil
du roi et demanda que Du Vidal fût jeté en
prison (i). On ne pouvait refuser cette faveur
à ce venimeux personnage, qui représentait le
clergé de Tours. Le 12 novembre, le pasteur
de La Butte fut enfermé dans un cachot. On
l'y traita fort rigoureusement. Ses parents et
ses amis ne furent pas autorisés à le voir ; on
(i) Voir Factum et Requeste^ déjà cités. (Bibliothèque
nationale, F f, 3.)
y Google
— 196 —
lui refusa même un avocat, et le procureur du
roi lui fit son procès.
Du Vidal n'était pas seul en cause. Son col-
lègue, Gédéon de Sicqueville et les anciens de
la paroisse furent appelés devant les magis-
trats. Il fallait à tout prix obtenir une belh
condamnation contre les pasteurs et les mem-
bres du consistoire : on pouvait ainsi tue
d'un seul coup l'église réformée de Tours. Lb
procureur du roi s'y employa de tout s(0
cœur. Dans son réquisitoire, il accusa lu
Vidal d'avoir publiquement attaqué le cdte
des images, comparé le roi au lion rugissint
de l'Ecriture, assimilé Louis XIV à Phara)n
et à Hérode, persécuteurs du peuple de Di«i ;
d'avoir enfin prononcé des paroles € impiei et
détestables », au sujet de la fuite à l'étrarger
en cas de persécution. Il reprit en second îeu
l'affaire de Marie Mirault, abandonnée depiis
trois ans ; et il demanda en terminant que le
pasteur Gédéon de Guillebert de Sicquevile,
que Guill, Renou, Lucas Duperche, Etierjie
Guillerault, Daniel Norieux et Charles Fleuty»
anciens de la paroisse, fussent condamnés pour
avoir tenu une séance du consistoire sans y
avoir appelé un magistrat.
Les parties se défendirent. Du Vidal re-
poussa les accusations lancées contre lui et
protesta de son respect pour le roi. Quant au
y Google
— 197 -
fait de Marie Mlrault, les inculpés rappelèrent
les contradictions de cette fille et déclarèrent
(qu'ils ne la connaissaient pas et qu'elle n'avait
jamais été admise à la communion dans le
temple de La Butte, comme elle l'avait du
r^te reconnu dans son second interrogatoire.
Ettfin, il fut prouvé que De Sicqueville et les
anciens n'avaient pas eu de séance du consis-
toire, mais qu'ils s'étaient simplement réunis
autour du feu pour causer, comme ils le fai-
saieit souvent, avant ou après le service (i).
En tonne justice, tous les accusés auraient dû
être acquittés : ils furent tous condamnés. Le
i6 mai i685, le tribunal de Tours rendit le
jugenent suivant :
« Veu le procez extraordinairement instruit
à la Requeste du Procureur du Roy contre les
dessLsdits, et tout considéré,
« Nous DISONS par notre Sentence et Juge-
ment que pour le cas résultans de la dite Marie
Mirfiult, est condamnée de faire amende hono-
rable devant la porte et principale entrée de
l'Eglise Cathédrale de cette ville, nuds pieds,
la corde au col, tenant en ses mains une torche
ardente du poids de deux livres, et là estant à
genoux dire et déclarer que faisant profession
de la Religion catholique, apostolique et ro-
(i) Factum et Requeste cités. (Bibl. nat., F f. 3.)
y Google
maine, elle a assisté au Temple de ceux de la
Religion prétendue réformée, et que dans ledit
Temple elle a renoncé à la Religion catho-
lique, apostolique et romaine, — dont elle s
repent, en demande pardon à Dieu, au Roy >t
à la Justice; et ce fait, bannie à perpétuée
hors du Royaume, à elle enjoint de garder s^n
ban sous peine de la vie; et que tous ses bi^s
sont confisquez dans les coustumes où confe-
cation a lieu ;
< Et en ce qui concerne ledit Duvidal, ûi-
nistre de ceux de la Religion prétendue rrfor-
mée, est banni à perpétuité hors du Royaiine,
condamné en cent livres d'amende (en) vos le
Roy, et en trente livres d'aumosne applitfible
à THospital Général, au payement de laqielle
il sera contraint.
€ Ordonnons que l'exercice de la Reljfion
prétendue réformée demeure interdit pouttou-
jours et qu'à cette fin le temple de La Ijutte
sera démoly jusques aux fondements dan| un
mois par ceux desdits de la Religion préteidue
réformée, autrement et à faute de ce faire lans
le dit temps et iceluy passé, qu'à la diligoice
du Procureur du Roy le dit Temple îera
démoli e.t que les matériaux en proveimns
seront vendus, pour sur le prix d'iceux eitre
les ouvriers, qui auront travaillé à la dite déno-
lition, payez par préférence de leurs sallaires.
y Google
— 199 —
(Quant aux anciens), « les dits Guill, Renou,
Norieux, Duperche et Fleury, sont condamnés
de comparoir en la chambre du Conseil, pour,
en présence du Procureur du Roy, estre admo-
nestés et condamnés en outre chacun en trois
livres d'amende. Et à l'égard du dit de Secque-
\ille (i), qu'il sera plus amplement informé
contre luy à la diligence du Procureur du Roy,
e: qu'il sera pris et appréhendé au corps, et en
C'cs d'absence, ses biens saisis et arrestez {2). »
Les condamnés en appelèrent. Ils adresse-
rait aux membres de la chambre de la Tour-
neJe un factum, dans lequel, après avoir dé-
montré qu'ils étaient victimes d'une injustice,
ils demandaient qu'on voulut bien < les déchar-
gerdes condamnations portées par la sentence,
les renvoyer absous des accusations, ordonner
que le temple de ceux de la Religion prétendue
réformée de ladite ville tût ouvert (3), pour y
cortinuer Texercice aux termes des édicts, avec
défense de les troublei- à l'avenir. {4). > Le
(i) Il signait Sicqueville et non pas Secquevilîe,
(s) Sentence rendue par Messieurs du Baiîlage et siège
préiidial de Tours contre les ministres et anciens, etc.
y Google
— 200 —
Parlement examina l'affaire et réforma le juge-
ment du tribunal de Tours. Du Vidal ne fut
condamné qu'à trois livres d'amende et ses
coaccusés turent acquittés ; mais le temple
resta fermé en attendant qu'on le démolît (i).
L'église de Tours n'avait plus ni lieu df
culte, ni pasteurs. De Sicqueville s'était réfu
gié à Nantes, et Du Vidal, qui venait de passe
six mois en prison (2), avait quitté le pays. 1
fallait cependant que les enfants fussent bapt^
ses par quelqu'un. Le s^ de Hautecourt it
chargé de cette tâche (3) ; mais en même temps
il reçut l'ordre de ne célébrer de baptenes
qu'à l'hôtel de ville, en présence de l'un les
officiers du présidial, « sans taire aucun prêae,
exhortation, ni autre exercice de ladite religin,
que ce qui était marqué dans la liturgie. »
D'un autre côté, l'administration enjoîpit
aux catholiques de lui faire connaître les n«is
de tous les réformés, qui leur avaient veidu
(ij France protestante, art. Du Vidal. ^
(2) Lettre de NaUj lieutenant général en Tourane.
(Archives nationales T T 323).
(3) Ordonnance du 26 mai 16 85. Ville de Tours, t. II,
p. 649. (Bibl. de Tours, mss n» 12 56). L'originaWe
cette pièce se trouve aux archives du tribunal d*Ang^;
ce qui nous fait croire auMl s^asît de Philioanneaùde
Digitized by LjOOQIC
— 201 —
des meubles, des effets ou dés bijoux. Ces der-
niers étaient soupçonnés de réaliser des fonds
en secret pour s'enfuir à l'étranger, au mépris
des ordonnances royales (i), et l'intendant
voulait savoir quelles étaient les personnes
qL'il fallait surveiller. Du 17 au 19 octo-
bre i685, des marchands et des particuliers
apportèrent à l'hôtel-de-ville « les estats et
mémoires des objets par eux acheptés à ceux
de ^a Religion prétendue réformée. » On exa-
mina toutes ces pièces et l'on apprit ainsi que
la fcmille Du Vidal et la famille De Sicqueville
avaient vendu leur mobilier ; le s^ Jallot, sa
vaisselle plate ; les Guill, les Norieux, les De
la Cour, les Falaiseau, les Menessier, les
Soubzmain, pour ne citer que ceux-là, leurs
lits, leurs tables, leurs chaises, leur linge, leur
batterie de cuisine, leurs tentures et leurs
tapisseries (2).
Ces mesures inquisitoriales et d'ailleurs inu-
tiles, car la plupart des réformés que nous
venons de nommer réussirent à se réfugier en
(1) Edit du i3 août 1669 et Déclaration du roi du
12 août 1682. Voir Le Fèvre, Nouveau Recueil, etc,^
p. 5o4, 5o6, 636 et 640.
(2) Registre des délibérations du corps de ville de
Tours, 1679 à i685, n« 57, séance du 17 octobre i685,
¥ 394 verso et sq. Voir un extrait de cette délibération
\ppendice n" IX,
y Google
— 202 —
Hollande, en Angleterre ou aux Etats-Unis'^
— ces mesures annonçaient l'approche de 1?
révocation. Le i8 octobre, le roi signa 1
déclaration qui abrogeait Tédit de Nantes. Ls
protestants étaient hors la loi.
Voici du reste les principales dispositionsdè
ce décret. Louis XIV, après avoir déclaré qt'il
supprime et révoque la charte donnée à Najtes
en iSgS, ordonne de démolir immédiatenent
tous les temples, défend de célébrer le alte
réformé en aucun lieu, sous peine de coifis-
cation des biens, enjoint à tous les paseurs
qui ne consentiront pas à se converti, de
sortir du royaume dans un délai de 1 5 ours,
et promet une pension à ceux qui changront
de religion. Il veut en outre que les eifants
des réformés soient baptisés catholiqueaent;
que tous les réfugiés rentrent en France et il
défend aux religionnaires de quitter le pays
sous peine des galères pour les hommeset de
détention perpétuelle pour les femmes. Infin,
il confirme les ordonnances contre les rlaps.
En Touraine, comme dans toutes les povin-
ces, cet édit fut exécuté immédiatement Les
y Google
— 203 —
nîstrateurs des hospices, qu'une ordonnance
royale avait mis en possession des biens du
consistoire, envoyèrent des maçons et des
charpentiers à La Butte pour < abattre le prê-
che. » Tant que dura ce travail, qui fut achevé
le 5 novembre, la populace vint applaudir les
ouvriers ; on leur envoya du vin, et l'arche-
vêque lui-même, « tout infirme qu'il estoit
alors >, ne put refuser à son zèle de se trans-
porter à la Ville-aux-Dames pour les encou-
rager (i).
Le clergé de France ne se sentait pas de
joie. Il avait demandé si souvent la révoca-
tion de l'édît de Nantes et payé si cher chaque
persécution nouvelle (2), qu'il avait bien le
droit de se réjouir. Il entonna partout les
louanges du roi, et Bossuet s'écria dans-un dis-
cours célèbre : « Epanchons nos cœurs sur la
piété de Louis; poussons jusqu'au ciel nos
acclamations, et disons à ce nouveau Constan-
tin, à ce nouveau Théodose, à ce nouveau
Charlemagne : Vous avez affermi la foi, vous
avez exterminé les hérétiques; c'est le digne
possible que le temple de Preuilly ait été démoli un ou
deux ans plus tôt. Nous n'avons rien trouvé de décisif
sur ce point.
y Google
— 204 —
ouvrage de votre règne! Par vous l'hérésif
n'est plus : Dîeu seul a pu faire cette mer-
veille. >
Ce bel enthousiasme ne prouve précisénicnt
pas que Févêque de Meaux fût un homme pra-
tique. S'il se fût rendu compte des conséquen-
ces que devait avoir pour notre pays la révo-
cation de redit de Nantes, il eût parlé sui un
ton moins dythirambique de cette mervdlle^
qui devait ruiner quelques-unes des villei les
plus riches de France.
Nous y reviendrons dans le chapitre suR^ant.
-..s.ffap»5ig^^^Ka^;>,w-
y Google
— 205 —
CHAPITRE X
LA RÉVOCATION DE l'ÉDIT DE NANTES
(Suite)
Nous avons vu que l'édit de révocation or-
donnait aux pasteurs de passer la frontière
dans un délai de i5 jours. Du Vidal et De
Sicqueville obéirent. Le premier se retira en
Hollande, et fut placé à Groningue, où il
mourut en 1721 (i). Le second se réfugia
d'abord à Nantes et s'embarqua sur la JuS"
ticej navire hollandais qui était en rade de
Paimbœuf.
|i) France protestante, art. Du Vidal. — Parmi les
noms des pasteurs réfugiés en Hollande, nous trouvons
ceux de Moyse Périllault, cy-devant pasteur de Flsle-
Bouchard, et de Philiponneau de Hautecourt, (Extrait
des articles résolus dans le synode des églises walonnes
du 24 avril 1086), enfin celui de Benjamin de Brissac,
ir du Vigneau^ ancien pasteur de Châtillon-sur-Indre. —
Nous ne savons ce qu*est devenu le frère de ce dernier,
lioac de Brissac^ pasteur de Preuilly en i683. (France
protestante, art. Brissac.) Cf. Vaurigaud, Histoire de
V église réformée de Nantes, p. 227, 243 et sq.
y Google
— 2o6 —
Le procureur du roî visita cette embarca-
tion, pour s'assurer que les fugitifs n'em-
portaient ni meubles ni argent. Il fit ouvrir
toutes les caisses, sonder tous les tonneaux,
et au lieu d'objets précieux, on n'y trouva
que du linge, des hardes et des livres. De
Sicqueville se croyait hors de peine : il se
trompait. Bien que son passeport ne l'auto-
risât à emmener à l'étranger que sa femme et
ses enfants, il n'avait pas voulu laisser en
France la nourrice de son dernier-né ; mais le
procureur du roi ayant constaté que celle-ci
n'était pas mentionnée dans le brevet, lui donna
l'ordre de retourner à terre et de rentrer dans
son pays. Il fallut obéir, et le navire mit à la
voile.
Ce fut en Angleterre que les exilés se
rendirent. De Sicqueville s'y établit et devint
pasteur des églises de Swallow-street et du
Quarré (i).
En révoquant l'édit de Nantes, Louis XIV
avait défendu aux huguenots de chercher à
l'étranger la liberté qu'il leur refusait. Il fallait
rester en France et devenir catholique, ou
y Google
— 207 —
chez les réformés, les ruinant par plaisir et
leur infligeant les tortures les^ plus ingénieu-
sement barbares (i).
Pour échapper à ces bourreaux, nombre de
gens abjurèrent. L'Ile-Bouchard, Châtillon,
Loches, Preuilly et Tours, comme la plupart
des villes du royaume, eurent leurs nouveaux
convertis. Ils ne furent pas cependant très
nombreux en Touraine. Dix ans après la
Révocation, il ne restait à Tours qu'une cen-
taine de familles néo-catholiques ; Preuilly
en possédait 25 tout au plus, et l'on en
comptait quelques-unes seulement dans les
autres villes de la province. La très grande
majorité des réformés s'étaient enfuis à l'étran-
ger. Tandis que les Falaiseau étaient allés
en Angleterre, les Cardel en Allemagne, les
Chartin en Suisse, Pierre Bacot, Abraham
Fleury, Noé Royer, Louis Pasquereau, Made-
leine Gendron, s'établissaient dans la Caroline
du Sud, et des marchands, des tisseurs, des
orfèvres, portaient à nos voisins les secrets de
notre commerce et de notre industrie (2).
y Google
— 208 —
Cependant, il était difficile de passer à Pétran-
ger. Les soldats du roi faisaient bonne garde
aux portes du royaume, et malheur aux fugitifs
qui étaient arrêtés : ils expiaient leur crime
dans un cachot ou sur les galères de Louis XIV.
Les gens mêmes qui étaient sortis de France
avant la Révocation, n'étaient pas toujours en
sûreté de Pautre côté de la frontière. L'histoire
de Cardel nous en fournit la preuve.
Cet homme, qui était né à Tours vers i635,
s'était établi à Manheim vers 1674, pour échap-
per aux persécutions de toute espèce dont les
réformés étaient victimes. Il avait fondé dans
cette dernière ville une fabrique de tissus de
soie, et il avait amassé une grande fortune. Sa
richesse, en le désignant à Fattention des mi-
nistres de Louis XIV, fut cause de sa ruine.
On l'accusa d'avoir ourdi une conspiration
contre la personne de Sa Majesté très chré-
tienne, et il fut enlevé par des cavaliers entre
Manheim et Francfort, puis conduit à Vin-
cennes, où il fut écroué le 25 novembre i685.
Deshayes, maître de langues et Dotire, de Tours, se réfu-
giaient à Berlin, M"' de Toullieu, également de Tours,
s'établissait à Lausanne; Louis Caron, peigneur de laine,
à Halle; Benjamin Soubzmain, à Rœnigsberg; Simon
Piozet et Abraham Cherigni, chandellier, à Magdebourg.
Voir Papiers Diétérici. (Bibliothèque du protestantisme
français, place Vendôme.)
y Google
— 209 —
Par ordre supérieur, le gouverneur de Tou-
raine fit au mois de décembre suivant, une
enquête sur sa personne et sur sa famille (i).
On espérait convaincre le prisonnier du crime
de haute trahison, mais il fallut bien recon-
naître son innocence.
La Reynie écrivait lui-même en i685 : « On
a accusé faussement Cardel d'une prétendue
conspiration contre la personne du roi (2). »
Il eût été )uste de relâcher cet innocent,
mais il était huguenot, et malgré les réclama-
tions de l'Électeur, des États généraux et de
l'empereur d'Allemagùe, le malheureux ne
recouvra jamais la liberté. En 1690, il fut
transféré de Vincennes à La Bastille par ordre
de Le Tellier ; il subit dans sa prison les tor-
tures les plus affreuses, sans qu'on pût le faire
abjurer, et après 3o ans de captivité, le
i3 juin 171 5, il expira dans un cachot fan-
geux, le corps chargé de soixante livres de
fer (3).
Peu de temps après l'arrestation de Cardel,
deux Tourangeaux, Denis de Marc de Savigni
y Google
— 210 —
et Michel Bigot furent envoyés aux galères
pour cause de religion (i); et Ton enferma
dans les cachots de Loches des protestants qui
avaient refusé d'aller à la messe.
Il y avait des femmes parmi ces malheureux.
L'une d'elles, M«>« Paul, fit preuve d'une
constance remarquable. Seignelay, qui tenait
à ce qu'elle devint catholique, avait adressé la
lettre suivante au gouverneur du château. < Le
Roy envoyé la femme d'un conseiller du par-
lement de Thoulouse, laquelle est très opinias-
tre dans la Religion prétendue réformée. Vous
pouvez la faire voir par des ecclésiastiques
pour tascher de la convertir, et au surplus la
garder soigneusement et empescher qu'elle
n'escrive ni reçoive aucune lettre, qu'elle ne
passe par vos mains. Sa nourriture sera payée
20 sols par jour, en cas que son mari n'y pour-
voye pas (2). »
Pendant trois ans, M»« Paul résista à toutes
les obsessions, et l'on ne réussit à lui faire
renier ses principes que lorsque la souffrance
et l'isolement eurent brisé sa volonté.
Un prisonnier, nommé Sanson de Cahatiel,
y Google
— 211 —
à la prison et à cent livres d'amende pour avoir
refusé d'abjurer. On l'envoya à Loches, mais
il fut impossible de vaincre son opiniastreté.
Désespérant de le convertir, on l'exila (i).
Nous avons dit plus haut que les enfants
appartenant à des familles protestantes, de-
vaient être baptisés par les curés et élevés dans
la religion du roi. Une nouvelle ordonnance
prescrivit d'enlever aux parents, soupçonnés
d'être mal convertis, leurs fils et leurs filles de
5 à i6 ans, pour les remettre à de bons catho-
liques ou les enfermer dans un couvent. Les
religieuses de Notre-Dame-des-Vertus, de
Sainte-Maure, et les sœurs de l'Union chré-
tienne de Tours recevaient les enfants de cette
catégorie qui n'étaient pas confiés à l'adminis-
tration des hospices.
Ainsi s'exécutaient en Tour aine toutes les
prescriptions de l'édit de i685. Voyons main-
tenant quelles furent les conséquences de la
Révocation au point de vue religieux et au
point de vue industriel et commercial.
D'abord, au point de vue religieux, l'abro-
de l'édit de tolérance fut loin de pro-
y Google
— 212 —
XIV et son pieux entourage. Les huguenots
qui étaient restés en France, devenaient catho-
liques, il est vrai; mais, comme le dit Saint-
Simon, en parlant des conversions de cette
époque, ce n'était qu'abjurations simulées. La
terreur qu'inspiraient les dragons, la crainte
d'être séparés de leur famille et la peur des
galères, amenaient seules les réformés à la
messe. Tandis que le roi < recevoit les listes
d'abjurations et de communion, les montroit
à ses courtisants avec épanouissement et na-
geoit dans ces sacrilèges (i), » les malheureu-
ses victimes de son intolérance mentaient à
leur conscience, reniaient leurs principes du
bout des lèvres et gardaient au fond du cœur
leurs vieilles convictions.
On s'en aperçut bientôt. Six mois ne s'étalent
pas écoulés depuis la Révocation, qu'il fallut
rappeler à leurs devoirs les nouveaux conver-
tis. Le 6 mars 1686, Louis Béchameil, marquis
de Nointel, commissaire de Sa Majesté pour
l'exécution de ses ordres dans la généralité de
Tours, publia l*ordonnance suivante :
< Pour ce qui nous a été représenté qu'il y
a plusieurs nouveaux convertis qui n'assis-
tent point à la messe les fêtes et dimanches, et
y Google
— 2l3 —
ne font aucune profession de la Religion qu'ils
ont embrasse'e, ce qui est d'un mauvais exem-
ple aux autres nouveaux ^convertis, qui s'ac-
quittent dignement de leur devoir, et contraire
aux intentions de Sa Majesté ; — à quoy étant
nécessaire de pourvoir, nous ordonnons et
enjoignons à tous les nouveaux convertis de
l'étendue de notre département, d'assister à la
messe et au Service Divin, au moins les jours
de fêtes et dimanches, et d'en rapporter un
certificat de leur curé à notre Greffe, ou entre
les mains des Fabriciens de leur demeure et
ce dans un mois : et de continuer de trois
mois en trois mois à peine de cinquante livres
d'aumône contre chacun des contrevenans et
de plus grande peine en cas de récidive.., (i) »
Cette ordonnance nous montre ce que
valaient les conversions , dont on avait fait
tant de bruit. Les réformés étaient devenus de
très mauvais catholiques, et si les curés de
Touraîne purent se vanter après la Révocation
d'avoir cinq ou six cents paroissiens de plus,
— ce qui vraiment était peu de chose, — il
leur fut impossible de se faire longtemps illu-
y Google
— 214 —
et redevenaient protestants aussitôt quHls
pouvaient passer la frontière (i).
Au point de vue religieux, si l'on entend
par là le triomphe de l'unité, le clergé rem-
porta une grande victoire en i685 ; mais
si l'on prend le mot de religieux dans son
acceptation la plus élevée, il faut bien recon-
naître que la Révocation fit plus de mal au
catholicisme qu'elle ne lui fit de bien. Les
nouveaux convertis, loin d'être une force pour
lui, furent une faiblesse. Ils le méprisaient tout
en lui obéissant, et quand vint le xviii® siècle,
ils fournirent à l'armée qui combattait l'église,
quelques-uns de ses meilleurs soldats. Après
la crise de i685, la France fut moins reli-
gieuse qu'auparavant : la foi diminua, le res-
pect pour les doctrines chrétiennes s'affaiblit
peu à peu ; en somme les prêtres de France
ne gagnèrent pas grand chose à la révocation
de l'édit de Nantes.
D'un autre côté, le commerce et l'industrie
furent frappés au cœur par cette mesure néfaste,
qui déshonora le règne de Louis XIV. Et
cependant l'abbé de Caveyrac écrivait au siècle
dernier que la Révocation était le « gage de la
y Google
— 2l5 —
prospérité franqoise(i).% De nos jours il serait
difficile de trouver Un homme sérieux qui
voulût défendre cette thèse extraordinaire. Le
clergé contemporain se contente de répéter que
l'abrogation de l'édit de tolérance a fait moins
de mal qu'on ne l'a prétendu. L'abbé Chevalier,
dans un article intitulé : <^ Décadence de la
manufacture des soieries à Tours, > a cru pou-
voir affirmer par exemple que « la mesure
politico-religieuse de i685, n'est entrée que
pour une faible part » dans la ruine de cette
industrie (2). Des pièces officielles * conservées
aux Archives du Ministère des Affaires Etran-
gères, ont servi de base à son argumentation.
Nous avons étudié ces documents, au nombre
desquels se trouvent deux rapports d'inten-
dants, l'un de 1688, l'autre de 1698 (3), et ils
n'ont modifié en rien notre opinion sur l'in-
fluence néfaste de la révocation de l'édit de
Nantes.
Louis de Béchameil, marquis de Noîntel,
(i) Apologie de Louis XIV et de son conseil sur la
révocation de Védit de Nantes^ p. 565.
y Google
— 2l6 —
intendant de Touraine de 1680 à 1689, cons-
tate dans le premier de ces rapports la déca-
dence de toutes les industries, et en particulier
de l'industrie des soieries de Tours, qui em-
ployait, dit-il, 7,000 métiers montés en 1668
et 1,600 seulement en 1686(1). Nous savons
d'ailleurs qu'il n'en restait que 120 en 1698.
Dans le second de ces rapports, écrit dix
ans plus tard, c'est-à-dire en 1698, l'intendant
Hue de Miroménil attribue cette décadence à
la cessation du commerce avec l'étranger, —
au départ «\/e plusieurs ouvriers^ particulier
rement des religionnaires^ établis en Angle-
terre et en Hollande, » — à la guerre de tarifs
faite au marchands de Tours par les négociants
de Lyon ; — enfin à la vogue des toiles peintes
des Indes alors dans toute leur nouveauté (2).
Nous reconnaissons volontiers que la guerre
de tarifs faite par les manufacturiers de Lyon
à ceux de Tours, et que la vogue des toiles
(i) Estât de la Généralité de Touraine^ 1688, f® 12.
(Archives du Ministère des Afifeires Étrangères, France,
no 1750). — La décadence de l'industrie des soies ne fit
que s'accentuer au cours du xviii» siècle. Voir Histoire
des corporations d'Arts et Métiers de Touraine^ par A.-
y Google
- 217 —
peintes des Indes ont dû nuire à l'industrie de
notre ville ; mais ce qui Ta tuée, c'est le départ
des négociants huguenots et de leurs ouvriers,
— départ qni a fait naître la concurrence
étrangère.
Il y avait à Tours en i685, bien que l'émi-
gration eût commencé depuis longtemps, i ,5oo
réformés environ, parmi lesquels on comptait
trois à quatre cents marchands et fabricants.
Or en 1698 il n'en restait que 400, «y compris
les enfants (i), » en tout une centaine de chefs
de famille, et il faut remarquer que c'était les
plus énergiques, les plus industrieux et les
plus riches, qui s'en étaient allés. Ce chiffre
et la situation des émigrés expliquent suffisam-
ment la ruine de l'industrie tourangelle, et en
particulier la décadence des fabriques de
soieries (2). Que deviendrait aujourd'hui le
commerce de Tours, si deux ou trois cents
(i) Mémoire de V Intendant de 1698, déjà cité, f^ 210.
(2) Rien ne peut donner une idée plus exacte de la
décadence progressive de l'industrie des soieries que les
chiffres suivants. Nous les avons tirés du l^ivre matricule^
dans lequel on inscrivait les noms des apprentis et des
conapagnons admis dans la corporation des ouvriers qui
ft'jiHnnnaî^nt à centre, industrie F.n i fi-rr» il v ^rtf olRi ad-
Digitized by LjOOQIC
— 2l8 —
industriels et marchands fermaient leurs ate-
liers et leurs magasins ? Il suffirait du départ
des quatre fabricants de soieries de notre ville
pour anéantir cette industrie et obliger leurs
ouvriers à chercher à Lyon par exemple le
travail qu'ils ne trouveraient plus ici. C'est
ainsi qu'à la fin du xvii« siècle, la capitale de
la Tôuraine vit se fermer l'un après l'autre la
plupart de ses ateliers et disparaître peu à peu
sa population ouvrière.
D'ailleurs, les marchands et les fabricants
réformés établis à l'étranger, s'étaient, remis
au travail. En Angleterre, dans les années qui
suivirent la Révocation, les manufactures de
soieries devinrent vingt fois plus nombreuses
qu'auparavant (i) : les fabriques de drap se
multiplièrent en Hollande dans des propor-
rîvée d'ouvriers étrangers), pour tomber aussitôt plus b-as
que jamais.
En 1689 on n'admit que 36 apprentis.
En 1690 -* 2Z —
En 1691 — 27 —
En 1693 «^ 47 —
En 1694 -^ i5 —
Il y a loin des tS admissions de 1694 aux 282 admis-
sions de 1670. —^ Voir Livre matricule pour les droits
d'apprentissage et droits des comvasmons. (Archives du
Digitized by LjOOQIC
— 219 —
tions analogues, et les peuples d'Europe, qui
étaient en guerre avec Louis XIV, s'approvi-
sionnèrent sur ces marchés nouveaux. La
France était appauvrie non seulement de tout
ce qu'elle avait perdu, mais encore de tout ce
qu'avait gagné l'étranger. La Révocation a donc
ruiné notre commerce, ^abrogation de Védit
de tolérance^ % qui fut au point de vue moral
une infamie^ au point de vue 'politique une faute ^
fut un désastre au point de vue matériel (i). »
On nous dit que les intendants n'ont pas vu
dans « la mesure politico-religieuse de i685,>
la cause du mal qu'ils ont signalé. Nous
répondrons simplement qu'ils étaient trop
habiles pour blâmer la conduite de Louis XIV.
Ce n'est pas au moment où Ton entonnait de
tous côtés les louanges du grand roi, « défen-
seur de la foi, vainqueur de l'hérésie, » que
ces préfets pouvaient écrire : « L'industrie se
meurt; Sa Majesté l'a tuée, en obligeant les
religionnaires à passer à l'étranger. » Quand
Foucault voulut se plaindre de la dépopulation
des provinces, il soumit à son père le mémoire
qu'il avait préparé sur cette matière ; mais
celui-ci lui dit immédiaten\ent :
« Je l'ai lu et relu plusieurs fois. Il est fort
Digitized by LjOOQIC
— 220 —
être communiqué au Ministre et à tout ce qui
en approche {i). 1^ Voilà pourquoi les inten-
dants ont attribué à des causes, secondaires le
désastre commercial qu'enfanta la Révocation.
Ils étaient trop prudents pour dire la vérité.
Un décret royal, enregistré le 27 janvier
i683, avait ordonné de « réunir aux hôpitaux
les biens légués aux pauvres de la Religion pré-
tendue réformée, dont les consistoires étaient
en possession (2). » Les immeubles furent saisis,
mais il ne fut pas aussi facile de s'emparer des
rentes que les protestants avaient eu soin de
placer en mains sûres et secrètes (3). Pour
découvrir ces rentes, on eut recours à des con-
vertis qui avaient été membres des consis-
toires. (4) .
Conformément aux ordonnances royales, les
hôpitaux de Tours furent mis en possession
des biens de la communauté, c'est-à-dire du
(i) Lettre du 5 janvier 1688, dans la Revue chrétienne^
1863, p. 333.
(2) Déclaration du Roy^ archives nationales, T T 268.
(3) En 1729, François Métivier, curé de Preuilly, n'avait
pas encore réussi à s'emparer d'une rente créée par un
Orotestant Hp r^tt^ villp nr\rr\mA C.\y(^\Ta\\\t^r a r»rmr la
y Google
— 221 — ,
temple de la Butte et de ses dépendances. D'un
autre côté, le Receveur de la Charité encaissa
en i685, 4,732 livres ayant appartenu au
consistoire (i); et celui de FHôtel-Dieu, 3o
sols (2). Mais cette somme ne repr,ésentait
qu'une partie des capitaux convoités, lesquels
s'élevaient à 12,000 livres (3).
Un décret enregistré en parlement le 6 fé-
vrier 1688 enleva aux hospices la paisible
possession des biens des consistoires. « Nous
voulons et nous plaît, dit le roi dans cette
ordonnance, que les biens immeubles, qui ont
appartenu aux consistoires, aux ministres de
la Religion prétendue réformée, à ceux de nos
sujets de ladite religion, qui sont sortis et
sortiront de notre royaume au préjudice de
nos édits et déclarations, soient et demeurent
réunis à notre domaine, » pour être régis par
les fermiers de la généralité, qui les prendront
à bail (4). Nous pouvons affirmer , cependant
que ce décret ne fut pas exécuté partout (5), et
(i) Compte de la Chanté, années 1684 et i685. (Arch.
de l'Hôpital général de Tours). ^
(2) Hôtel-Dieu, Comptes du Receveur^ année i685.
y Google
— 222 —
que les hospices gardèrent au moins une par-
tie des biens qu'on voulait leur enlever. Le
Receveur de l'Hôtel-Dieu de Tours encaissait
encore en 1706 une rente provenant des
« sieurs de la Religion prétendue réfor-
mée (i). »
A Preuilly, tous les biens meubles et immeu-
bles appartenant au consistoire de cette ville
furent donnés au moment de la Révocation à la
fabrique de l'église Notre-Dame. Parmi les
immeubles se trouvait une maison près de
laquelle s'élevait autrefois le temple (2). Cette
maison, et les deux jardins qui en dépen-
daient, furent mis aux enchères le 25 septem-
bre 1688 et adjugés à messire Villeret, curé de
Saint-Mélaine. Une fois maître de ce qui res-
tait des biens du consistoire, Villeret y établit
une école < pour instruire les jeunes filles,
par exemple), furent mis en possession de biens ayant
appartenu à des consistoires. Voir Mémoire des expédia
tions. Archives nationales T T 43 1 »>.
(i) 11 reste si peu de volumes des comptes des hospices
de Tours, qu*il nous a été impossible de suivre cette
affaire.
(2) C'était « un logis avec deux jardins, Tun hault avec
y Google
— 223 —
nommément celles dont les pères et mères
avalent fait profession de la Religion prétendue
réformée (i). »
Depuis un certain nombre d'années, les biens
des religiônnaires fugitifs avaient été saisis et
mis en régie; mais en 1689, 1® roi décida que
€ les plus proches parents et légitimes héri-
tiers » de ceux qui étaient sortis ou pourraient
sortir du royaume entreraient en possession
des biens que ceux-ci avaient laissés ou laisse-
raient, et qu'ils en jouiraient comme s'ils leur
fussent échus par héritage, avec défense cepen-
dant de ne les vendre, ni de les hypothéquer
qu'après cinq ans de jouissance, à partir du
ler janvier 1690 (2). Les nouveaux convertis
s'emparèrent immédiatement des propriétés des
absents. En Touraine, les plus proches parents
les recueillirent < en vertu des ordonnances
des juges ordinaires des lieux, et tout fut
consommé suivant les intentions de Sa Ma-
jesté (3). »
Cependant, un certain nombre de propriétés
restèrent entre les mains de la régie et furent
(i) Hist, dePreuilly, déjà citée, p. 129 et i3o.
(2) Mémoire et Instruction de ce qu'il faut faire pour
y Google
— 224 —
administrées à partir de ^700 par un fermier
général. Dans chaque généralité, ce fermier
eut un employé chargé de faire rentrer les
sommes à percevoir et de payer les fonds
alloués soit à des écoles, soit à des hospices,
soit à de nouveaux convertis. On trouve aux
Archives nationales les comptes du sous-régis-
seur de Touraine de 1702 à 1733 (i). Nous
nous y arrêterons un instant.
D'après les pièces que nous avons eues sous
les yeux, on saisit à Tours, à Chinon, à Vou-
vray, à Saint-Martin-le-Beau, des terres, des
maisons et des rentes (2), appartenant toutes à
des religionnaires fugitifs, parmi lesquels nous
citerons le pasteur Daillé et sa femme Anne
Falaiseau (3).
Voici d'ailleurs quelques-unes des dépenses
de la régie pour l'année 1702.
Sur les sommes perçues^ elle avait payé aux
dames religieuses de Notre-Dame-des-Vertus,
(i) Il y a quelques lacunes dans ces comptes.
(2) Voir Appendice n» XU.
(3) Comptes du régisseur TT 81 et Pièces justificatives
des comjotes TT 82. — En 17 18, la régie de la généralité
de Touraine encaissait 1212 1. i3 s., réduits à 955 1. 3 s.,
grâce aux mainlevées et aux charees aui Desaient sur les
Digitized by LjOOQIC
— 225 —
de Sainte-Maure, la somme de loo livres pour
la pension de Jeanne Joubert, nouvelle conver-
tie; aux dames de l'Union chrétienne de Tours,
la somme de 52 livres pour quatre mois de la
pension de la demoiselle Modez; 26 livres à
une nouvelle convertie pour frais de voyage à
Paris, et ipo livres à la veuve du Proche, nou-
velle catholique, pour une année de pension
qui lui avait été accordée (i). Plus tard, elle
versa une somme de gS livres i5 sols, entre les
mains de la supérieure de l'Union chrétienne,
pour la pension de la jeune Dulacq, dont les
parents avaient passé la frontière (2).
La régie fonctionna pendant tout le cours
du xviii® siècle; mais à la Révolution, l'Assem-
blée constituante, par décret du i5 décem-
bre 1790, ordonna de rendre aux descendants
des religionnaires fugitifs les biens que le roi
de France leur avait dérobés.
Depuis la Révocation, le protestantisme avait
à peu près disparu de Touraine ; cependant
les nouveaux convertis n'avaient pas tous
abandonné Jeurs vieilles convictions : témoin
Renée dPAubiernv. oui mmirut à Tours en 1 7o3,
y Google
— 220 —
tant mourir au mois de juin 1708, il refusa
< de recevoir les sacrements, bien qu'il eust
fait abjuration de son hérésie (i). » — D'après
la loi, les deux cadavres auraient dû être
traînés sur la claie, mais il semble que les
mœurs de notre province aient rendu impos-
sibles des pratiques aussi monstrueuses.
Au commencement du xviii® siècle, il restait
d'ailleurs à Tours une famille au moins, qui
n'avait jamais consenti à abjurer le protestan-
tisme. Pendant de longues années les Dutems
vécurent en paix, ignorés par les uns et res-
pectés par les autres. L'un des fils s'établit à
Tours, où il est mort en 1804. Son frère,
nommé Louis, n'eût pas mieu»x demandé que
de rester avec sa famille; mais l'archevêque
ayant fait enlever sa sœur, âgée de 12 ans,
pour la mettre dans un couvent (2), il eut peur
et il passa en Angleterre, où l'un de ses oncles
était richement établi. Pitt, à qui il avait été
recommandé, s'occupa de lui. Ce- fut une
(i) Comptes de 1708, Arch. nat. TT 81.
y Google
bonne fortune pour le jeune émîgré. D'abord
secrétaire du ministre d'Angleterre à Turin,. il
resta dans cette ville jusqu'en 1760, en qualité
de chargé d'affaires ; puis il revint à Londres,
où il est mort en 18 12, à l'âge de 82 ans.
Avec la famille Dutems le protestantisme
s'éteignit en Touraine. ^
-J^<f=*=l55l^5*«f«?^^
y Google
— 228 —
CHAPITRE XI
LE PROTESTANTISME EN TOURAINE
AU XIX« SIECLE
Après les guerres de l'Empire, des Anglais
vinrent s'établir en Touraîne. En 1816, ils
étaient assez nombreux pour organiser une
église, et quelques années plus tard on n'en
comptait pas moins de i,5oo dans le départe-
ment. Ils ouvrirent un culte à Tours, dans la rue
de la Longue-Echelle; vers i83o, un chapelain
donna une série de prédications dans une salle
située au bas de la Tranchée, et en 1887, le
Révérend Hartley célébrait le service divin
depuis quelques années déjà, dans l'ancienne
chapelle de l'Union chrétienne, rue de la
Préfecture (i). C'est à cette époque que naquit
l'église française de Tours.
La population de la ville s'était accrue depuis
y Google
— 229 —
le commencement du siècle. Des protestants
venus du midi de la France, de Paris, de
Suisse et d'ailleurs, avaient élu domicile en
Touraine. Ils étaient près de 200. Le Révérend
Hartley ouvrit un culte pour eux; mais la
Société évangélique leur envoya bientôt un
pasteur, M. Daugars, qui après un ministère
de six mois environ, tut remplacé par M. Mo-
rache, en janvier i838.
Ce dernier, ancien élève du séminaire catho-
lique d'Albi, était un homme très doux, très
bon et cependant fort énergique. Les réformés
de Tours se groupèrent autour de lui et le 3o
janvier i838, ils sollicitèrent du Gouverne-
ment la reconnaissance officielle de leur
église.
Le Ministre des cultes renvoya cette demande
au conseil municipal qui Téxamina le i" août.
La commission, chargée d'étudier cette ques-
tion, ouvrit le débat, en déclarant par l'or-
gane de M. Faucheux, que « les protestants
avaient le droit de compter sur quelque sympa-
thie dans une ville à la prospérité de laquelle
ils avaient contribué pendant plusieurs siècles^
et dont la décadence datait du jour de leur
proscription. » Puis elle proposa l'ordre du
jour suivant :
< Le Conseil municipal est d'avis qu'il y a
lieu de faire droit à la demande des pétition-
y Google
— 23o —
naîres, tendant à la reconnaissance légale de
leur cuhe.
« Il de'clare en outre qu'il est en mesure de
leur fournir un local pour la célébration de
leur culte, et au pasteur un logement ou une
indemnité pour en tenir lieu. >
L'un des membres du Conseil, M. Juge,
combattit ces conclusions avec vivacité. Il
demanda à ses collègues si les représentants
des intérêts généraux de la cité pouvaient se
croire investis de pouvoirs assez étendus
€ pour la blesser dans sa foi, dans son culte^
dans ses habitudes^ dans toutes ses sympathies. »
Refusant d'admettre que la ville eût un intérêt
quelconque à l'ouverture d'un temple pour les
« religionnaires, » il affirma que la reconnais-
sance légale d'une église protestante entraîne-
rait t la suppression du culte extérieur, des
processions, des cérémonies funèbres ; » et il
termina sa harangue par ces mots : « Comme
homme de la légalité^ je trouve la demande
contraire au texte et à P esprit de la loi. Catho-
liqueyje ne veux pas que sans une indispensable
?iécessitéy on restreigne le culte de mes pères.
Délégué de la ville^ en échange de ses sympa-
thiesy je ne la doterai pas de ferments de haine
et de discorde. »
M. Juge se croyait encore au xvi« siècle.
Après une longue discussion, au cours de
y Google
— 23l —
laquelle M. Julien et M. Carré appuyèrent
énergîquement la proposition de la Commis-
sion, les conclusions du rapport de M. Fau-
cheux furent adoptées (i).
Lé 24 novembre suivant, le Gouvernement
décrétait qu'il y aurait « un oratoire protestant
à Tours pour les protestants résidant dans
cette ville et les autres communes du départe-
ment ; » qu'un pasteur « serait nommé pour
cet oratoire, annexé à l'église consistoriale
d'Orléans » et que ce pasteur recevrait un trai-
tement de i,5oo francs (2). L'église de Tours,
grâce au libéralisme de la majorité du Conseil
municipal, grâce aux actives démarches de
quelques-uns des membres influents qu'elle
comptait dans son sein, avait enfin reconquis
lé droit de vivre. Elle avait sa place au soleil.
M, Morache fut nommé pasteur de Tours
par décret du 4 mars 1889 (3). Le premier
consistoire local se composa de M. César Ba-
cot, membre de la chambre des députés, de
M. Jean André, receveur général des finances,
du baron Bartholdi-Walther, du baron de
(i) Journal d'Indre-et-Loire, 5 août i838.
(2) Registre des délibérations du consistoire d* Orléans
/ia^8-T88iV n- T.
y Google
' — 232 —
Rodde, de MM. Bourguet, Minî, Bertrand et
Mengotti, immédiatement remplacé sur sa
demande par M. Campbell. La jeune paroisse
était en bonnes mains.
Le clergé lui déclara la guerre immédiate-
ment : il était d'ailleurs dans son droit, car il
est toujours permis de combattre ses adversai-
res pourvu que Ton n'emploie que des armes
courtoises. La lutte fut vive et personne ne
s'y épargna. Des missionnaires tonnèrent en
chaire contre l'hérésie renaissante ; l'archevê-
que la condamna dans son mandement et l'on
publia un Almanach du bon Catholique^ qui
n'était pas fait pour plaire aux protestants.
Ceux-ci répondirent à ces attaques avec quel-
que amertume. Piqués au vif, ils publièrent
des brochures, qui ressemblaient trop à celles
de leurs adversaires. La controverse, quand
elle devient acerbe, ne persuade personne :
elle irrite et ne fait que du mal. Les deux par-
tis eurent assez d'esprit pour le comprendre et
assez de sagesse pour se calmer. Nous en
avons trouvé la preuve dans quelques lettres
de M. Morache, et aussi dans un billet que le
vicaire-général de l'archevêque écrivit au pas-
y Google
- 233 —
correspondance, qui pourrait amener encore
des récriminations. Si l'unité de foi ne peut
régner entre nous, au moins faisons y régner
l'unité de la charité, et ne donnons pas le
spectacle de discussions violente?, dont l'im-
piété seule peut profiter. Agréez, etc., Signé :
D. Dufêtre, V. G. >
On sait que les réformés ont toujours attaché
une grande importance à l'instruction de la
jtBunesse ; aussi, dès que l'église de Tours eut
été reconnue par Tétat, elle voulut avoir des
écoles. Pour réaliser ce désir, elle sollicita
l'appui de la Société évangélique, qui lui
promit son concours pécuniaire au mois de
septembre 1839(1). Une école de garçons et
une école de filles furent ouvertes ; mais, obéis-
sant à des influences occultes, le Recteur refu-
sa « Vinstitution réglementaire » à l'institutrice
que le consistoire avait appelée, parce qu'elle
recevait, disait-on, des élèves catholiques (2).
L'affaire fut portée devant le Ministre de l'Ins-
truction publique : on fit une enquête qui
(i) Registre des délibérations du conseil presbytéraî de
Tours t p. 14.
(2) L'école de filles fut ouverte la première par
M"« Laûgt, qui était à Tours depuis le lor mai 1839.
Digitized by LjOOQIC
- 234 -
démontra la fausseté de l'accusation lancée
contre M"« Laûgt, et celle-ci fut « instituée » ;
toutefois l'administration obligea les parents à
déclarer par écrit dans un registre ad hoc^
qu'ils désiraient faire suivre à leurs enfants
le cours d'instruction religieuse de l'école
protestante (i).
Le mauvais vouloir du parti clérical à l'égard
des réformés allait d'ailleurs se manifester
d'une façon éclatante.
Le 20 mars 1842, M. Morache reçut la visite
de quelques habitants de Chenusson, village
situé dans la commune de Saint- Laurent-
en-Gâtine, canton de Château-du-Loir. Ils
venaient au nom d'un certain nombre de per-
sonnes, lui déclarer qu'ils désiraient se ratta-
cher au protestantisme et lui demander une
prédication. Le pasteur se rendit sur les lieux
le 27 mars, après avoir informé k maire de
Saint-Laurent du jour, de l'heure et du lieu
où il devait célébrer le culte. Plus de 3oo per-
sonnes l'attendaient. Il prêcha dans une grange
devant un auditoire fort nombreux, composé
de gens de Nouzîlly, de Saint-Laurent et de
Beaumont. < Chenusson y était tout entier,
écrivait-il, le 29 à M. André, l'un des mem-
y Google
— 235 —
bres du consistoire. Après le service, qui
n'a été un peu troublé vers la fin que par
deux ou trois polissons envoyés par le curé de
Nouziliy, plusieurs personnes ont demandé
à être inscrites sur le champ, pour embrasser
notre religion. On m'assure qu'à la prochaine
prédication, qui aura lieu de dimanche en
huit, j'aurai 600 personnes. Je ne sais pas ce
que cela deviendra, mais j'espère beaucoup
qu'avec l'activité de P. (i)et la bénédiction de
.Dieu, une congrégation s'établira dans ce lieu,
'et que nous pourrons atteindre les localités
environnantes. Il me manque un aide que j'ai
';iepuis bien longtemps demandé à la Société
Wangélique. Je ne puis guère étendre cette
euvre tout seul. — Maintenant, il faut s'atten-
dre à de grandes difficultés de la part du clergé,
Jeut-etre même de la part du Préfet ; peut-être
même faut-il s'attendre à un procès. J'ai pesé
tout cela avant de commencer ; mais j'ai senti
que je ne pouvais pas reculer sans devenir
infidèle, et j'ai abandonné toute considération
pour suivre le chemin tracé devant moi. Je ne
pouvais faire autrement (2). »
Pendant que M. Morache prenait la résolu-
y Google
— 236 —
tîon d'aller en avant coûte que coûte, le clergé
demandait au préfet d'user de son autorité
pour l'empêcher de retourner à Chenusson.
Ce magistrat adressa le 2 avril une lettre au
pasteur de Tours, dans laquelle, se fondant
sur l'article 44 des articles organiques du culte
catholique, il lui contestait le droit de célébrer
des cérémonies religieuses dans la commune
de Saint-Laurent, « attendu qu'on ne peut se
livrer aux exercices du culte, disait-il, que
dans une chapelle ou oratoire établi par le
gouvernement et qu'il n'existe pas dans cette
commune d'oratoire ainsi constitué; — attendu
aussi que l'ordonnance du 24 novembre i838
établissant un oratoire à Tours, doit être en-t
tendue dans ce sens que tous les adeptes de
l'Eglise réformée habitant le département doi-
vent se réunir à Tours pour toutes les céré-
monies religieuses. »
C'était interdire à M. Morache de retourner
à Chenusson.
Il répondit au préfet qu'il n'était pas sorti
de la légalité en allant dans ce village ; qu'il
n'avait fait que son devoir en répondant à
l'appel qui lui avait été adressé; qu'il était
y Google
i
— 23/ —
Tturs, à moins qu'on ne voulût obliger les
fanilles à transporter dans cette Ville les morts,
lesenfants nouveau-nés et les malades, pour
y 4re inhumés, baptisés et consolés, ce qui
étai absolument impossible. Tout cela consi-
déra, M. Morache déclarait au préfet qu'il irait
partout où on l'appellerait, que c'était son
droitet son devoir et qu'il saurait bien reven-
dique l'un et accomplir l'autre.
11 écrivit au Ministre des Cultes pour l'in-
former de ce qui se passait, et le lo avril il
retourm à Chenusson. Il venait d'arriver,
quand £ vit paraître le maire, ceint de son
écharpey le brigadier de gendarmerie, trois
gendarmes et quelques gardes nationaux, char-
gés par U préfet de faire évacuer le local dans
leqael il devait prêcher. Devant ce déploiement
de force, il n'y avait qu'à protester et à se
retrer. C'est ce que fit M. Morache; mais
M.André, receveur des finances, et M. Rossel-
loty président du consistoire d'Orléans, allè-
rentdénoncer au Ministre l'abus de pouvoir
qui ^enait d'être commis par le maire et par le
préfe. Cette démarche ne fut pas inutile. Ordre
fut dcnné au préfet de faire respecter la liberté
des ciltes et de laisser le pasteur libre de rem-
plir set fonctions comme il l'entendrait.
Les sVmpathies que rencontrait de tous côtés
M. Morlche n'étaient pas assez protondes ce-
\
y Google
- 238 —
pendant pour résister aux vexations de toute
sorte que l'autorité faisait subir aux prosélyres.
Ne pouvant les persécuter, on s'ingéniait à
leur rendre la vie pénible, à les blesser dans
leurs sentiments les plus respectables. Les
morts eux-mêmes étaient quelquefois insultés
par les agents subalternes d'une administration
intolérante. -Voici un fait qui le prouve.
Le 2 1 août 1 843 , on vint demander à M. Mora-
che de se rendre à Nouzilly, pour l'enterrement
d'une femme, qui s'était convertie au protes-
tantisme en même temps que son mari. La
cérémonie devait avoir lieu le lendemain à
midi; mais à 9 heures du matin, trois gendar-
mes se présentèrent au domicile de la défunte
et se dirent envoyés < pour protéger le convoi. »
Le pasteur n'était pas encore arrivé ; ils
refusèrent de l'attendre, et à 10 heures, ils
ordonnèrent aux porteurs de se mettre en route.
Malgré les protestations de la famille, la morte
fut enlevée, et le corps enterré par le curé du
village, en grande pompe, toutes cloches son-
nantes.
On se plaignit. Le consistoire dénonça
au Ministre cette violation des droits les
plus sacrés de la conscience; mais les cou-
pables ne furent pas châtiés comme ils auraient
dû l'être : se sentant soutenus par l'autorité,
ils ne ménagèrent pas aux protestants des envi-
yGpogle
— 239 —
3nsles menaces que leur inspirait une haine
tup'de. Bref, on réussit-à intimider ces pau-
res gens et le mouvement avorta. Quelques
imiles seulement eurent le courage de ne pas
ban^onner l'Église réformée (i).
Au moment où M. Morache essayait de
onderune église à Chenusson, les protestants
ie Touts songeaient à acheter la chapelle dans
aquelleils célébraient le culte depuis quelques
innées.
Cet éctfice avait fait partie autrefois du
:ouvent de l'Union chrétienne. C'est là que
es jeunes filles enlevées à leurs parents après
a révocation de l'Édit de Nantes, avaient été
'Ontraintes d'abjurer le protestantisme.
M. de Vildé avait affermé cet immeuble aux
anglais, et les Français payaient la moitié du
oyei; mais ces derniers, frappés de ce qu'il y
ivaii de précaire dans cette situation, et ne
voulant pas s'exposer à être dépossédés d'un
leu de culte qui leur convenait à tous égards,
titrèrent en pourparlers avec le propriétaire.
Sprès discussion, le prix de vente fut fixé à
4)Ooc fr. Il fallait trouver cette somme. Le
bnsistoire local sollicita du conseil municipal
y Google
— 240 —
un don de 10,000 fr., représentant le capital
de la subvention annuelle de 5 00 fr. que celui-
ci accordait à l'église réformée de Tours.
La commission chargée d'examiner cette
demande, déclara le 23 août 1843, par Torgane;
de M. Carré, qu'il n'était pas convenahk de|
laisser une partie de la population à la merci
d'un propriétaire pour la libre dispositioa dei
l'édifice dans lequel était célébré son culte;
que la ville s'étant engagée à fournir aux pro-l
testants un local convenable, ne dépenserait
pas davantage en donnant un capital de io,oooj
francs qu'en payant un loyer annuel; et elle
proposa en conséquence d'accueillir favora-j
blement la requête qui venait d'être adressée 3^
la municipalité. — M. Juge et M. Chambert
combattirent avec beaucoup de vivacité le^
conclusions du rapporteur; mais le conseil
adopta le projet de délibération qui lui était
présenté, en stipulant toutefois que dans le cas,
où l'édifice acquis par le consistoire de l'église
réformée cesserait d'être affecté à l'exercice dq
culte, il deviendrait propriété communale (r).
Le Gouvernement fut plus généreux encore
ûue la ville ! îl donna T^.nnn fr. à l'éfrlise de
y Google
— 24Ï —
èreijt pour compléter la somme dont ils
valent besoin. Ils pouvaient acheter le temple.
M. de Vildé le leur vendit par acte passé le
«^ et le 3 juin 1844, en l'étude de MM. Sensier
t Robin, notaires, et c'est dans cet édifice que
es protestants célèbrent leur culte depuis plus
ie quarante ans (i).
'0 Le temple a. été agratiili en 1857. Des réparations
m portantes y ont été faites à cette époque, et le tout a
pûté i3,i26 fr. 55, dont 5,ooo fr. donnés par l'Etat,
,65o fr. par l'église anglaise, et le reste par l'église
rançaise. Registre des délibérations du conseil presby-
irai, p. 222,
I
y Google
— 242 —
CHAPITRE XII
LE PROTESTANTISME EN TOtJRAINE
AU XIX® SIÈCLE
(Suite)
La Touraîne est un pays éminemment libé-
ral. Le protestantisme était fait pour plaire aux
populations indépendantes qui Thabitent.
Un mouvement analogue à celui de Chenus-
son se produisit à Huismes en 1 845*. Sur l'invi-
tation de M. Morache, qui était malade, M. Du-
vivier, pasteur de Saumur, se rendit sur le^
lieux; mais le préfet lui défendit de célébrer le
culte dans cette localité, qui n'était pas dans sa
paroisse (i). Cinquante-six chefs de famille
protestèrent contre cette décision et demandè-
rent par voie de pétition au consistoire d'Or-
léans et au préfet lui-même, l'établissement
dans leur commune d'une église réformée (2).
(i) Lettre du 3o décembre 1845, Archives du conseil
presbytéral de Tours A 4.
(2) Les agissements « d'un méchant prêtre, contre
lequel la commune presque tout entière portait dej
y Google
— 243 —
On porta l'afifaire'devant le Ministre des Cultes,
qui autorisa par dépêche du 3o avril 1846 l'ou-
verture d'un temple à Huismes. M. Boubila
fut chargé de la direction de cette petite église.
Il se mit à l'œuvre, recueillit des fonds pour
aménager un oratoire, et le 16 mai 1847, M.
Morache inaugura le modeste édifice dans
lequel le culte protestant devait être célébré.
Quelques années après l'organisation de
l'église de Huismes, un certain nombre d'ha-
bitants de La Chapelle-aux-Naux, à la suite
d'une querelle de clocher, résolurent d'appeler
un pasteur. Bien décidés à abandonner le
catholicisme, ils s'adressèrent à M. Fuzier, qui
venait de remplacer M. Morache, décédé le 12
avril i852, et ils lui demandèrent de venir
leur prêcher l'évangile. Le pasteur de Tours
les fit attendre quelques mois : il était trop
prudent pour ne pas leur laisser le temps de
réfléchir ; mais voyant qu'ils persévéraient
dans leur résolution, il se rendit à leurs désirs.
Nous avons trouvé dans l'une de ses lettres,
adressée le 5 juin i855 à M* le Ministre des
Cultes, quelques détails intéressants sur les
démarches faites auprès de lui par les gens de
plaintes énergiques », avaient irrité les gens et les avaient
disposés à abandonner le catholicisme. Voir Rapport de
M, Devaratines, maître des requêtes et maire de Huismes.
[Archives du conseil presbytéral de Tours.)
Digitized by
Google
— 244 —
La Chapelle-aux-Naux, sur ses hésitations,
enfin sur les motifs qui le déterminèrent à
céder à leurs instances.
« Vers la fin de i852, dît-il, quelques chefs
de famille de La Chapelle, près Langeais, vin
rent m'annoncer qu'un assez grand nombre
d'habitants de cette commune avaient embrassé
la religion protestante et qu'ils me priaient ei\
leur nom d'aller célébrer le culte dans leur vil
lage. M'étant informé avant tout des motifs qui
les avaient portés à changer de religion, ils me
répondirent qu'une discussion s'était élevée
dans leur commune au sujet du lieu où Ton
devait rebâtir l'église catholique, qui menaçait
ruine ; que les injustices dont ils croyaient avoir
à se plaindre dans cette affaire, les avaient fait ré-
fléchir; qu'ils avaient entendu parler favorable-
ment du protestantisme et qu'ils voulaient êtrq
protestants. — Je leur répondis que ces raisons
ne me paraissaient pas suffisamment sérieuses,
et que je ne pouvais rien promettre jusqu'à
plus ample information. Mon refus parut les
attrister, mais ne les découragea pas. Pendant
trois mois consécutifs, janvier, février et
mars i853, je continuai à recevoir leurs dépu-
tations ou leurs lettres, pour me supplier
d'aller prêcher à La Chapelle...* En voyant
cette persistance et cette résolution, je me de-
mandai si je pouvais, sans manquer à mes
y Google
. - 245 -
obligations, me dispenser de leur faire au
moins une visite, ne fût-ce que pour me rendre
plus exactement com'pté de Fétat des choses.
Je me transportai donc à La Chapelle pour la
première fois vers la fin de mars, et je trouvai
là des gens animés de bonnes dispositions...
Plusieurs d'entre eux me firent entendre que
la discussion relative à Téglise avait été plutôt
Voccasion que la cause de leur séparation, et
que, comme ils me l'avaient écrit, ils ne vou-
laient suivre d'autre religion que la nôtre, (i). »
Ces explications décidèrent M. le pasteur
Fuzier à revenir à La Chapelle. Tous les
dimanches, pendant un an, il célébra le culte
dans ce village et il y envoya un évangéliste
pour instruire les prosélytes et diriger l'église
naissante. La paroisse se composait de 42 fa-
milles.
Il y eut dans le pays une explosion de colère
contre les hommes assez indépendants et assez
hardis pour rompre en visière avec l'Église
romaine. Dans Tespoir de les dégoûter du
protestantisme, on leur adressa des lettres ano-
nymes (nous en avons plusieurs sous les
yeux), dans lesquelles Luther était représenté
y Google
— 246 —
cœur corrompu et le cerveau brûlé avaient vomi
des ordures. » Voulaipnt-ils donc servir un
pareil maître et devenir les disciples de cet
« impudent hérétique ? » On ne pouvait croire
à tant de folie.
Parfois les missives étaient signées. En voici
une qui mérite de passer à la postérité. Elle a
été adressée le i*"^ avril i853 à un membre de
l'église de La Chapelle, nommé Laurenceau,
et déposée par lui dans nos archives.
#( Laurenceau,
« J'apprends que vous faites venir un mi-
nistre protestant ! ! ! On n'a jan^ais vu rien de
pareil ! ! I Comment 1 parce que vous n'avez pu
faire construire l'église paroissiale où vous le
vouliez, vous devenez protestant! Changer de
religion pour un dessous, c'est abominable! ! !
Vous ne savez à quelles calamités vous vous
exposez, vous et votre famille, de la part du
bon Dieu...
€ Laurenceau, vous qui n'êtes pas bête,
vous à qui je veux du bien, croyez-moi, suivez
mon conseil : abandonnez cet odieux complot
contre votre Eglise.
« Gomment ! vous, qui êtes déjà pauvre.
y Google
— 247 —
^ous iriez payer un prêtre! ! ! Vous vous expo-
ez à mille reproches de la part de votre femme,
jui n'a pas la dent molle. Vous ferez un enfer
le votre maison avant l'enfer que Dieu vous
éservera peut-être...
« Je veux vous tirer de ce bourbier; sachez
lonc que le premier protestant, c'est le diable.
i,e diable était le plus beau et le plus aimé des
mges. Un jour, le bon Dieu a fait quelque
:hose qui lui a déplu ; alors il a protesté. De
à est venu le mot protestant. Voyez sous
juelle bannière vous êtes ! ! ! (i) »
Toutes ces petites manœuvres ne devaient
pas empêcher les prosélytes de La Chapelle de
rester fidèles à l'Évangile; mais ils ne jouirent
[)as longtemps en paix du droit que la loi
i'econnaît à tout citoyen d'adorer Dieu comme
il lui plaît. L'Empire naissant avait besoin du
clergé : il se mit à ses ordres. Aussi, en i855,
l'autorité défendit-elle aux protestants de
La Chapelle de se réunir pour célébrer leur
culte.
L'évangéliste chargé de faire le service, et qui
se nommait Cattelain, ne crut pas devoir s*in-
(i) Nous supprimons naturellement la' signature, qui
est celle d'un ancien fonctionnaire. Voir Lettres, archives
du conseil presbytéral de Tours.
y Google
— 248 —
cliner devant cet ordre, qui rappelait un pe
trop les décrets de Louis XIV.
L'administration fut indignée de cette rési<
tance inattendue, et un dimanche, à l'heure di
culte, le juge de paix d'Azay-le- Rideau pénétr
dans la maison du s' Sureau, où les protestant
étaient assemblés, compta les assistants, pri
leurs noms et leur fit subir une sorte d'inter
rogatoire. Quelques jours plus tard, l'évang^i
liste et le propriétaire de l'immeuble dai^
lequel avait eu lieu la cérémonie, furent sora
mes de comparaître devant le tribunal i
Chinon. — Le premier était accusé d'avoi
présidé une réunion de plus de 20 personnes
contrairement à la loi sur les associations
d'avoir célébré un . culte sans autorisatioil
enfin d'avoir rempli une fonction pastoral'
sans être pasteur ; le second, d'avoir prêté ûj
loué une chambre de sa maison pour ladii
réunion. Le procureur impérial fit du zèle
il prononça un réquisitoire d'une grande vil
lence, et Cattelain fut condamné à 200 fran
d'amende. Sureau à 16, et tous les deux sol
dairement aux dépens.
Les ennemis du protestantisme trouverai
y Google
aujourd'hui député, se chargea de défendre
l'évangéliste de La Chapelle. Il mit son talent
au service delà liberté menacée, et s'il n'obtint
pas l'annulation du jugement de Chinon, il
empêcha du moins que la peine fût aggravée.
Le tribunal confirma purement et simplement
la sentence déjà prononcée contre Sureau et
Gattelain (i). y^ *
A la même époque, c'est-à-dire en i855, les
protestants de Huismes eurent aussi leur petite
persécution. Un dimanche, le maire de cette
commune, obéissant à des influences cléri-
cales, posta deux gardes-champêtres devant la
salle de culte, avec ordre d'en interdire l'entrée
au pasteur. — M. Fuzier, ne se doutant pas de
ce qui l'attendait, arrivait sur ces entrefaites
avec quelques protestants de Saumur. Surpris
de voir un rassemblement devant le temple, il
approche, et son étonnement redouble. « De
chaque côté de la porte, dit-il dans un article
qu'il publia plus tard dans VÉglise libre^ se
tenaient les deux gardes-champêtres, en uni-
forme et la rapière dehors. Je prends la clef
pour ouvrir. .— « Au nom de la loi, on n'entre
pas, dit l'un d'eux. — Quelle loi, m'écriai je?
(i) Voir le texte du jugement du tribunal de Tours
Digitized by LjOOQIC
— 25o —
— Ah! c'est pas notre affaire ça. Nous sommes
commandés par M. le maire... » — < Condui-
sez-moi chez le maire », leur dis-Je. Et nos
braves gens, prenant une pose moins farouche
et mettant le sabre au fourreau, m'accompa-
gnent au château, demeure du premier magis-
trat de la commune.
€ Introduit dans un vestibule, j'attendis
quelque temps, et enfin un monsieur de haute
stature, l'air très animé et très résolu, vint
brusquement à moi. — « Qui êtes-vous, dit-il,
et que voulez-vous? » — « Je suis pasteur pro-
testant à Tours et de plus président du consis-
toire auquel se rattachent administrativement
les protestants de cette localité. Je viens vous
prier de me faire ouvrir le temple, où Ton
m'empêche d'entrer, pour que je puisse rem-
plir les fonctions de mon ministère. » — « Je
ne vous connais pas, interrompit-il. Je n'ai
pas à m'informer si vous avez oui ou non des
adeptes dans cette commune, ni quels sont
vos titres pour la diriger; avant tout, c'est une
autorisation du Gouvernement qu'il me faut;
montrez-la moi et nous verrons. > — Je lui
rappelai alors le décret du 26 mars i852, en
vertu duquel tous les protestants disséminés
font partie, s'ils le désirent, de la paroisse voi-
sine; je lui dis que je n'avais pas besoin d'autre
autorisation, et que d'ailleurs, la liberté des
y Google
— 25l —
cultes est inscrite dans nos lois. — € Non,
s'écrîa-t-il avec plus de force, non, vous ne
ferez pas de prêche, (i). »
Le pasteur se retira et il réunit immédiate-
ment les protestants du village dans une mai-
son particulière, où il célébra le culte (2).
Un peu^plus tard, ep 1857, les réformés de
Huismes furent inquiétés de nouveau. Après
la mort du maire, auteur de la scène que nous
venons de raconter, ils s'étaient assemblés dans
leur petit oratoire ; mais l'administration le fit
fermer, sous prétexte « qu'il était trop près de
l'église catholique (3). » Ils se transportèrent
plus loin; et comme leur nouveau lieu de culte
était trop petit, ils résolurent en 1859 de
construire un temple. Un habitant de la com-
mune, le sr Désiré Lemesle, donna le terrain.
Des collectes furent faites à Huismes, à Tours,
à Paris, à Pau, à Edimbourg, et le nouvel édi-
fice fut bientôt achevé (4). Mais l'autorité re-
fusa l'autorisation de l'ouvrir, et ce ne fut
(1) Eglise libre du 14 juin 1868.
(2) Registre des délibérations du consistoire d"* Orléans,
séance du 12 décembre i855.
(3) Registre du conseil presbytéral de Tours, séance
du 10 mai iSSg.
(4) Il coûta 10,000 fr. environ. Sur cette somme, les
protestants de Huismes avaient donné 399 fr. 5o. (Arch*
du conseil presbytéral de Tours, Comptes^)
y Google
— 252 —
qu'en i863 que cette interdiction incompré-
hensible fut définitivement levée (i).
Les protestants de La Chapelle-aux-Naux
avaient déjà reconquis en iSSg le libre exer-
cice de leurs droits; ils avaient construit un
petit temple, et depuis lors, ils n'ont jamais
été inquiétés. Leur pasteur, M. Le GfOrnu, qui
avait succédé à Cattelain, fut chargé en 18/3
de desservir le poste de Huismes en même
temps que celui de La Chapelle : il s'est usé à
la tâche. Son successeur, M. Pic, est à l'œu-
vre aujourd'hui; il compte dans sa double
paroisse i5o personnes environ.
Les écoles protestantes de Tours, qui avaient
été fondées, l'une en iSSq, l'autre en 1840,
furent transformées en i85o, par mesure d'éco-
nomie, en une école mixte recevant les garçons
et les filles. Elle avait peu d'élèves en i852;
d'ailleurs, l'Académie voyait de mauvais œil
cet établissement d'instruction publique, qui
avait un caractère d'indépendance bien mar-
qué. Ne pouvant le fermer, le recteur ordonna
d'en faire sortir toutes les petites filles catho-
liques que leurs parents y avaient envoyées,
soit pour ne pas les confier à des congréga-
nistes, soit tout simplement parce que l'en-
y Google
— 253 —
seignement de nos instituteurs leur conve-
nait (i).
Le bâtiment dans lequel on donnait les
leçons (2) n'appartenait pas à l'église de Tours.
Il avait été loué à M. Faucheux, qui pouvait
le reprendre quand bon lui semblerait. Ne
voulant pas risquer d'être dépossédé de ce
local vaste et commode, le conseil décida de
l'acheter. Le Gouvernement donna 4,000 fr.
pour cet objet, des collectes furent faites dans
la paroisse par les soins de quelques hommes
dévoués, le Révérend Biley écrivit à ses amis
d'Angleterre pour leur demander de l'argent,
et M. Twent de Rosenburg, qui a joué un rôle
important dans l'église de Tours et fait preuve
en toute circonstance d'un dévouement absolu,
avança la somme nécessaire pour qu'on pût
entrer immédiatement en marché avec le pro-
priétaire de l'immeuble. L'acte fut passé le
25 juin 1854; et la maison d'école, payée
14,000 fr.
A cette époque, le conseil presbytéral de-
manda que l'établissement d'instruction pri-
maire de la rue du Gazomètre fût communa-
lisé. La ville refusa, mais elle accorda une
y Google
-254-
subvention annuelle de quatre cents francs,
qu'elle a portée depuis à six cents francs d'a-
bord, puis à douze, à quinze, et enfin à dix-
huit cents francs.
En 1868, l'école mixte fut remplacée par
une école de garçons et une école de filles. Ces
deux écoles, dirigées avec autant d'intelligence
que de dévouement par M. et M"»® Goulinat,
étaient en pleine prospérité en 1879, — on y
comptait une centaine d'élèves, — quand le
conseil municipal consentit à les communa-
liser.
Depuis la dernière loi d'instruction publi-
que, elles ont perdu tout caractère confes-
sionnel (i).
Les préoccupations inséparables d'une réor-
ganisation lente et parfois difficile, les lourdes
charges qu'avait fait peser sur l'église de Tours
l'achat d'un temple et d'un bâtiment d'écoles,
ne l'avaient pas empêchée de s'occuper des
pauvres.
Le consistoire local leur distribuait le
(i) L'école de garçons a été dirigée successivement par
M. Clavel (1841), par M. Cattre, par M. Piégu (1844), par
M. Bourlier. chargé de PécolemiYtft à 1» fin H*» rRAn nar
y Google
— 255 —
produit des collectes faites à Fissue des ser-
vices religieux, et en 1840, M™^ André, dont
le souvenir est resté vivant parmi nous,
avait fondé un comité de dames, qui prit le
nom d'Association protestante de bienfaisance^
et dont les membres visitaient les indigents et
leur apportaient des secours. Mais on comprit
bientôt qu'il fallait mettre de l'unité dans la
répartition des aumônes. Pour éviter que cer-
taines familles indigentes né reçussent des
secours de deux côtés à la fois, le conseil
presbytéral décida en i853 que le produit des
collectes faites au temple serait versé dans la
caisse de l'Association. Les dames du comité,
qui connaissaient mieux que personne les
besoins des pauvres de la paroisse, étaient
d'ailleurs bien qualifiées pour accomplir la
tâche dont elles voulaient bien se charger.
Depuis cette époque, l'Association de bienfai-
sance a distribué les fonds qui lui ont été
confiés. Elle fait une collecte annuelle, dont
le montant, joint à celui des collectes du
dimanche, lui permet d'aider les indigents à
solder leur loyer, de leur donner des bons de
pain, des bons de viande, des secours de mala-
die, enfin de payer les visites du médecin et
les médicaments qu'il ordonne (i).
(i) Voici les noms des dames dont se compose aujour-
y Google
— 356 —
Témoins de cette charité et ne la compre-
nant pas, les ennemis du protestantisme ont
plus d'une fois accusé les membres du comité
et le pasteur lui-même, de secourir des pau-
vres n'appartenant pas au culte réformé, pour
les attirer au temple et en faire des prosélytes.
Cette calomnie souvent rééditée, ne vaut pas
la peine qu'on la réfute. Les protestants mépri-
sent trop les gens qui sont à vendre pour avoir
envie de les acheter (i).
Puisque nous avons parlé de l'œuvre de
bienfaisance accomplie avec autant de zèle que
de prudence par les dames du Comité, nous
d'hui le comité : M"»o Garrick, présidente, M"»e Blanchard,
Mme Boycr, M»e Capelle, M^^e Cottier, M^o de Coutouly,
Mn^o Devilaine, M™® Dupin de Saint-André, M™» Grand-
d*Esnon, M°»o Van Gelder. M^e Macalister, M"»» la com-
tesse de Pourtalès et M°»« Tyndall.
(i) Déjà vers 1840, M. Morache écrivait : « Depuis que
le clergé a répandu contre les protestants l'accusation
d'acheter les consciences, 182 catholiques sont venus
leur proposer d'acheter la leur. S'ils avaient voulu
d'une telle marchandise, elle était à eux. Ils ont
renvoyé les vendeurs... Ils ne sont pas assez niais pour
• i__i,.._ „<^,:„. j,u - :. AvinauxcathO'
y Google
-257-
devons rappeler aussi ce que firent les pro-
testants de Tours en 1870 et 1871, pour les
soldats de passage et pour les blessés.
Le 9 novembre 1870, ils ouvrirent sur l'ave-
nue de Grammont une salle où les militaires
fatigués pouvaient se reposer (i); on leur
donnait un bain de pieds et une tasse de bouil-
lon, souvent une ou deux paires de chaussettes
et toujours des bandes de toile et de la char-
pie. On estime que plus de 9,000 soldats sont
venus s'asseoir dans ce modeste établissement.
A la même époque, un Comité se forma
pour secourir les blessés. Il était composé de
M. le pasteur Fuzier, président, de M. Stap-
fer, secrétaire, de M. Twent, trésorier, de
M. Schérer, de M. Lequeutre et de M. Cot-
tier, l'homme aimable et bon, dont le souvenir
est resté cher à tous les membres de l'église de
Tours. Deux ambulances furent organisées
par ces messieurs, l'une dans la rue de Nantes,
l'autre dans la maison d'école de la rue du
Gazomètre (2). Dans la première, on comptait
32 lits. Elle fut ouverte le 2 novembre 1870 et
fermée le 12 mars 1871. Pendant ce laps de
temps, 55o soldats y furent admis et soignés.
y Google
— 258 —
Le total des dépenses s'éleva à 6,020 fr., et le
Comité eût de plus à payer 638 fr. 45 pour
frais d'appropriation du local. — L'ambulance
de la rue du Gazomètre comptait 28 lits : elle
reçut 476 soldats, dont 3 moururent à Tours
ou dans leurs familles, après l'évacuation. La
dépense totale fut de 6,820 fr., et la journée
de malade de 2 fr. 44 (i).
Pendant tout l'hiver, les dames protestantes
de To\irs rivalisèrent de zèle et d'activité avec
les directeurs et les directrices, les médecins
et les infirmières des ambulances. Tous les
jours elles venaient soigner les blessés, causer
avec eux et les consoler. Nul ne saura le bien
qu'ont fait ces infirmières volontaires aux mal-
heureux soldats, presque tous catholiques,
dont les ambulances ont été remplies, pendant
plus de quatre mois.
Il n'est pas inutile de dire que chaque fois
qu'un blessé demandait un prêtre, on se hâtait
d'aller en chercher un. Le pasteur tut aussi
plus d'une fois appelé dans les ambulances
catholiques. Les tristesses de la défaite, la
douleur patriotique qui débordait de toutes
parts, avaient tait évanouir les rancunes mes-
y Google
— 259 —
quines, les haines de secte, qui ont trop sou-
vent déshonoré fes meilleures causes. Les
grandes épreuves élèvent les hommes assez
haut pour qu'ils ne voient plus les barrières
que le passé a dressées entre eux, et dont les
sages ne s'occupent jamais que pour travailler
à les abattre.
En 1872, M. le pasteur Fuzîer, dont l'acti-
vité avait brisé les forces, donna sa démis-
sion (i); il fut remplacé par M. Edmond Stap-.
fer, qui depuis deux ans remplissait à Tours
les fonctions de suffragant (2).
L'église, agitée par les événements de 1870
et de T871, reprit sa vie paisible. Depuis, rien
n'a troublé le calme dont elle jouit. Le culte est
assez fréquenté. L'école du dimanche compte
plus de soixante élèves. Le pasteur fait un
cours d'instruction religieuse au Lycée et réu-
nit une fois par semaine les' enfants de la
paroisse pour leur expliquer le catéchisme. Il
y a, dans notre ville et dans les environs immé-
(i) M, Fumier, né à Brusques (Aveyron), officier de
santé, avait desservi avant de venir à Tours, l'église de
Lille comme suffragant, et comme titulaire les églises de
Wanquetin (Pas-de-Calais) et de Lemé (Aisne). 11 a pré-
sidé le consistoire d'Orléans de i856 à 1868.
(2) M. Edmond Stapfera. quitté Tours en 1876. Il est
aujourd'hui pasteur à Paris et chargé de cours à la Faculté
de théologie protestante de cette ville.
y Google
— 200 —
diats, un peu plus de 5oo réformés, et si l'on
compte en outre les soldats protestants de
la garnison, nos coreligionnaires de Genillé,
d'Amboise, de Cormery, de Loches, de Huis-
mes et de La Chapelle, enfin les membres de
V Église anglaise (i), tort diminuée cette année
par la terreur qu'a inspirée le choléra à l'entrée
de l'hiver, on constate que près de neuf cents
personnes se rattachent au culte évangélique
dans le département d'Indre-et-Loire.
Louis XIV avait cru détruire à jamais le
protestantisme. L'événement a prouvé qu'on
ne tue pas une religion.
Deux siècles après la Révocation, l'église
de Tours est là, organisée et vivante. Sous
l'égide des lois, protégée par une administra-
tion impartiale et bienveillante, elle se déve-
loppe paisiblement, tout en faisant un peu de
bien. L'instruction de la jeunesse, pour laquelle
(i) Nous n*avons pas dit grand chose de VEglise
anglaise : comme les peuples heureux, elle n*a pas eu
d'histoire. Mais nous tenons à affirmer notre sympathie
pour elle, car nous ne saurions oublier qu'elle a été pour
ainsi dire la mère de la nôtre. On trouvera dans l'Ap-
pendice n» I la liste des pasteurs qui Pont desservie
depuis 1829. 11 nous a été impossible de découvrir les
noms de leurs prédécesseurs. Elle a à sa tête en ce moment
le Révérend Kirby^ auquel nous sommes heureux de
pouvoir offrir Texpression de notre respectueux attache-
ment.
y Google
pendant de longues années elle s'est imposé
de si lourds sacrifices, lui tient toujours à
cœur. Elle n'a aucune haine pour les idées
modernes, qui assurent sa liberté. Affranchie
de toute crainte pour l'avenir, elle s'efforce
de vivre en paix avec tout le monde. Elle
essaie en un mot de réaliser le grand prin-
cipe chrétien de la fraternité, et tout en restant
fermement attachée aux doctrines évangéliques,
qui sont les siennes, elle ne se souvient du
passé, des luttes tragiques d'autrefois, que pour
maudire tous les fanatismes et toutes, les into-
lérances ; car elle ne connaît rien de plus
beau, de plus divin, que ce précepte du Christ :
« Aime^-vous les uns les autres, »
--SK?aiPç:5l^^*c«8=*^ïK-
y Google
y Google
— 263 —
APPENDICES
N^ I
PASTEURS DE TOURAINE
Il ne nous a pas été possible de dresser une liste com-
plète des pasteurs de Touraine. Voici cependant les noms
des ministres dont il est fait mention dans les documents
que nous avons consultés.
XVie SIÈCLE
Église de Tours : Simon Brossier^ organisateur de
l'église en ib56; -^ Jehan Poterat, pasteur en i55ô et
en i562; Jacques Haron (ou Ha^on) en i556; — Fran-
çois de Beaupas dit Chassebœuf en i556; — Lancelot
en i558; — Rouvière en i558 et en i559; — Jacques
Langlois en i558; — Charles d'Albiac dit du Pîessis,
que nous avons cru retrouver sous le pseudonyme de
Riseus, en i558 et en i56o; Antoine Chanorrier dit
' Desmérange en i558, pendant trois mois; — Aurèïe de
la Plante en i56i; — Joachim Marché ou Marchay
en i565eten 1572;— Lacroix en lôôy;— Thomas
Raguesne dit La Pionnière en 1572; — Pierre Merlin
y Google
— 264 —
en 1576; — Pineau des Aiguës en 1594 et en 1600.
Église de Chatillon-sur- Indre : Jehan Chastinier,
pasteur en x56i.
Église de l'Ile-Bouchard : Ferrand dit le seigneur
Dusson en i36i ; -- Jehan Fleury en 1394.
Église de Chinon : François Paur (?) en i56i ; — Pin
en i56i ; — Jehan de Toumay en i562 et en i567.
Église d'Amboisb : Pineau des Aiguës en i566.
Église de Saint-Christophe : Etienne de Longueville
en i562.
XVII^ SIÈCLE
Eglise de Tours : Pineau des Aiguës (déjà nommé).,
en 1600 et en 1607; — Daniel Couppé de i6o3 à 162 1,
(voir la liste de ses ouvrages dans la France protestante,
article Couppé) ; — Mathieu Cottière de 1607 à 1641 au
moins, (Voir pour ses ouvrages France protestante, art.
Cottière); — Jehan Forent en i635 et en i652; — Gas-
pard Tricot en i65o et en 1675; — François du Vidal
en 1660 jusqu'en 168 5. (Pour ses ouvrages voir France
protestante, art. Du Vidal); — Gédéon Guillebert de
Sicqueville de 1676 (25 juillet) à i685; — De Hauxecourt
en i685, pendant quelques mois. — La France protes-
tante dit qu'il y avait à Tours en i685 un pasteur nommé
Bonneau, Noé, lequel fut emprisonné à la Révocation,
perdit la raison et fut enfermé, dans un couvent à la
Charité, où il mourut en 1705. Nous n'avons trouvé ce -
nom-là nulle part; nous ne l'inscrivons donc ici que
sous toutes réserves.
Éslise de Chatillon, Loches et Busançais : Grenon
Digitized byCjOOQlC
— 265 —
en 1601 et en 1608; — Pierre de Couldre en 1619 et
en 1660; — Jacques Cartier en 1673 ; — Benjamin de
BrissaCy s' du Vigneau en 1673 ; — Timothée Roy ère
en 1677 et en 1679; Philippe Le Roy en 1679; — De
Beausobre en i683.
Église de l*Ile-Bouchard et Chinon : Jehan Fleury
depuis i59|. et en i6©o; Daniel Couppé en avril i6o3
pendant quelques mois ; — Périllau (écrit Périllaut dans
quelques actes de synodes) en i6o3 et en 1620; — Vin-
cent en 1623 et en 1626 ; — Etienne Le Vacher en i63i
et en 1660.
Église de Preuilly : Jehan Roger en ( 697 et en 1637 ;
— Pierre Fleury en 1637 jusqu'au 4 septembre 1671,
jour de son décès; — René Colas, s^ de la Treille en 1660
et en 1669; — Isaac de Brissac, s^ de Grandchamp
en 1672 et en i683.
XIX® SIÈCLE
Église française de Tours : M. Daugars en 1887;
— M. Morache de i838 à 1862 ; — M. Fu:{ier de i852
à 1872; — M. Edmond Stapfer, pasteur sufFragant de
1870 à 1872, titulaire à partir de cette époque jus-
qu'en 1876; — Armand Dupin de Saint-André, depuis
le mois d'avril i876.
Annexe de la Chapelle-aux-Naux : M. Cattelain, évan-
géliste de i854 à 1859; — M. ^^ pasteur Le Cornu de
1859 à i883; — M. Pic, évangéliste, depuis le ler jan-
vier 1884. Ces deux derniers ont été chargés de célébrer
y Google
— 266 -
tic i855 à i856; — M. Comte de i856 à 1862 ei M. Viret
de 1862 à 1873.
Eglise Anglaise de Tours : The Révérend Way
de 1829 à i836; — Rev. John Hartley de i836 à 1837;
— Rev. Ricliard Brickdale de 1837 à 1839 ; — Rev. James
Gambier, 1839; — Rev. George Garrick de juillet 1839
à septembre 1840; — Rev. Edward Biley de 1840
à i858; — Rev. George Perram de i858 à 1861 ; —
Rev. B, Seriven de 1861 à i865; — Rev. Franck Sert-
ven de septembre i865 à mai 1866; — Rev. A, Blomfleld
de mai 1866 ?* décembre 1866; — Rev. James Horan
de 1867 à 1870; — Rev. Robert Kirby depuis 1871.
N° II
ACTES DES SYNODES
DE LA Vo PROVINCE ECCLÉSIASTIQUE
Touraine, Anjou^ Loudunois^ VendômoiSj
Maine et Perche
Bien que les actes des Synodes provinciaux soient rela-
tivement assez rares, nous avons pu en consulter quel-
ques-uns, dont voici la nomenclature.
lo Actes du Synode de Saumur, « commensant le
y Google
- 2t)7 -
2" Actes du Synode de Saumur, du 12 au 1 5 mars 1 697
Président : De la Noue y pasteur de Beauiort ; secrétaire :
De la Plante, ancien de Saumur.
•3o Actes du Synode de Vendôme, du 9 septembre et
jours suivants, ibgS. Président : François Greliet-y dit
De Macefer, pasteur de Saumur ; secrétaire : Nyote (i),
ancien de la même église.
4" Actes du Synode de Saumur, du 28 et du 29 avril 1 599.
Président : De Clerville, pasteur de Loudun ; secrétaire :
(nom illisible).
5° Actes du Synode de Vile- Bouchard, du 22 et du
23 septembre 1599. Président: De Clerville, pasteur de
Loudun; secrétaire : De la Plante, ancien de Sau-
mur.
6° Actes du Synode de Prinp^é, du 19 et du 20. juil-
let 16.00. Président: Fleury, pasteur de TIle-Bouchard ;
secrétaire : Raymonnet, ancien de Vendôme.
70 Actes du Synode de Loudun, du 5, du 6 et du
7 mars 1601. Président : De Clerville, pasteur de Lou-
dun ; secrétaire : De la Plante, ancien de Saumur*
80 Actes du Synode de Saumur, du 18, du 19 et du
20 juillet 1601. Président : De Macefer, pasteur de Sau-
mur; vice-président : Le Bloy, pasteur d'Angers ; secré-
taire : Drugeon, avocat du roi et ancien de Saumur.
90 Actes du Synode de Preuilly, du 3> du 9, du 10 et
du II mai 1602. Président: Fleury, pasteur de Baugé;
vice-président : Bédé, docteur en théologie, ministre de
Loudun; secrétaire : Bodon, diacre de Preuilly.
loo Actes du Synode de Baugé, du 9, du 10, du 11 et
du 12 avril i6o3. Président : Le Bloy, pasteur d'Angers;
vice-président : Fleury, pasteur de Baugé; secrétaire : De
la Chauffière, ancien de l'église de Graon-Laval et Châ-
teaugontier.
Il» Actes du Synode de Vendôme, du 28 avril 1604.
Président : Bédé, pasteur de Loudun ; vice-président : Le
yGoogle
— 268 —
Bloy, pasteur d'Angers; secrétaire : Bourru, ancien de
Vendôme.
12^ Actes du Synode de Vile-Bouchard, du 8 mars i6o5.
Président :Z>tfC/ervt//e {écv'it De Clairvillé) y pasteur de Lou-
dun; vice-président : Bedéy pasteur de la même église;
secrétaire : De la Morandière, ancien du Mans et Ardenay.
i3^ Actes du Synode de ^ellesmes, du 3 mai i6o6.
Président ; Bédé, pasteur de Loudun ; Vice-président :
Fleury, pasteur de Baugé.
140 Actes du Synode de Saumur, du 18 juillet 1607.
Président : Le Bloy^ pasteur d'Angers ; vice-président :
Fleury, pasteur de Beaugé et Beaufort ; secrétaire : De la
Mesnerie, ancien de Baugé.
i5o Actes du Synode de Preuilly, du 14 mai 1608.
Président : Fleury, pasteur de Baugé et Beaufort ; vice-
président : SolomeaUy pasteur de Vendôme ; secrétaire :
De Burges, ancien de l'église de Loudun.
160 Actes du Synode de Poligny, du 2. du 3, du 4,
du 5, du 6, du 7 et du 8 septembre 1609. Président :
Etienne Le Bloy, pasteur d'Angers; vice-président : Jehan
Fleury, devenu pasteur de Loudun ; secrétaire : Jacques
Tamponnety ancien du Mans.
Les actes que nous venons d'énumérer, et qui sont des
copies, forment un volume manuscrit, acheté à la vente
de la bibliothèque de l'abbé Pothée, et se trouvent à la
Bibliothèque publique de Blois.
ij^ Actes du Synode de Loudun, du 22 au 28 avril 1610.
Président : Jehan Fleury, pasteur de Loudun; vice-prési-
dent : Le Bloy, pasteur d'Angers ; secrétaire : Daniel
Ferron, ancien de Loudun.
180 Actes du Synode de Loudun, d\i 7 au ii juillet 16 16.
Président : Etienne Le Bloy, pasteur d'Angers; vice-
y Google
— 269 —
igo Actes du Synode de Loudun, du i3 au 20 juil-
let 1623. Président : Daniel Couppé, pasteur de Loudun;
vice-président : Vigneu, pasteur du Mans et Ardenay \,
secrétaire : Raboteau, ancien de Preuilly.
200 Actes du Synode de Loudun^ du 7 au 12 août i63i.
Président : Couppé, pasteur de Loudun ; vice-président :
Jehan Vigneu, pasteur du Mans; secrétaire : De Ceri;fier5.
21© Actes du Synode de Loudun, du 12 au 17 septem-
bre 1647. Président : Amyraut, pasteur de Saumur; vice-
président : Jacques de BrissaCj s^ des Loges, pasteur de
Loudun ; secrétaire : De Ceri:çiers, écuyer, ancien de
Loudun.
Ces derniers actes des Synodes (no» 17 à 21), sont des
originaux. Ils appartenaient, quand nous les avons con-
sultés, à M. Lièvre, pasteur à Angoulême, qui les a don-
nés depuis à la Société de l'Histoire du Protestantisme.
2 20 Extrait des Actes du Synode de Preuilly, tenu le
•4 juillet 1667 et les jours suivants. Les noms des assis-
tants ne s*y trouvent point. — Collection Conrart, t, XIV,
J i36i à i363. (Bibliothèque de l'Arsenal).
23» Actes du Synode de Bellesmes, du i5 septem-
bre 1673. Président : Gaspard Tricot, pasteur de Tours;
vice-président : Pio:{et, pasteur au Mans. (Archives natio-
nales TT 33o.)
240 Actes du Synode de Bellesmes, du 6 juillet 1679 et
jours suivants. Président : Pio^^et, pasteur du Mans ;
vice-président : Du Vidal, pasteur de Tours ; secrétaires :
Quartier, pasteur de Vendôme, et Chedieu, avocat. (Arch.
nat. TT 33o).
25<> Actes du Synode de Sorges, du 10 juin i683.
Président : Jacques Quartier^ pasteur de Vendôme; vice-
président : Jsaac de Brissac, s^ de Grandchamp, pasteur
de Preuilly ; secrétaires : Pierre Fleury, peut-être pasteur
de Pimperdu, et Rabotteau, ancien de Preuilly. (Arch.
nat. TT 284).
y Google
— 270 —
N« III
EXTRAIT D'UNE LETTRE
ADRESSÉE A CALVIN, LE 16 MAI iSSq, PAR RISEUS,
PASTEUR A TOURS
(c Nosti Domiaum visitasse nos ad explorandam totam
illam turbam, quam paucis mensibus coegeramus. Igné
nos examinavit Dominus noster et plus fœni et paleat
(pudel dicere), quam auri et argenti repertum est... Duo-
decim non aniplius e nostris in vincula sunt conjecti,
quorum major pars prœdibus satis dedere sisti judicio,
reliqui hactenus conclusi detînentur. Atque ego, inter hos
tumultus domi delitescens, expectabam quis esset rerum
exitus. Complures e nostris intérim importunîtate cona-
bantur extorquere a me litteras quibus auxilia circum-
quaque e vicinis ecclesiis convocarem. Quibus responde-
bam me non venisse conquistorem exercîtus, sed patîentice
ac pacis praeconem... Sed quum viderem ipsos tumultuose
diversa concilia quaerere et oblique securitatem meam
perstringere, perinde quasi otiose et quieto animo totius
gregis excidium expectarem, declaravi, quod ad me atti-
neret, paratum esse quodvis subire discrimen, si modo
putarent me meo periculo posse ipsis consulere. Hoc quum
semel ex ore meo arripuissent, coacto absque me consiîio,
decreverunt ut publice in medio foro concionem habe-
rem... Quod quum ad me retulissent^ pronunciavî me
haud recusaturum, modo adstarent mihî... Tandem
quum urgerent miris modis ut super hoc ecclesiis scribe-
y Google
— 271 —
rem, ne unus praefracte viderer consilium spernere, pre-
cum importunitate victus, calamum arripiens, in hanc
sententiam scripsi : c Calamîtatem, quae ex adventu prae-
fecti hujus causée religionîs ecclesiae nostrae accîdit, fratres
mei audistis. Et tamen levia sunt quae hactenus accide-
runt prse iis quae [minantur inimici. Quibus ut obviam
eatur^ coacti seniores nostri nihil mplius censuerunt
quam si frequentissimo auditorio publiée pro concione
in medio foro fidei nostrae confessîonem edamus. Quod
concilium si non improbatis, ut nobis quomodo vobis
"visum fuerit, adesse dignemini impense oramus, relaturî
par pari si quando nostra ope vobis opus fuerit. Valete
in Christo. d — Has quum ex me litteras semel excepis
sent, totidem exemplaria descripsere quot ecclesias com-
movere ad suppetias veniendura voluerunt. Dies ad venien -
dum est dicta. Hanc praestolor. Quum venit, nemo adest.
Porro haec est causa cur non adfuerint. Censuerant nostri,
absente me, regem Navarrae super hoc consulendum. Ob
id, ad quindeçim dies ampliandum putaverant... Repente
audio fréquentes auditores e vicinis urbibus Turonum
advenisse ad publicam concionem : hi nimirum perinde
ut ego nihil de mutato concilio audierant. Eô me confero
quam possum citissime. Ubi advenio^ intelligo vix duas
horas effluxisse ex quo boni illi hospites recesserant. Ita
delusus a satana tristîorem postpolo nuncium accîpio
complures e peregrinis nostris illis in itinere compre-
hensos atque in vincula conjectos fuisse. Ita miseri dum
frustra nobis opitulari pergunt, in vitae discrimen se ipsos
conjecerunt... Salutat te D, Roverius, coUega meus... —
Hac maii sextadecima i5bg, Tuus obsequentissimus filius
C. Riseus. » Corpus Reformatorum, — Joannis Calvini
opéra, t. XVII, n» 3o54.
y Google
— 272 —
NMV
NOMS
DES PROTESTANTS DE TOURAINE REÇUS BOURGEOIS
DE GENÈVE AU XVI*^ SIECLE
1549. — Thibault le Pleigny, marchand-apothicaire de
Tours ; — Philibert Hamelin, libraire de Tours ; — Jehan
de la Barre y de Tours.
i55o. — Jehan Jagot {?), de Tours.
i55i. — Pierre Barraut, de Touraine, et Marguerite,
sa femme; — Jehan de ChastagneSy de Beaulieu-les-
Loches; — Martin Drouai^ « pesnieur et cardeur », de St-
Martin-le-Beau ; — Jehan Riche, barbier, de Chinon.
i552. — Robert Morceau^ tafFetatier de Tours; —
Perrette Marchant, « veuve de feu maystre Jehan le
Guasy docteur et advecat au siège royal de Touraine ]) ;
— Louis Cautereauy de Tours.
1 544. — Martin Moreau et Louis Moreau^ de Tours ;
Bartholomé Moriau (peut-être Moreau), de Tours; —
Simon Capilleau, de Nouans ; — René Thousay, de Tou-
raine; — Jehan de Cherpont, « jadis secrétaire de feu
l'archevêque de Tours. »
i555. — Philibert Ferré, de Tours ; — Mathieu Pon-
cet, « maître ouvrier en drap de soie » ; — Jean Dessars^
de Chinon; — Christophe Prévôt, d'Amboise; — Pierre
BarrauXy de Tours ; — Pierre Legras, « tafFetatier » de
Tours.
i556. — Louis Jordan^ marchand mercier de Tours;
y Google
- 273 -
— Savian HauboySy id., id.; — Martin Laurenceau, de
Tours; — Pierre Marche^ « velutier », de Tours; —
Guill. Pinard^ de Tours ; — Jehan 'Ponchety de Tours ;
Jehan Rousset, de Tours ; — Noël Rougeon, « du pays
de Toraine »; — Jehan Dubart « velutier », de Tours
— Robert Remy, de Tours .
1557. — Nicolas Viau, de Tours; — Vierrç Chasse-
pon (?), de Tours; — Jehan Amonet, de Tours; — André
Gamier, « velutier », de Touraine; — André Gamier^ de
Villeloin, en Touraine; — Guillaume Robillart « tafFe-
tatier », de Tours; — Martin Giraud^ de Genillé; —
Guill\ Jousselain^ de Sonzet (Sonzay) ; — Jehan Lebouc^
« tafïetatier ». de Tours ; — René Moïse, id., id.; — Jehan
Moreau, de Tours; — Jacques Perdriau, « taffetatier »
de Tours ; — Christophe Mocler^ teinturier de Tours ; —
Pierre Touliet, de Ghinon ; — Pierre Puthault, « natif
de Toraine » ; — Guillaume Briault^ de Sainte-Maure ; —
Demontsel, et David, son fils, de Tours.
i558. — Jehan Gandin, de Tours; — Hilaire Mous-
sart, menuisier, de Tours ; — Pierre Caregnoly « vellou-
tier », de Tours; — François Trouillet, de Ghinon ; —
Pierre Urgond (?)j menuisier, de Tours ; — Etienne
Mehun, de Loches ; — François Touillé, de Ghinon.
1559. — François Benoit, de Tours; — Jehan Colas,
id.; — Georges Olivier, de Ghinon; — François Rou-
geon, menuisier, de Touraine ; — Jehan Betardy libraire
de Touraine; — Jehan Dimonet (.'), de Tours; — Louis
Lebarbier « chaussetier », de Ghinon ; — Jehan Lebrun (?),
« veloutier », de Tours; André Chevriet% de Touraine
— Jehan Giraud, « faiseur de cordes de lin, de la Haye,
en Toraine » ; — Yves Eschard, * fils de Yves, libraire, de
Tours » ; — Julien Hatton, de Tours; — Robert Bruneau,
de Vouvray; — Christ. Bougeot, « compagnon taffeta-
tier », de Tours; — Jehan Legaigneux, de Tours; —
Louis Peignot, id.; — Philibert Gandon, de Touraine; —
y Google
— 274 —
François Belin^ de Tours ; — Jehan Roy, cordonnier, de
Tours; — Jacques Pou^ay, de Touraine; — Guillaume
Morin^ de Tours;— Jehan le Fleit (1), de Tours; —
Jehan Bouvete (?), de Noizay ; François Vogand (^j, de
Tours; — Pierre Bernard, id.; — Etienne Legaigneux^
de Tours; — Ambroise Cholet, id.; — Noël Jenex, a de
Chaulmont en Toraine i ; — Jacques Chastelain, « taffe-
taticr », de Tours; — Joachim Marché, de Tours.
1 562. — Jean, fils de Legagneux^ ministre.
1572. —Jacques Perdriau, « taffetatier », de Tours.
1575. — Jehan Guillosseau. a veloutier », de Tours.
1579. — Toussains, fils de René le Duc, « tatfetatier »,
de Tours; — Jean Rousset, id.; — Michel, fils de Charles
Renoux, marchand, de Tours ; — Pierre, fils de Jean
Manecier, et Charles, son fils, également de Tours.
i58o. ^-Pierre Navet, de Tours.
i586. — Jean, fils de Pierre Beloiseau, « tisseur d'or. »
1587. — Pierre, fils de Jean Burochin, « veloutier», de
Tours.
i5g5. — Antoine, fils de Jean Lamiraute, passementier.
Extrait du Livre de réception à la bourgeoisie. (Hôtel
de ville de Genève).
Cette liste (incomplète sans doute], ne contenant que
les noms des Tourangeaux ayant reçu au xvi^ siècle le
titre de bourgeois de Genève, peut donner une idée du
nombre énorme des habitants de notre province qui ont
émigré après chaque persécution, en Suisse, en Alle-
magne, en Angleterre et même en Amérique.
y Google
- 275 ^
No V
QUATRE LETTRES INÉDITES
(Bibliothèque de Genève)
Lettre de l'Église de Tours à l'Église de
Genève^ du 3i mars {56i i
€ Messires, il y a ja longtemps que un ministre ne
pouvoit seul satisfaire en ceste ville; tellement que en
avons presque tousiours eu deux, excepté depuis ces
grands troubles, que chacun cognoist, qu'il nous a esté
necessère (?) de nous passer d'un seul, encores faisant
eschange de monsieur DuplessiSy que vous nous avez
envoyé, avec nos prochains voisins, depuys que nostre
Dieu a donné quelque liberté à son église, et que on a eu
quelque moien de recueillir ce qui estoit dissipé; non
seulement nous aurions bien nécessité de deux, dont
nous jouissions au précédent, mais de davantage, si nous
en pouvions fournir. Mais cognoissant le grand nombre
de peuple, qui maintenant en ont faute, mais aussi nos
prochains voisins, qui nous ont prévenus en demander.
y Google
— 276 —
parformer le reste. Ainsi, Messires, nous nous recom-
mandons et bien humblement et bien affectueusement à
vos bonnes grâces, vous supplians nous secourir en nostre
bien grande nécessité. Car, oultre que un seul ne peut
suffire, nous sommes en danger que on rappelle celuy
que nous avons, qui nous est baillé seulement pour es-
change de M. DuplessiSf lequel s^* du Plessis, est si cogneu
par decza, qu'il est bien difficile qui y subsistât, quand
on auroit rappelé celuy que nous avons. Ainsi il vous
plaira d'avoir pitié de ceux qu'autrement seroieiit en
danger d'estre brebys sans pasteur, ce dont ils se sont
donnés bien garde, mesme aux plus dures persécutions.
Au surplus, Messires, il y a un homme, nommé Mo Jehan
Chastinier, leque^ ayant esté esleu par le peuple de Loches
pour ministre, bientost après a esté constitué prisonnier
et après relasché; mais d'autant qu'il ne peut subsister
là, à raison qu'il est du pays et a esté recogneu pour
avoir esté prebstre et après maintenant marié, et qui au
cas qu'il apparust de par vous de sa suffisance pour la
charge et par ce moyen de sa légitime vocation, on le
pourroit envoyer autre part ou par échange ou autrement.
Il vous plaira nous mander ce qu'il vous en semble et si
le scandalle qui pourroit venir à raison d'une femme qui
le suyt, de laquelle vous avez cognoissance, (qui est cause
que nous déportons de vous en mander davantage), vous
pourroit ou debvroit empêcher de l'approuver au minis-
tère. Nous ne pouvons pour le présent vous mander autre
chose, sinon que nous prions le Seigneur vous maintenir
à son service (?), faire fructifier vos labeurs et vous donne
ce qu'il cognoist vous estre nécessaire oour sa cloire. La
y Google
cres, au nom de toute la compagnie. {Lettres de diverses
églises à Véglise de Genève, 197 ^ no 47.)
Lettre de l'Église de Chinon à VÉglise de
Genève^ du i3 mai 1S61
« La bénédiction de Dieu, nostre bon père, et la grâce
■le nostre seigneur Jésus Christ, vous soient données et
multipliées par la communication du St Esprit. Amen.
« Très honorés frères et| pères, après que par la malice
de Sathan et tyrannie des adversaires de la vérité, maistre
François Paur (?), exerçant le ministère entre nous, fut
constitué prisonnier, tout nostre trouppeau se trouva pour
quelque temps intimidé et esperdu, mais tost après se
ressentant de la vérité et efficace de la parole de Dieu en
laquelle il avoit esté intruict par ce bon personnage, il
reprint vigueur, et cognoissant que sans l'aide et minis-
tère ë*un fidèle pasteur, il ne pourroit aucunement sub-
sister, ne s*advancer en la droite cognoissance et service
de Dieu, il déliberoit vous envoyer homme exprès pour
vous requérir de luy assister et ayder de quelque person-
nage suffisant selon les moiens que Dieu vous avoit
donnez, quand un nommé Pinus, retournant du pays de
Poictou, où il avoit usurpé le ministère, l'interrompit et
empescha, abusant ce pouvre peuple mal advisé d'un faux
donner à entendre, par lequel il luy persuada qu'il estoit
légitimement éleu et envoie, et ainsi prescha entre nous
jusques à ce que aux Estats d'Orléans, — où nous l'avions
envoie pour nostre église, — il fut découvert par M. Mé-
sange, fidelle ministre de la parole de Dieu à Orléans.
Lors nous fumes pleinement advcrtis de ses faulsetez et
malversations, qui nous troubla grandement, veu nostre
y Google
— 278 —
trop grande légiéreté et imprudence. Touttefoys nous ne
peumes faire aultre chose pour lors sinon gémir au Sei-
gneur et implorer sa miséricorde. Ainsy nous conferraans
les uns les aultres, feimes supplications à ce bon Dieu
qu'il ne permist point que le trouppeau qu'il s'estoit
recueilly entre nous fiist dorénavant abusé et séduict,
mais qu'il luy pleust nous adresser quelque bon et fidelle
ministre de sa saincte parole, pour lequel recouvrer certes
nous avons tenté tous les moiens, qui se sont peu pré-
senter en toute la France; présentans requestes aux syno-
des qui se sont convoquez et aux plus célèbres églises ; .
mais comme 11 ne se trouvoit aucun personnage suffi-
sant, qui ne fust emploie et que l'extresme nécessité d'un
tel aide nous commandast tant, nous n'avons peu nous
retirer à meilleur reffuge qu'au vostre, ce que nous n'eus-
sions tant différé faire sans l'advertissement que nous
avons chacun jour de plusieurs églises nos circon voi-
sines, qui ont envoie vers vous, lesquelles nous ont faict
entendre que ceste tant exubérante fontaine d'hommes
capables et suffisans, que Dieu a faict sourdre entre vous,
est presque du tout espuisée, pour ce grand nombre
d'ouvriers que Dieu en a tirés pour les envoier en sa
maison ; touttefoys nous avons telle fiance en la bonté
paternelle de nostre bon Dieu et au saint zèle qu'il vous
a donné pour l'augmentation de sa gloire, advancement
du règne de son bien aimé fils nostre (seigneur) Jésus
Christ, et édification de son église que nous osons bien
nous promectre d'avoir par vostre moien si tost que faire
se pourra, ung bon et fidèle ministre pour nous conduire
et entretenir aux voyes du Seigneur, — chose qui redon-
dera grandement à son honneur et édification merveil-
y Google
— 2jg —
qui la tellement enflammée en Tamour de la parole de
Dieu, qu'elle n'a chose en ce monde qu'elle ne postpose
pour avoir un fidèle ministre. C'est la cause, très hono-
rez frères et pères, pour laquelle nous avons prié le gen-
tilhomme présent porteur, que cognoissez, à ce qu'il
s'emploiast pour nous en une si saincte alTaire, à laquelle
aussi nous espérons que ne nous vouldrez défaillir. Nous
avons baillé au dict porteur argent pour frayer à tout ce
qui sera requis pour le voiage de celuy qu'il vous plaira
nous adresser, et l'avons prié vous déclarer plus ample-
ment rextremité en laquelle nous sommes pour le bon
désir qui s'augmente tousiours en tous ceux de nostre
église et le grand proufTit qui adviendra à toute nostre
contrée par la venue d'un bon ministre, laissant à la
suffisance dudict porteur à la vous faire entendre. Sur ce
nous ferons fin par nos bien humbles recommandations
à vos bonnes grâces et sainctes prières au Seigneur, lequel
nous supplions vous maintenir tousiours en sa protec-?
tion et sauvegarde. De Chinon ce iS" de may i56i.
« Vos obéissans serviteurs et affectionnés amys. Signé
Guillaume Le Boullangier, diacre de l'église de Chinon,
au nom de tous. » Lettres de diverses églises à Véglise de
Genève, 197 •, n» g5.
Lettre de VÉglise de Chinon à V Église de
Genève du i5 mai i56i
a Salut par Jésus Christ, nostre Seigneur.
« Très honorés seigneurs et pères, nous avons baillez
y Google
— 28o —
tellement assisté par vostre moien, que le jour mesme
de l'expédition dudict porteur, arriva iceluy que vous a
pieu nous envoyer. Au quel recognoissons beaucoup de
singulières grâces que Dieu a mises en luy, qui nous
donne occasion d'espérer grande édification et advanse-
ment à toute nostre assemblée, laquelle humblement vous
remercye de luy avoir procuré ung tel bien, duquel elle
ne sera jamays immémoratifve^ mais la trouverez tou-
siours preste à s'emploier pour vous en tous les endroictz
de son pouvoir d'aussy bon cœur qu'elle désire vous pré-
senter ses bien humbles recommandations à vos bonnes
grâces et sainctes prières, supplia ns au Seigneur vous
maintenir en sa saincte «protection et sauvegarde.
a De Chinon, ce i5ode may i65i. Vos humbles servi-
teurs obéissans. Signé : De Caux, pour la compagnye. »
Lettres de diverses églises à l'église de Genève y igj ^,
no loi.
Lettre de VÉglise de Tours à l'Église dQ
Genève, du 24 mai i56i
a Mes très honorez sieurs, ayant esté envoie par nostre
consistoire de Tours en ceste ville de Paris pour tascher
d'avoir un ministre, sinon pour tousiours, pour le moins
jusques à ce que nous puissions resentir de la promesse
qu'il vous pleust faire dernièrement au sieur Adrian
O^^eray-y qu'avions envoie par devers vous à ceste fin.
y Google
— 28l —
Fesponse s'est comme renouvellée l'occasion : car ilz ont
conclud en leur conseil ne nous pouvoir visiter pour
quelque temps que ce soit. Et nous sommes accrus et
accroissons, grâces à Dieu^ de jour en jour, tellement en
nombre qu^ à peine trois ou quatre suffiroient à nostre ville»
Et nous sommes d'habondant chargez de sept ou huit
petites villottes et grosses bourgades, qui ne peuvent
avoir refPuge qu'à nous, tellement qu'il n'est plus possible
qu'un seul puisse fournir ; et ne savons où avoir recours
qu*à vous, de qui nous attendons toute assistance en une
chose si sainte. Mais pour ce que le besoin nous presse
comme plus a plein vous dira le gentilhomme porteur,
nous vous supplions ne trouver mauvais si nous sommes
contr^inctz vous suivre de près de promesse. Car (au cas)
où il y auroit en cecy imporlunité, l'alTeciion de l'advan-
cement du saint édillice de Dieu nous en peut justement
dispenser. Or sans vous tenir davantage, nous vous sup-
plions de rechef au nom de Dieu que vous nous secouriez
le plus tost que pourrez selon l'extresme nécessité en
laquelle nous sommes et que receviez nos très humbles
recommandations à vos bonnes grâces et prières, sup-
plians ce bon Dieu, mes très honorés sieurs, vous main-
tenir et enrichir en toutes bénédictions spirituelles à
l'avancement de sa gloire et de son œuvre.
c De Paris ce 24e may i56i. Vostre très humble ser-
viteur. Signé ; Antoine Delacroix y diacre de l'église de
Tours, au nom du trouppeau. » (Volume cité, 197 »,
fo 106).
y Google
— 282 —
No VI
EXTRAIT
d'une délibération du corps de ville de tours
Du 12 juillet 159g.
Henri IV avait envoyé à Tours deux commissaires pour
faire exécuter l'édit de Nantes. Les réformés leur remirent
une requête dans laquelle ils demandaient Tautorlsation
de bâtir un temple en ville. Le maire et les échevins se
réunirent et après avoir lu ladite requête, ils protestèrent
énergiquement contre les prétentions des huguenots.
Voici les passages principaux de leur délibération.
« sera remonstré auxdits s^'^ commissaires que ceste
requeste est de tout contre les termes de Fédict par lequel
disertement ceste ville et faulxboufgs, comme estant ville
archiépiscopale, est exempte de Texçrcice de ladite Relli-
gion prétendue refFormée, et que le faict de prétendre
pocession, en laquelle ils disent s'estre maintenuz par
ladite requeste de faire Texercice de ladite Relligion pré-
tendue refFormée, est non véritable; — au contraire que
touttesfois ei quantes qu'ils l'ont voullu entreprendre,
y Google
— 283 —
Beau ne, pour y faire prière ou aultre exerci-ce de leur
relligion prétendue refFormée, ledit s'" Cotereau, en aiaht
esté adverty, il se transf)orta en ladite maison et se saisit
d'aulcuns, dont la plaincte aiant esté faicte à Messieurs
du Parlement, lors séant en ceste ville, lesdils s" du Par-
lement feirent defïences expresses auxdits de la Relligion
prétendue reftormée de faire plus telles assemblées. — Et
en l'an lôgi, le s^ de Vallesnes, l'un desdits eschevins,
lors maire, aiant esté adverty que en la ihaison de
M. Didier-Rou, l'un desdits de la Relligion prétendue
reflormée, y avoit assemblée, feist appeler ledit Rou et
aultres par devant ledit s»* de Souvré, qui les blasma de
tel acte et leur feist de rechef deffence. — Au temps du
mairat du s' de Baudry- Forget, en Tannée 1594, advint
que en ung logis où estoit logée en ceste ville la dame
cVHarmilîé, s'estoient assemblez lesdits de la Relligion
prétendue refformée. 11 s'y transporta et aussy le s' Bou-
chillon-Roger, lors lieutenant particulier en ceste ville et
à présent J'ung desdits eschevins, qui en feist son procès-
verbal et leur fut faict réitératives defFences. — Au temps
du mairat du s' de Candé-Brodeau, en Tan lîgS, pareille
recherche fut faicte contre lesdits de la Relligion prétendue
refformée, qui s'estoient secretteiiient assemblez en une
maison de la rue du Cygne, et leur feirent mesmes def-
ferices; — et en l'an i5g8, au temps du mairat du s*" de
Montorant, l'un desdits eschevins, aiant esté adverty
d'une assemblée secrette faicte en une maison rue du
Boucassin, il se seroit transporté en ladite maison et pour
esvitter le tumulte qui se préparoit desia en ladite ville
contre ladite assemblée, il en auroit faict emprisonner
aulcuns, qui auroient esté eslargis dès le mesme jour au
soir... — Et encores en la présente année iSgg, nous
mayre aiant esté adverty d'une assemblée clandestine faicte
en une maison près le grand marché,... en aiant par
délibération expresse de ce corps faict plaincte audit s»* de
y Google
— 284 —
Souvré, y assistans Messieurs de l^église et aulcuns desdits
eschevins à ce depputez, ledit s"* de Souvré leur feist de
rechef defFence, et déclara que c'estoit contre rinlention
du Roy. Comme diverses fois des advertissements ont
esté faicts en semblables cas,... partans lesdits de la Relli-
gîon prétendue reformée ne se sauroient prévalloir par
leur dicte requeste d'aulcune possession, ne dire avecq
vérité quMlz aient faict aulcune assemblée publicquement ;
mais ce quMlz peuvent en avoir faict a esté de nuict et en
tout clandestinement. Et pour le regard dudit mémoire
en forme de placet, sera remonstré semblabl^ment auxdits
s" commissaires que ledit corps de ville se rapporte à
Messieurs du clergé et à Messieurs de la justice et aux
s" juges consuls à y respondre... — Au surplus seront
instamment suppliez lesdits s'* commissaires ordonner
que les mots portez par le mémoire ou placet scandalleux
et repétition de ce que lesdits de ladite Relligion pré-
tendue refformee disent estre advenu au fauxbourg de la
Riche es années mil six cens soixante-deux et soixante-
dou!(e à la Saint-Barthélémy, soit rayé non seulement
comme contraire à la vérité, mais contre les ordonnances
et même contre le i«r article dudit édict prohibitif de
remettre en mémoire les injures et faicis passés durant
les troubles. — Et pour ce que depuis que lesdits de la
Relligion prétendue refiFormée de ceste ville se sont ac-
commodez d'ung lieu qui estoit lors près de ladite ville
pour leur cimetière, ladite ville a esté accreue... en sorte
que le lieu est au dedans de ladite ville, (il est décidé) de
requérir et demander auxdits s" commissaires qu'il leur
y Google
-. 285 —
assistance de ministre ne aulcune cérémonie, et aupara-
vant les heures de cinq heures du matin^ ne devant
l'heure de huict heures du soir en esté, ne aussy en hiver
après rheure de sept heures du matin et devant Pheure
de cinq heures du soir. » (Registre des délibérations,
t. XXVI, 1595 à 1601, fo457 et sq. Archives de la mairie
de Tours).
N<> Vil
LETTRE INÉDITE
DES RÉFORMÉS DE L ' I L E - B O UC H AR D
Adressée à Richelieu le 19 décembre f633.
A Monseigneur,
« Les pasteur, anciens et diacres et chefs de famille de
l'Église prétendue réformée de TIsle-Bouchard, remons-
trent en toute humilité et submission à vostre Eminence
que Texercice de la Religion prétendue réformée y aiant
esté estably par le Roy défunt du temps qu'il en faisoit
profession, et l'y aiant confirmé depuis qu'il feut parvenu
à la couronne, par l'art. 9 de l'édict de Nantes, il y avoit
à espérer pour eux qu'ils y jouiroient de ceste liberté tant
que sa Majesté la soufFriroit ailleurs : veu surtout que
défuncte Madame la Duchesse de la Trémouille les avoit
asseurez par gentilhomme exprez que vostre Eminence
avoit eu agréable de luy en donner des asseurances et
y Google
— 286 —
promesses verbales, en exécution desquelles M. de Silly,
s'auctorisant du pouvoir de vostre Eminence, les auroit
establis au faubourg Saint-Maurice de vostre dicte ville
de risle-Bouchard par l'advis et consentement unanime
des babitans catholiques dMcelle, tant ecclésiastiques que
séculiers^ comme il appert par Pacte publié qui en feut
dressé et' laissé au gre£Pe pour y avoir recours. Ce qui
leur estoit une singulière consolation de se voir, quoi-
qu'aians beaucoup de peine et de frais, establis et recueillis
soubz l'aveu et protection d'un Seigneur dont le pouvoir
et réquanimité leur taisoit croire 'et espérer d*y estre
maintenus contre toute sorte de dessins et d'efforts con-
traires à leur liberté. Ce nonobstant. Monseigneur, il est
arrivé depuis un an en ça par la malveillance des habi-
tans oublieux de la tranquillité passée et de la bonne
union qui avoit esté entre eux tous, qu'ils y ont esté
molestez et troublez en diverses manières et exercices de
la Religion prétendue réformée et contrains au mois de ,
mars dernier d'envoyer le si^ Du Péron exprez vers vostre
Eminence pour se jeter à ses pieds et vous faire entendre
leurs griefs et souffrances; mais n'ayant peu estre si
heureux que d'avoir accez vers Elle, l'aflFaire feut commis
au soin et à l'examen de personnes qui, distraites par de
grandes occupations, n'eurent pas le loisir d'en bien con-
sidérer. Toutesfois ceste mauvaise volonté des habitans
n'avoit point prévalu qu'au passage de Mgr de Bordeaux
par ladite ville... Vaincu par lesdites sollicitations, il
nous défendit de plus continuer à l'advenir de nous
assembler au lieu qui avoit esté veu et aggréé par mondit
s' de Silly.;. Nous avons obéi, de sorte que depuis la fin
de juillet dernier nous sommes demourez espars, sans
consolation. p-mr^C^av à l^ «^oc»:^» ^4- ^r^ry*^r^A\^*l^^ Ai^
y Google
-.287-
rante-cinq ans... Plaise è vostre Éminence faire cesser les
troubles et empeschemans que les habitants de vostre
ville de FIsle-Bouchard nous donnent es fonctions de la
Religion prétendue réforniée; nous rendre la paiit et la
consolation dont jouissent en ce royaume tous ceux qui
en font profession et nous permettre de continuer nos
exercices en ladite ville ou en tel autre lieu commode
qu'il vous plaira.
«t Pour tous ont signé les i8 et ig^ de ce mois de
décembre i633 : Vacher, pasteur; Beauté gUar (?), ancien;
Martineau; Dubordieu, diacre; Marche; Quinson; Per^
râteau; Thenueil; Perroteau; Laplante; Lavaranne;
Cartoy; de Viliers; Lahrosse de la Tour-Saint-Gelin ;
Lebrevis (?) ; Lof or est ; Desbournays, s
Archives du Ministère des Affaires Étrangères, France,
nM749, f«>37.
N'* VIII
FERMETURE DU TEMPLE
DE LA BUTTE
i685
Lettre du Lieutenant général de Touraine,
9. Monseigneur, je fis rapport vendredi dernier en la
chambre du Conseil d'une requeste de Tavocat du Roy
au siège, pour Tabsence du procureur du Roy, par laquelle
Digitized by CjQOQ IC
— 288 —
il remontra que Duvidal^ ministre de ceux de la Religion
prétendue réformée de ceste ville, prisonnier dans nos
prisons, avoit esté banny à perpétuité hors du royaume
par sentance du siège du 1 6 de ce moys, par laquelle on
auroit décrété de prise de corps contre SiquevillCy autre
ministre de ladite religion, qui estoit en fuite. Au moyen
de quoy ceux de la Religion prétendue réformée n^ayant
plus de ministres, ne pouvoient plus s^assembler dans le
temple de la Butte, suivant la déclaration de sa Maiesté
du 3o aoust 1682, et en conséquence demandoit que le
temple fust fermé, ce que les officiers de ce siège jugèrent
par ordonnance du mesme jour, auquel eftect je me trans-
porterois au temple. J'executé, Monseigneur, le mesme
jour ceste ordonnance en présence de Tavocat du Roy,
dont j'é dressé mon procès- verbal . Je prends la liberté,
Monseigneur, de vous envoyer ceste ordonnance et le
procès-verbal de mon transport et vous assurer que je
suis, etc. Signé : Nau, lieutenant général en Touraine.
— A Tours, ce 200 may i685. »
Cest le 18 mai qu^il s'était transporté sur les lieux. Voici
la partie saillante de son Procès- Verbal, qui est annexé à
la lettre ci-dessus : a Nous avons mandé la veuve Chardon,
consierge, pour qu'elle eust à nous représenter les clefs
dudit temple (de la Butte). Ce qu'elle a présentement fait, —
au nombre de deux, sçavoir : une grande et une petite... et
ensuite avons fait faire ouverture dudit temple, entré en
icelluy cl fait fermer les fenestres, contrevans et volets
par le dedans dudit temple, ensemble les portes. Tune
fermant à l'oriant et l'autre à l'occident, que ferme une
y Google
— 289 —
clefs mises es mains de nostre greffier, dont et de quoy
avons faict le présent procès- verbal. » — Archives na-
tionales, TT 323.
N^ IX
EXTRAIT
DU REGISTRE DES DÉLIBÉRATIONS DU CORÏ>S DE VILLE
DE TOURS
Séance du 17 octobre i685.
« Aujourd'hui mercredy 17 octobre i685, par devant
nous Maire et Eschevins de la ville de Tours, en Thostel
commun dMcelle ont comparu les cy-après nommez
lesquelz en exécution de l'ordonnance de Monseigneur de
Nointel, l'Intendant de ceste Généralité en date du (pas
de date) de février, publyée et affichée où besoin a esté,
nous ont représenté chacun un estât et mémoire des meu-
bles et éfletz par eux acheptez de ceux de la Religion
prétendue réformée, dont leur avons envoyé acte et
ordonné que les ditz estatz et mémoires seront registrez
es registres de ce corps pour y avoir recours quand besoin
sera, dont la teneur s'ensuyt.
* »»ii*^^ _ Le 2 octobre i685, moy Rouillé, j'ai
y Google
— 2Q0 —
gens de la Religion prétendue réformée. — Premièrement^
de Madame veuve Dufourg, le 29 septembre 168 5, un
moulin à passer la farine pour 7 livres 20 sols; du s^ de
Sicquevilte, deux guéridons pour 3 livres. A Tours, ce
17 octobre i685. Signé : Delaroche, rue des Carmes,
paroisse Saint-Saturnin.
« Preuilly. — Je déclare que i*ay achepté du s' Briot
et de Mademoiselle Brioi un fil de perles, le 8» jour
d*aoust i685, pour la somme de 5oo livres. Signé :
Preuilly, paroisse Saint-Pierre-le-Puellier, que j'ay payé
comptant
« Delaunay. — Je recognois que le s' Jallot m*a remis
entre les mains, il y a environ de six semaines, 36 marcqs
de vaisselle d'argent, dont j'ai fait prix avec ledit sieur
à raison de 27 livres le marcq, montant à la somme de
972 livres.
« Sillon, — Le 12 septembre i685, j'ay achepté de
M. Brethon deux miroirs et deux lustres '^5o livres, plus
une tanture et tapisserie de Flandre 400 livres
• Baron. — J^ déclare avoir achepté du s^* Jean Briot,
le 1 1« du présent moys^ une table avec ses deux guéridons
et deux petits tableaux la somme de 200 livres. Puis je
déclare avoir en dépost dudit sieur le nombre de huit ta-
bleaux de plusieurs grandeurs. Fait le 17 octobre i685.
Signé : Baron/ paroisse de Saint-Pierrc-le-Puellier..«..
« Haf^uenier et Richekourg, — Mémoire des meubles
que j'ay acheptez avec mon beau-frère Haguenier, mar-
chand frippier à Tours, de Messieurs de la Religion pré-
tendue réformée. — Du i3 aoust i685, achepté à Ma?
dame veuve Delacour une vieille tanture de feuillet^inct
d'Auvergne, pour le prix de 40 livres. Plus un miroir à
cadre de noyer, 22 livres. Plus pour 14. livres de batterie
de cuisine, et vieux draps, neuf livres, payez comptant,
« Du 20 septembre i685, nous avons achepté de Ma--
dame Fleury, la veuve, demourant rue des Carmes, une
y Google
— 291 —
vieille tgnture de tapisserie et quatre feuilles de paravant,
plus douze draps communs, seize douzaines de serviettes
de brain commun, plus dix nappes grosses, plus trente-
quatre serviettes et deux nappes ouvrées presque usées,
un miroir h cadre noir, un vieil lit garni dç son tour de
lit feuille morte, le tout ensemble prix faict à 386 livres.
Payé comptant «
« Le 210 de septembre i685, nous avons achepté de
Madame (Falaiseau) de Villenelle une vieille tanture de
tapisserie, dix-huit chaises de table couvertes de moc-
quade, un quipola couvert de mocquade, une vieille table
et deux guéridons, le tout ensemble pour le prix de
1 20 livres. — Puis achepté pendant son enquam douze
draps communs^ six draps de brain, quatorze douzaines
de serviettes, douze nappes, quatorze chaises couvertes de
housses de poinct d*Hongrie et douze chaises couvertes"
de thoille verte et six chaises de paille, le tout ensemble
pour le prix de 370 livres; laquelle somme j'ay payé
comptant, /
« Du jor octobre 168 5, nous avons achepté de M. Bre-
thon, de Isi rue du Pallais, une vieille tanture de tapisserie
contenant quinze aulnes, une table, deux guéridons, un
miroir, douze chaises couvertes de brocatel jaulnes et
blanches; le tout ensemble pour le prix de 332 livres
10 sols. Payé comptant.
« Du même jour, nous avons achepté de M. Setgnouret^
- demourant rue des Carmes, douze chaises couvertes de
brocatel, six chaises de paille, deux chaises à grand dos,
deux tables, tleux guéridons, quatre tabourets, un écran,
un miroir, un quinola, cinquante-six livres de vaisselle
d'estain, un bois de lit, plusieurs morceaux de fayence
servant sur une cheminée, une rafraîchissoire, le tout
ensemble pour le prix de 227 livres 4 sols. Payé comptant.
« Du 2 octobre, nous avons achepté de Madame Char-
don, de la rue des Carmes, douze chaises couvertes de
y Google
— 292 —
brocatel, un quînola, une table, deux bois de Ht, le tout
pour la somme de So livres
« Le 8 octobre i68b, nous avons achepté de M. Guil,
un lit garny de soye rouge, de son matelas, bois de ht et
paillasse et une vieille couverture ; un lit vert garny de
son lit de plume, matelas, bois de lit, paillasse et une
couverture verte ; vingt-quatre chaises couvertes de moc-
quade, douze chaises couvertes de toilles vertes, six chaises
et six ployans couverts de housses de tapisserie, une
chaise de repos couverte de mocquade, cinq feuilles de
paravant, une table, deux guéridons, deux armoires à
deux fenestres, deux méchants lits de vallet, un miroir,
une vieille tanture de Bergame, trois paires de petits
chenetz, une chaise percée, une vieille tanture de tapis-
serie, un moulin à farine et plusieurs menues bagatelles
quy se sont trouvées dans la maison. Le tout pour le
prix de ybo livres que nous avons payé comptant, et
trente-deux chaises quy sont du marché, lesquelles ne
nous sont point livrées^ esta n s à sa maison de campagne,
dont j'en ay son billet pour les taire venir..., etc., etc. »
Voici du reste les noms des réformés dont il est fait
mention dans ce curieux document :
Allain, Bouchet, Brethon, Briot, Berrin, Philippe de
la Cour, Isaac de la Cour, Jean de la Cour, Cormier,
Cortel ({], Causay, Chevallier, Chesnon, Chardon, Des-
champs, Dufourg, Delaunay, Deschaux, Fanjoux, Falai-
seau de Villenelle, Fleury, Guill, Ménessier, Norieux '
Planche, Quenouault, Renou, Renouard, Soubzmain, de
y Google
— 2g'5 —
No X
EXTRAIT
lU MÉMOIRE DE l'iNTENDANT DE TOURAINE
De 1698
«f Au temps de Louis XIII les étrangers venoient eux-
mesmes acheter les marchandises et il y avoit plus de
20,000 ouvriers en soye à Tours, y compris les apprenti fs
et plus de 8,000 métiers d^étoffes de soye, 700 moulins à
soye et plus de 40,000 personnes employées à dévider la
soye, à Taprester et à la fabriquer, — au lieu qu'il n'y a
maintenant que 120 métiers, 70 moulins et 4,000 per-
sonnes occupées au travail de la soye^ non compris la
rubannerie dont il y a eu autrefois 1,000 métiers, tant à
Tours qu'aux environs, et dont il ne reste maintenant
que 60. » (f» 195).
La draperie est ruinée. Il y avait « plus de 25o métiers
autrefois et plus de 120 maîtres. Il n'y a maintenant que
i5 à 16 maîtres. » (f» 199).
A Tours « il y avait avant la guerre goo huguenots^
tous marchands et fabriquans, il n'en reste plus que 400,
y compris les enfants; les autres sont allez en Angleterre
et en Hollande, où 1/5 ont étably leur fabrique et leur
négoce, (f» 210).
A Chinon, « il y a eu autrefois 1 2 familles d'huguenots, il
en reste encore 8^ Les 4 autres sont sorties du royaume. »
(t«2I7).
y Google
— -^'M —
De Preuilly, • il est sorti depuis i3 à 14 ans 25 familles
d'huguenots, et il en reste encore 26. » (fo 244). — (Ar-
chives du Ministère des Affaires Étrangères, France,
no 1,749).
Examinons deux chiffres donnés par Miromesnil dans
le rapport dont nous venons de citer quelques passages .
D'après lui il y aurait eu à Tours, en i685, g o(^ hu-
guenots, tous marchands et fabricants, ce qui ferait sup-
poser que la population protestante de Tours s'élevait à
cette époque au chiffre de 3,6oo personnes environ. L'in-
tendant à évidemment exagéré. En effet les pasteurs de
la Butte ont célébré en 1680, 34 baptêmes; en 168 1, 36 ;
en 1682, 20; en i683, 3o; et en 1684, 3o ; — soit
i5o baptêmes en 5 ans, ce qui nous donne une moyenne
de 3o baptêmes par an. Or en admettant que le chiffre
des naissances soit à celui de la population comme i est
à 5o (c'est à peu près la proportion actuelle pour Téglise
réformée de Tours), on doit conclure, comme nous I'a\'ons
fait, qu'il y avait dans notre ville i,5oo protestants
environ au moment de la Révocation. — Bien que nous
regardions comme faux ce chiffre de 900 marchands et
fabricants donné par Miromesnil, nous croyons qu'il
devait être dans le vrai quand il écrivait qu'il ne restait
à Tours, en 1698, que 400 personnes y compris les
enfants, ayant appartenu à la Religion réformée, soit au
plus une centaine de chefs de^famille. Dans le premier
cas en effet l'intendant parle d'un passé qu'il ne connais-
sait que par les rapports plus ou moins exacts de son
prédécesseur et de son entourage ; dans le second au con-
traire il cite un chiffre dont il avait pu vérifier l'exacti-
tude, puisque l'autorité possédait en 1698 des listes
nominatives des nouveaux convertis.
y Google
— 295
No XI
LISTE
DES PROTESTANTS EMPRISONNES DANS LE DONJON DE
LOCHES
Après la Révocation.
1686. — De risle du Gast, sorti en 1688 ;
Anne Martroy, femme Fontaine.
1687. — Th, de Beringhen, sorti en 1688;
Sanson de Cahanel, ancien de l'église de
Saint-Lô, exilé plus tard;
Hdmonnet^ exilé à sa sortie de prison ;
M^* de Mareonnay;
Mesnage de Cagny, sorti en 1688 ;
De Saint-Jean f sorti en 1688;
■3/me pauU sortie en 1693.
1691. — De Puichenin;
Des Misnières, transféré dans une autre prison
d'État en 1694.
1692, — Cibot ;
Des Loges ;
Hudely transféré en 1692 ;
Ingrand de la Dornatiere;
La Gaillarderie, transféré en j 70 1 .
i6q3. — C/iai7/é, médecin, transféré en 1695 au Château-
Trompette de Bordeaux.
1690. — ^^/'"^ Devorie.
y Google
— 296 —
1 70 1 . — -!/*'• Desmoulins, de Blois.
Voir France protestante^ pièces justificatives.
N'^ XII
REGIE
DES BIENS DES REFORMES
« La plus grande partie des biens (des religion naires
fugitifs), n'a jamais été mise en régie^ est-il dit dans une
pièce officielle de 1723, intitulée : Analyse des édicts et
déclarations relatifs aux Religionnaires fugitif s (Archivas
nationales TT 444, page 5), soit par Tartifice des réfrac-
taires ou par la négligence des préposés; » — mais il n'en
reste pas moins vrai qu'un grand nombre de rentes et
d'immeubles furent saisis par l'État. Voici quelques
détails sur les opérations de la régie en Touraine, tirés
des comptes du régisseur et des pièces justificatives qui
les accompagnent.
« Le 26 may 1700, on a saisy le tiers de la terre du
Marais, située paroisse d'Antoigny (élection de Chinon),
lequel tiers peut valoir 5oo livres de renie, appartenant
au sieur Bonnard de Seligny, 5' de Grand-Maison, reli-
gionnaire fugitif.
« Reçeu du s' Gautier, notaire, la somme de i6o livres
nmir linp ann^^A Aa. 1^»».
y Google
- 297 —
« Reçeu de Marguerite Maubon la. somme de 6g livres
qu'elle déclaroit devoir à Claude Baudouin^ religionnaire
fugitif.
« Le 28 juin 1700, il a esté saisy entre les mains du
fermier une closerie appelée Puytorson, paroisse de Vou-
,vray, appartenant aux hérittîers de Claude Baudouin,
religionnaire fugitif.
a Le 23 juin 1700, il a esté saisy entre les mains de
Louis Saget, etc., deux logis sittuez en ceste ville de
Tours, appartenant au s' Samuel Falaiseau et veufve
Falaiseau de Boisjoly, religionnaîres fugitifs.
« Le 28 de may 1700, l'on a saisy entre les mains de
Barthélémy Barat, locataire d'une maison située rue de la
Scellerie, à Tours, appartenant aux hérittiers Claude
Baudouin, religionnaire fugitif.
« Le 17 du mois de may 1708^ en vertu d'ordonnance
de Monseigneur Turgot, l'on seroit oposé au scellé aposé
ez la maison de Philippe Gaudin, serrurier à Tours,
décéddé au commencement dudit mois sans avoir voulu
recevoir les sacremens (bien) qu'il eust auparavant faict
abjuration de son hérésie» et par autre ordonnance de
mondit seigneur Turgot, du 3 juin 1709, faict saisir les
biens dudit Gaudin et de Renée d^Aubigny, son espouze,
mprte dès le mois de juillet 1703, sans aussy avoir voulu
se reconnoistrc. »
En 1709, la régie encaissa i3 livres i3 sols pour loyer
d'une closerie appelée La Motte, dans la paroisse de
Saint-Denis, appartenant à Jean Hanard, religionnaire
fugitif.
En 1728, le régisseur fit saisir un pavillon et ses dépen-
dances, situés paroisse de Chissay, et par autre exploit
a un arpent et demy de terre joignant la rivière du Cher,
ensemencée de bled la présente année, situé paroisse de
Saint-Martin-le-Bel, le to\it appartenant au s' ministre
Daillé et Anne Falaiseau, son espouse. »
10.
y Google
— 298 —
On avait d^ailleurs 8ai«i à Daillé « trois maisons situées
rue des Jésuites, trois autres rue Traversine. •
Enfin l'on avait fait main basse a sur une chambre et
un petit jardin, » appartenant au s' Fanjou,
Si Ton veut avoir une idée de ce qu'étaient les recettes
et les dépenses de la régie de la généralité de Touraine,
au commencement du xviii* siècle, qu'on lise le compte
ci-dessous.
« Bordereau de recepte et dépence du compte rendu
par le sl^ Proust de SerdelleSt des biens des religionnaires
fugitifs de la Généralité de Tours pour Vannée 1706,
arresté par Monseigneur l'Intendant ^ le 18* de septem^
bre IJ08,
Premièrement.
RECEPTES
Élections.
Pour le débet du compte précédent sauf les
reprises de la somme de 1.17g liv., i8s.,3d.
Du Mahs,
—
297
2
5
D'Angers,
—
900
De Saumur,
—
340
10
De Montreuil-le-Bellay,
—
3i6
i3
4
De Richelieu,
—
74
De Loudun,
—
162
i3
4
De Tours,
eptes....
319
6
Total des rec
. 3.593 liv.,
3s,
,4d.
y Google
- 299 ~
Deuxièmement,
DEPENCES ET REPRISES SUIVANT LES APOSTILLES
Élections.
Le Mans, la somme de 21 liv., 1 1 s.,od.
Angers, — 2.323 6 6
Saumur et Mon treuil, — 164 20
Richelieu, — 5 19 o
Loudun, — 84 19 o
Tours, — 1.175 i8 o
Total de la dépence..,. 3.776 liv., i5s.,6d.
Partant, la dépence excède la recepte de cent quatre-
vingt-deux livres, douze sols, deux deniers, sauf les
reprises au prochain compte de quelques parties, sy
182 livres, 12 sols, 2 deniers. »
Toutes les pièces, dont nous venons de citer quelques
passages et le compte du s^ Proust, sont conservées aux
Archives nationales, liasses TT 81 et TT 82.
y Google
y Google
TABLE DES MATIÈRES
Chapitre I. — Les Origines du Protestantisme en
Touraine. — Des prêtres habitués de Saint-Martin
prêchent la doctrine luthérienne en i525. — Le concile
provincial de Tours de i528 ordonne l'extirpation de
l'hérésie. — Persécutions. — Catherine Mareschal est
brûlée en i532. — Affaire des placards. — Supplice de
deux rubaniers de Tours, le i8 septembre i535. —
Émigration. — Octavien Blonde!, lapidaire de Tours,
est brûlé vif en 1 548. — Progrès de la Réforme. — Jean
de l'Ëspine et Gerbault, moines augustins, prennent la
direction du mouvement. — Supplice de Jean Godeau,
de Chinon. — Les délégués de la Confédération helvé-
tique viennent à Tours demander au roi la grâce des
cinq écoliers de Lyon. — L'archevêque Etienne Poncher
réclame l'organisation d'une chambre ardente. • i
Chapitre IL — De V organisation de V église de Tours à
la conspiration d'Amboise, i556-j56o. — Organisa-
tion de l'église de Tours en i556. — Luttes : La Bedoire
et les pasteurs envoyés de Genève. — Supplice de Phi-
libert Hamelin et de Jean Caillou en ibb'j* — Mesures
prises contre les réformés. — Les meneurs du parti
sont enfermés dans les prisons de l'archevêché. Suites
de cette affaire d'après la lettre de Riseus à Calvin, du
16 mai 1559 33
y Google
— 3o2 —
Chapitre III. — De la conjuration d'Amboise au mas-
sacre de Vassy, i56o à i562. ^ Les églises de Saint-
Avertin, de Chinon, de Cormery, d'Azay, de Saint-
Christophe et de Ligueil. — La conjuration d*Amboise.
— Mascarade à Tours. — Le moine Richelieu. — Le
Camus remet un mémoire à Catherine de Médicis. —
La noblesse deTouraine réclame la liberté de conscience.
— Le cahier du Tiers-État de Tours, juin 1 56 1 . — Les
réformés s'emparent de Péglise des Cordeliers en i56i.
— En février i562, ils pillent l'église du Chardonnet.
— Église de Loches. — Etienne de Longueville à Saint-
Christophe 48
Chapitre IV. — Du massacre de Vassy à la promulga-
tion de Védit cVAmboise, i562 à i563. — Les hugue-
nots s'emparent de Tours. — Pillage des édifices reli-
gieux. — Le maréchal de Saint- André entre en ville
avec le clergé. — Massacres à Ligueil, à Loches, à File-
Bouchard, à Tauxigny, à Azay. — Boucherie de Téglise
de la Riche. — Persécutions et noyades à Tours. —
Mort du président Bourgeau. — Listes de suspects. —
Nomination de quarteniers chargés de surveiller les
huguenots ' 76
Chapitre V. — De Védit d'Amboise à la Saint-Barthé-
lémy, i563-i5y2. — L'édit d'Amboise. — Requête
adressée au roi. — Les officiers du présidial. — Ouver-
ture d'un temple à Maillé (Luynes), le 4 septem-
bre 1564. — Supplique sous forme de plainte adressée
au roi; insultes, massacres. — Réponse de»^:atholiques.
— Émeute du 8 juillet i565 : huit protestants égorgés.
— Violences exercées à Maillé contre les réformés
en i568. — Ouverture d'un temple à Villefrau pour
les protestants d'Amboise. -- Loches, Preuilïy, l'Ile-
Bouchard. ~ Legaigneux à Maillé 100
y Google
— 3o3 —
Chapitre VI. — De la Saint- Barthélémy à la promulga-
tion de Védit de Nantes, i5y2 à i5g8, — La Saint-
Barthéleray en Touraine. — Pillages. — Le traité de
Beaulieu, iSyô. — La ligue. — Entrevue d'Henri de
Béarn et d'Henri III au Plessis. — Mayenne attaque
Tours. Il est obligé de battre en retraite devant les
casaques blanches du Béarnais. — Entrée d'Henri IV à
Tours. — Les réformés se réunissent clandestinement.
— Le clergé excite le peuple contre eux. — Actes d'in-
tolérance à Preuilly, à l'Ile-Bouchard et à Sainte-
Maure— Cou p-d'œil rétrospectifsur le xvi" siècle. i33
•Chapitre VII, -- De la promulgation de Védit de Nantes
à Vémeute de 162 1, — L'édit de Nantes. — Églises de
Touraine au commencement du xvii© siècle. — Le
temple de Plessis-les-Tours. — Cimetières. — Organi-
sation : consistoires, colloques, synodes. — La vie inté-
rieure d'après les actes des synodes de la province, —
Instruction de la jeunesse. — Étudiants en théologie.
— Controverse. — Questions financières. — Disci-
pline l52
Chapitre VIII. — De Vémeute de 162 1 aux préludes de
la Révocation, 162 1 à 1 660* — Enterrement de Lenoir.
— Émeute. — Le cimetière du Petit-Genève est dévasté;
le temple du Plessis brûlé. — Deux réformés jetés en
prison. — Le roi intervient : nouvelle émeute. — Le
tribunal envahi par la foule. — Louis XIII vient à
Tours et fait pendre cinq émeutiers. -- En 1626
les protestants sont autorisés à construire un temple
à la Butte, inauguré en i63i. — Preuilly : le pas-
teur en prison en 1637. — Châtillon : temple brûlé
en 1 546. — Persécutions à l'Ile-Bouchard. — Plaintes
du clergé. • . . . , . 167
Chapitre IX, -- La Révocation de Védit de Nantes. —
y Google
— 3o4 — •
Ordonnances royales contre les protestants. — Plainte
d'un chanoine de Tours contre les pasteurs de Preuilly.
— Un sermon de du Vidal. — Combien y avait-il de
réformés en Touraine à la veille de la Révocation^
Leur situation. — Affaire de la Communauté des Or-
fèvres, — Procès intenté à du VidaPen 1681, à propos
d'une conversion imaginaire. — Nouvelles poursuites
en i683. — Du Vidal en prison. — Jugement du tri-
bunal de Tours, du i6 mai i685, ordonnant la démo-
lition du temple de la Butte. — Condamnation des
deux pasteurs et des membres du consistoire. — Appel.
— Le sr de Hautecourt est chargé de baptiser les enfants.
— Mesures inquisitoriales. — Édit de Révocation. —
Joie du clergé x8S
Chapitre X. — La Révocation de Védit de Nantes (suite).
Fuite des protestants. — Nouveaux convertis. — His-
toire de Cardel. — Forçats pour cause de religion. —
Prisonniers de Loches. — Enfants enlevés à leurs pa-
rents. — Conséquences de la Révocation au point de
vue religieux et au point^de vue industriel et commer-
cial. — Opinion de Foucault sur la Révocation. -- Les
biens du consistoire de Tours donnés aux hospices;
ceux du consistoire de Preuilly mis aux enchères. —
Régie des propriétés et des rentes des religîonn aires
fugitifs. — Les derniers protestants de Touraine au
xviiio siècle : Renée d'Aubîgny, Philippe Gaudin, fa-
mille Dutems 2o5
Chapitre XI. — Le Protestantisme en Touraine au
XIX^ siècle, — L'église anglaise. — Organisation de
y Google
— 3o5 —
réformés de Tours achètent Tancienne église de Tunioa
chrétienne en 1844. ,.....,. 228
CHAPITRE XII. — Le Protestantisme en Touraine au
XIX^ siècle (suite). — Huismes. — M. Fuzier à la
Chapelle- aux-Naux. — Procès intenté à Caltelain et à
Sureau. — Le maire de Huismes interdit au pasteur de
célébrer le culte. — Liberté 'rendue en i863. — Écoles
protestantes de Tours. — Comité de bienfaisance. —
Ambulances pendant la guerre de 1870. — Coup-d'œil
sur Pétat du protestantisme en Touraine, . . • 242
APPENDICES
No I. — Pasteurs de Touraine au xvi^, au xvii® et au
xix^ siècle 263
No IL — Actes des synodes de la V* province ecclé-
siastique. • • » 266
No III. — Extrait d^une lettre de Riseus à Calvin^ du
16 mai iSSq. • ••••• 270
No IV. — Noms des protestants de Touraine reçus bour-
geois de Genève au XV I^ siècle, ....... 272
No V. — Quatre lettres inédites, de i56i. . . . 275
No VI. — Extrait d'une délibération du corps de ville de
Tours, <\\ji j 2 juillet 1699 • 282
No VIL — Lettre inédite des réformés de Vile-Bouchard,
adressée à Richelieu le 19 décembre i633. • .. 285
No VIII. — Fermeture du temple de la Butte en 1 685 287
y Google
— 3o6 —
N» IX. — Extrait du registre des délibérations du coi-ps
de ville de Tours, octobre t685 28g
N« X. — Extrait d'un mémoire de l'Intendant de Tou-
raine, de 1698 2g3
N® XI. — Liste des protestants emprisonnés dans le
donjon de Loches après la Révocation 2g3
S^ Xll. "' Régie des biens des réformés 296
Fin
-.A4^ar^-lk^|J^:^;fl «^ÎHL-
y Google
BLOIS, IMPRIMERIE R. MARCHAND.
y Google
y Google
y Google
y Google
y Google
y Google
r
%
DUPIN de Saint-André
Histoire du Protestant iam
en Toiaralne.
9»»£.39
1)93 l+hi
1385
4
.j*jogk